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Après l'invasion russe de l'Ukraine, "le Serment de Pamfir" est devenu un film "historique", estime son réalisateur Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, ce qui n'enlève pas la dimension "politique" à ce conte biblique qui se déroule en Ukraine occidentale rurale.

 

 

"Le Serment de Pamfir" est un long-métrage aux airs de conte biblique - dont la trame se déroule au coeur du monde rural ukrainien. Présenté au festival de Cannes et en salles, mercredi, en France, il a été tourné en 2019. Son action se situe après 2014 lorsque cette ex-République soviétique a connu la révolution pro-occidentale du Maïdan à Kiev, suivie de l'annexion de la Crimée par la Russie et la guerre hybride dans l'Est, prémices du conflit actuel.

 

Affiche du film "Le Serment de Pamfir"

"Un film historique sur le passé"

Six membres de l'équipe de "Pamfir" sont actuellement sur le front, l'un a été tué. Depuis son retour de Cannes, le réalisateur suit des volontaires ukrainiens avec sa caméra pour raconter la guerre au jour le jour. Son documentaire sur les barrages antichar a déjà été présenté à Toronto, deux autres sont en production. Des projets à l'opposé de "Pamfir", une fiction, qui "est devenue le 24 février un film historique sur le passé", a déclaré à l'AFP Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk (Soukholytkyï-Sobtchouk en français). Pamfir, un père de famille qui gagne sa vie dans l'Union européenne, revient dans son village à la frontière avec la Roumanie pour retrouver son fils et sa femme.

 

Des gens vêtus de costumes traditionnels célèbrent le festival Malanka. La fête, qui consiste à s'habiller en costumes élaborés et à aller de maison en maison en chantant des chansons traditionnelles, est célébrée le Nouveau Jour de l'an selon le calendrier julien. (AFP)

 

Cosaque zaporogue

Lorsque son fils se trouve mêlé à un incendie criminel, Pamfir est poussé à renouer avec son passé trouble. Le mythe biblique d’Abraham se rejoue ici avec en toile de fond le carnaval ukrainien de Malanka, mais le film "n'est pas apolitique", souligne le réalisateur. "Il y a une claire identification nationale, un écho de la guerre hybride au fin fond des Carpates", poursuit-il en évoquant une scène où l'on apprend que des jeunes, dont le père avait été tué dans le conflit dans l'Est, sont contraints de faire de la contrebande.

Le héros aux allures de cosaque zaporogue - ces guerriers dotés d'un système de gouvernement parlementaire dès le XVIe siècle et dont l'Ukraine est fière - sait à peine lire et veut que son fils ait une meilleure éducation que lui. Dans des paysages de montagne à couper le souffle, le village vit dans la boue et a sombré dans le crime et la corruption.

 

"Malanka a été une des impressions les plus fortes de mon enfance. Quand une personne enfile un masque et change sa nature, cela m'intéresse énormément (...). La fête fait partie de notre culture, celle que l'ennemi cherche à détruire", souligne le réalisateur. (AFP)

"Phénomène frontalier"

Est-ce une représentation de l'identité ukrainienne? "C'est réducteur vu la polyphonie du film. L'identité, c'est une des partitions qui est jouée dans ce film. C'est un des éléments clé, mais ce n'est qu'une strate", se défend le réalisateur. "Il y a les thèmes de la famille, du dialogue avec les ancêtres. Chaque spectateur y trouvera son compte. Des éléments différents vont résonner auprès de publics différents".

Les personnages parlent un dialecte de cette région multiethnique, pas l'ukrainien littéraire, la "langue qu'on a essayé de détruire, d'interdire, de discriminer pendant les siècles", ni le "sourjyk", ce mélange de russe et d'ukrainien. "Le dialecte, c'est un phénomène frontalier" qui représente les personnages ainsi que le pays qui existent dans une "zone grise", souligne le réalisateur.
Malanka caravagesque

La palette chromatique du film est pourtant vive et chaude. Les scènes du carnaval de Malanka dégagent une énergie sauvage. "Malanka a été une des impressions les plus fortes de mon enfance. Quand une personne enfile un masque et change sa nature, cela m'intéresse énormément (...). La fête fait partie de notre culture, celle que l'ennemi cherche à détruire", souligne le réalisateur.

Il a demandé à son chef opérateur de tourner dans l'esthétique de Caravage, son "peintre préféré" dont l’œuvre brutale et la technique de clair-obscur, a révolutionné la peinture du XVIIe siècle. "Il a peint différemment le Christ et la Vierge Marie représentés avant lui de façon idéale. Les personnages de mon film ne sont pas idéaux, mais on peut dire du bien de tous, même des salauds", conclut-il.

Maxime Pluvinet avec AFP
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