L’État libanais s’est enrichi au taux de 1.500 LL… et veut désormais faire payer les déposants
©Ici Beyrouth

Pendant des années, l’État libanais a honoré une partie substantielle de ses engagements financiers à un taux fictif, celui de 1 507,5 livres libanaises pour un dollar, bien en deçà de la valeur réelle de la monnaie. Cette pratique n’a jamais été qualifiée de « défaut », ni de « spoliation ». Elle a pourtant permis à l’État de réduire artificiellement le poids de sa dette, de préserver ses marges budgétaires et de transférer silencieusement ses pertes vers le système bancaire… puis vers les déposants.

Aujourd’hui, ce même État prétend « rendre justice » à ces déposants à travers l’adoption de la Gap Law. En réalité, cette loi parachève une opération de prédation : elle légalise l’effacement des dépôts, exonère l’État de ses responsabilités et consacre une impunité financière appelée à devenir un précédent historique.

Une dette publique allégée au détriment des citoyens
Lorsque l’État remboursait ses dettes internes en livres à un taux officiel déconnecté du marché, il s’enrichissait de facto. Cette politique a amputé les bilans des banques, fragilisé le système financier et préparé l’effondrement de 2019. Pourtant, aucune réforme structurelle sérieuse n’a été engagée, aucun audit réel n’a abouti à des poursuites, et aucun responsable politique n’a été tenu comptable.

La crise n’est pas le fruit d’un accident. Elle est le résultat d’un choix politique assumé : financer un État obèse, clientéliste et inefficace, au prix de l’épargne des Libanais.

 

La Gap Law : une loi d’exonération, pas de redressement

Présentée comme un cadre de « rétablissement financier », la Gap Law opère un renversement moral et juridique inédit. Elle transforme les déposants en variable d’ajustement, impose des pertes privées massives et sanctuarise la dette publique. L’État y apparaît non comme le principal responsable de la crise, mais comme un arbitre neutre — ce qu’il n’a jamais été.

Pire encore, cette loi sert des agendas idéologiques et technocratiques qui vont à l’encontre de l’intérêt national. Sous couvert de conformité aux exigences du Fonds monétaire international, elle impose une lecture biaisée de la crise : les pertes doivent être absorbées par la société, jamais par le pouvoir politique qui les a générées.

Un précédent juridique pour l’impunité des générations futures
En validant le principe selon lequel l’État peut effacer ses engagements par la loi, la Gap Law ouvre une brèche dangereuse. Elle crée un précédent qui permettra demain à toute classe dirigeante corrompue de se soustraire à ses responsabilités, au nom de la « stabilité » ou de la « nécessité économique ».

C’est un basculement historique : la loi n’est plus un outil de justice, mais un mécanisme d’amnistie financière.

Un État riche qui se prétend insolvable
L’argument central avancé pour justifier la spoliation des dépôts est l’absence de ressources. Cet argument est fallacieux. L’État libanais dispose d’actifs considérables : terrains publics, biens immobiliers, entreprises étatiques, et surtout des réserves d’or parmi les plus importantes de la région.

La Banque du Liban détient cet or, mais refuse d’en faire un levier économique. Dans de nombreux pays, l’or est investi, structuré, valorisé, utilisé comme garantie ou comme outil de rendement. Au Liban, il est sacralisé pour mieux justifier l’inaction — et sacrifier, à sa place, l’épargne des citoyens.

Sacrifier les dépôts pour sauver un système politique
La vérité est simple : la Gap Law ne sauve ni l’économie, ni le secteur bancaire, ni l’État. Elle sauve un système politique qui refuse de se réformer, de rendre des comptes et de restituer ce qu’il a dilapidé.

En détruisant la confiance, elle condamne toute reprise économique durable, ruine le crédit, décourage l’investissement et enterre le rôle du Liban comme place financière. Un pays ne se reconstruit pas sur la spoliation légalisée de ses citoyens.

La crise libanaise n’est pas une fatalité économique, mais une faillite politique. Et la Gap Law en est l’aveu le plus brutal.

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