
Le Liban observe avec inquiétude l’escalade entre l’Iran et Israël, à laquelle il a choisi de ne pas s’associer. Mais pourra-t-il vraiment en éviter les répercussions? Et surtout, le gouvernement saura-t-il transformer cette crise en opportunité au service de l’intérêt national?
Le Hezbollah, qui voit dans ce conflit un devoir jihadique sacré pour la défense des opprimés, ronge son frein – dans la continuité de son soutien à Gaza. Fidèle au principe de la Wilayat el-Faqih, pilier idéologique de son identité, le parti aurait préféré ouvrir un front en appui à l’Iran.
Mais les réalités militaires, politiques et sociales l’en empêchent. Éprouvé par la guerre de Gaza, privé des ressources nécessaires et du soutien de sa base, le Hezbollah ne peut se lancer dans une nouvelle confrontation. Sa communauté, épuisée et prudente, rechigne à en assumer le coût; toute tentative en ce sens risquerait même d’être rejetée par une partie de ses propres partisans, malgré l’amertume provoquée par les frappes israéliennes contre l’Iran.
Tout comme il refuse d’admettre son propre échec au Liban, le Hezbollah s’accroche à l’idée que la République islamique tiendra bon. Il mise sur les frappes iraniennes contre Israël pour infléchir les positions américaine et israélienne, espérant qu’un rapport de force favorable permettra à Téhéran – et, par ricochet, à lui-même – de sortir sans humiliation de ce conflit. Ce scénario lui offrirait un répit et nourrirait l’illusion d’un projet politique iranien encore debout, prêt à reprendre l’initiative et poursuivre son objectif: la destruction d’Israël.
Mais la réalité est toute autre: l’Iran ne sortira pas indemne de cette guerre. Son programme nucléaire militaire, ses capacités balistiques et de drones, tout comme son influence régionale, sont voués à s’affaiblir. Le Hezbollah lui-même pourrait perdre toute utilité si le régime iranien venait à s’effondrer.
Quoi qu’il en soit, la région s’oriente vers une nouvelle donne géopolitique où les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite auront la main. Cette guerre pourrait bien marquer la fin d’un cycle – et ouvrir la voie à un nouveau Moyen-Orient. Si un règlement de la question palestinienne accompagne cette transition, les pays de la région tenteront d’en tirer profit pour se moderniser, se stabiliser, se développer.
Le Liban, lui, risque une fois de plus de rester en marge.
Le Hezbollah et le mouvement Amal auront du mal à accepter l’effondrement d’un système de pouvoir fondé sur l’intimidation, le clientélisme et la peur. Leur arme ultime a toujours été le spectre de la guerre civile, brandi à chaque échéance politique majeure. En ce sens, ils ont bénéficié de la passivité d’un État hésitant, incapable d’imposer son autorité, et d’une classe politique plus soucieuse de ses intérêts que de l’intérêt général. Nombreux sont ceux qui, sous prétexte de préserver la paix civile ou d’attendre le moment adéquat, refusent toute confrontation avec le Hezb.
Résultat: le Liban demeure prisonnier d’un système chaotique, figé dans des quotas confessionnels, privé de réformes profondes. Son économie s’enlise, l’État survit grâce à sa population et sa diaspora, et reste incapable d’engager des projets essentiels – comme l’ouverture d’un second aéroport.
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