Coup d’envoi fin décembre prochain pour une initiative libanaise qui veut réparer des enfances cabossées en mariant santé mentale, protection de l’enfance, éducation et outils technologiques.
Une salle modeste, des chaises en cercle, des respirations guidées. À la fin de l’atelier, une collégienne griffonne « je me sens plus légère » sur un post-it. Scène ordinaire dans un centre pilote de Boukra Nour, ONG fondée par Léa Jabre, Georges Debbas et Me Nada Abdelsater. Leur défi : aider les enfants et adolescents à retisser des repères émotionnels et outiller les adultes qui les entourent pour que l’aide tienne dans la durée. « Notre boussole, c’est la dignité humaine, dans tous les champs où elle se joue, confie à Ici Beyrouth la cofondatrice Léa Jabre. Concrètement, nous voulons aider les jeunes à surmonter les traumatismes sociaux et psychologiques, à construire des identités solides et confiantes. »
Guérir, éduquer, protéger : la triade
Au cœur du projet, trois axes se superposent. D’abord la santé mentale, avec des ateliers de régulation émotionnelle, de gestion de l’anxiété et du trauma, adaptés à l’âge et encadrés par des professionnels formés. Ensuite la protection de l’enfance : repérer, orienter, documenter et sécuriser les parcours. Enfin l’éducation : remettre l’école, le sport et les activités artistiques au centre du quotidien des jeunes, pour reconstruire confiance et routine. « Nous parlons d’empowerment : soutenir la guérison, créer des environnements qui favorisent la croissance personnelle et la résilience émotionnelle », résume Léa Jabre.
Former les adultes qui entourent l’enfant
Un enfant accompagné, c’est bien ; un écosystème formé, c’est mieux. Boukra Nour mise sur la montée en compétences des adultes-relais — enseignants, éducateurs, travailleurs sociaux, professionnels de l’enfance. Des programmes ciblent la protection de l’enfance, les approches “trauma-informed” et le repérage précoce de la négligence et des abus. Objectif : reconnaître les signaux faibles, adopter les bons réflexes, savoir orienter. « Nous voulons proposer des curricula structurés, pratiques, reproductibles, à l’intérieur même des écoles et des structures sociales », explique la cofondatrice.
Un hub techno pour mieux suivre les cas
Pour éviter que des situations se perdent en route, l’ONG déploie un hub de case management : une plateforme sécurisée qui fluidifie les circuits entre écoles, ONG, municipalités et centres de santé. L’outil standardise les évaluations, trace les jalons, documente les orientations — avec des garde-fous sur la confidentialité, le consentement éclairé et les droits d’accès. « La technologie n’est pas un gadget : c’est un accélérateur de soins mieux coordonnés, souligne Léa Jabre. Nous voulons offrir aux acteurs de terrain des moyens concrets pour gagner en temps et en qualité. »
Des pratiques globales, adaptées au Liban
Boukra Nour s’appuie sur des outils thérapeutiques reconnus au niveau international, avec un effort d’adaptation locale. « Nous nous inspirons de bonnes pratiques, notamment britanniques, tout en les contextualisant aux réalités libanaises », précise Jabre. L’ONG revendique des opérations transparentes, axées sur l’impact, et des partenariats co-construits : « Ce sont les partenaires — ONG, ministères, établissements scolaires, secteur social — qui orientent nos solutions. »
L’emploi comme thérapie sociale
Le projet part d’une conviction : la précarité prolonge le trauma. D’où un quatrième levier, l’insertion vers des micro-emplois ou de l’emploi à distance pour les jeunes majeurs, après accompagnement psycho-social. L’idée : restaurer l’estime de soi par l’utilité sociale et desserrer l’étau économique qui fragilise les familles. Des partenaires privés seront mobilisés pour ouvrir des missions progressives, avec un suivi à six et douze mois.
Des partenariats locaux, sinon rien
Boukra Nour ne veut pas « atterrir d’en haut ». L’ONG vise des pilotes ancrés : une zone, des acteurs identifiés, un calendrier, des objectifs mesurables. « Nous cherchons des alliances avec les ONG, les ministères, le système éducatif et le secteur du social. C’est ensemble que nous comblerons les manques du dispositif actuel, dit Jabre. Notre diagnostic : il existe des trous dans la raquette — nous voulons les combler par l’innovation, la technologie et la formation. »
Statut légal
La procédure d’enregistrement de Boukra Nour en tant qu’ONG est en bonne voie auprès des autorités compétentes, précise Léa Jabre à Ici Beyrouth. « Nous avons pris de l’avance », ajoute-t-elle.
Garde-fous : éthique, données, supervision
Parce que la matière est sensible, trois lignes rouges sont posées : 1) supervision clinique par des professionnels agréés, avec référentiels et procédures d’orientation en cas de troubles sévères ; 2) protection des données (consentement, chiffrement, accès restreint, anonymisation des tableaux de bord) ; 3) safeguarding : politique écrite de protection de l’enfance, mécanisme de plainte anonyme, audits externes programmés. « Transparence et preuves : c’est non négociable », insiste la cofondatrice.
Ce que disent les premiers signaux
Sur le terrain, des indicateurs simples guideront la boussole : assiduité, retours à l’école, baisse des scores d’anxiété/trauma sur des échelles validées, satisfaction des familles et des équipes éducatives, maintien en suivi à trois puis six mois. « Nous ne promettons pas des miracles, nous promettons du sérieux : des progrès concrets, semaine après semaine », dit Léa Jabre.
Rendez-vous en décembre
Boukra Nour donnera le coup d’envoi le 28 décembre lors d’un soft launch détaillant dispositifs, partenaires et premiers sites. « Nous ne pouvons pas le faire seuls : nous avons besoin de sponsors fondateurs et de partenaires qui croient à un avenir meilleur pour la prochaine génération », conclut Jabre. L’ambition est à la fois modeste et tenace : moins de promesses, plus de preuves — au service d’une idée simple et exigeante. Un enfant soutenu aujourd’hui devient un adulte qui tient debout demain.




Commentaires