Le terrorisme intellectuel dont ont été victimes les Libanais ces dernières années – à l’instar, d’ailleurs, de la plupart des populations arabes – n’a pas été l’œuvre uniquement des occupations successives (palestinienne, syrienne et iranienne), qui ont réussi à imposer leur joug (éphémère) respectif sur le Liban pendant plus de cinq décennies. Il a été aussi l’aboutissement d’une vaste manipulation médiatique, à laquelle se sont livrés les anciens régimes des pays dits de la «confrontation», depuis la proclamation de l’État d’Israël, en 1948.
Pendant près de 75 ans, les pouvoirs en place dans la région ont entretenu l’illusion d’un conflit ouvert et sans merci avec l’État hébreu. Force est de constater, avec le recul du temps, qu’ils ne se sont à aucun moment dotés des moyens de mener à son terme une telle confrontation, ou peut-être même n’ont-ils jamais véritablement voulu le faire… Durant toutes ces années perdues, les peuples de la région – dont, malencontreusement, une faction des Libanais avec eux – ont été constamment enivrés par les slogans mobilisateurs, les discours enflammés, les belles paroles sans réelle portée concrète, sauf une volonté cynique de diaboliser à outrance ceux qui manifestaient une quelconque réticence à se laisser entrainer dans ce jeu sournois.
Ce que l’on avait convenu d’appeler au fil des ans «la cause» s’est transformée, sans que les populations n’en soient réellement conscientes, en un simple «fonds de commerce» d’où les dictatures militaires en place puisaient des éléments de propagande, pour aliéner les masses populaires et se maintenir de ce fait au pouvoir. Les populations concernées n’ont jamais eu l’opportunité de comprendre que ce n’est pas par l’idéologie, les slogans et les beaux discours que l’on peut mener une guerre contre une armée bénéficiant d’une technologie de pointe et, de surcroit, de l’aide massive, quasiment illimitée, d’une superpuissance mondiale.
Le premier dirigeant arabe qui a eu l’immense courage politique d’admettre publiquement une telle réalité, se comportant ainsi en véritable chef d’État, a été l’ancien président égyptien Anouar Sadate, qui devait souligner, dans le sillage de la guerre d’octobre 1973, qu’il avait décidé de baisser les armes parce qu’il avait réalisé qu’il menait un combat non pas tant contre Israël, mais en réalité contre les États-Unis, contre l’armée la plus puissante au monde. Mais les fondamentalistes islamistes ne le voyaient pas de cet œil. On connait la suite…
Cela peut paraître dur et frustrant de voir la réalité en face, mais comme il ressort d’un dicton populaire, il faut parfois appeler un chat par son nom… Au cours des dernières décennies, les organisations intégristes, aussi bien sunnites que chiites, ont été les véritables fossoyeurs de la cause palestinienne. Comment expliquer, à titre d’exemple, qu’au début des années 2000 le Hamas a liquidé, dans le sang, la présence du Fateh à Gaza pour imposer un pouvoir dictatorial qui s’est contenté depuis, et jusqu’à la funeste attaque suicidaire du 7 octobre 2023, de lancer de temps à autre quelques roquettes contre le territoire israélien dont le seul et unique effet était d’entretenir une tension chronique, sans aucun résultat sur le terrain, à part les raids de représailles destructeurs dont seule la population faisait les frais?
Il faut sur ce plan se rendre à l’évidence: toute l’aide financière reçue par les chefs du Hamas était consacrée à la construction de dizaines de tunnels souterrains conçus pour assurer la sécurité des miliciens. Pas un seul abri pour permettre aux civils de se préserver des conséquences des actions stériles lancées de façon épisodique par la milice. Et parallèlement, pas un seul plan d’action stratégique permettant de traduire dans les faits les slogans répétés à coups de discours qui n’avaient de belliqueux que les seules apparences trompeuses.
Même schéma, aussi bien médiatique que logistique, au niveau du Hezbollah local. Les événements de ces derniers mois ont apporté la preuve «par quatre» que les discours enflammés et menaçants axés sur la prétendue «résistance» n’étaient en définitive que le fonds de commerce libanais placé au service des intérêts, des manœuvres et des ambitions hégémoniques régionales de la République islamique iranienne.
Face à ces réalités indéniables qui ont jalonné pendant des décennies l’espace médiatique et public des pays du Levant, toute diabolisation de ceux qui affichent leurs aspirations à une prospérité et à un bien-être tant attendus ainsi qu’à une paix régionale globale et durable ne peut relever que d’une vaste et diabolique entreprise de sape nationale.




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