
Un article écrit par un internaute prénommé "Zouzou Cash" (@ZouzouCash) circule depuis quelques jours, proposant une approche critique vis-à-vis du FMI, qu’il est important de prendre en considération.
Le dernier épisode du théâtre Kabuki – célèbre pour ses mises en scène ritualisées et codifiées – entre le gouvernement libanais et le FMI a accouché, comme tous ces sommets de haut niveau, de ce que l’on redoute désormais: un cocktail de sourires crispés, de jargon impénétrable et d’un subtil parfum de diplomatie façon terre brûlée. Il a aussi révélé une vérité que tout le monde dans la salle connaissait, mais que personne n’a eu le courage, ou les fonds, d’affronter: le Liban est fauché, ruiné et étrangement dans le déni.
Les réunions ont rassemblé une large palette de participants: ministres, banquiers centraux, technocrates, pseudo-technocrates, représentants du FMI et le cortège habituel d’expatriés polyglottes qui parlent cinq langues mais ne savent pas changer une ampoule. Certains sont sortis des séances choqués, d’autres vaguement excités, notamment ceux qui prennent tout étranger pour un oracle, qu’il s’agisse d’un fonctionnaire du FMI armé d’un tableur de mesures d’austérité, ou d’un touriste slovène perdu dans les ruelles de Bourj Hammoud.
Alors, que fait le FMI au Liban, cette étroite bande de chaos méditerranéen avec plus de gouvernements défaillants que d’ascenseurs fonctionnels? Eh bien, depuis que le pays a réussi à couper ses ponts avec le Golfe (riche en pétrole, mais désormais allergique au Liban), à irriter les Américains (jamais une bonne idée), et à s’enliser dans une politique pro-iranienne remontant à peu près à l’invention de l’électricité, le Liban s’est retrouvé exilé dans un désert géopolitique. Le Golfe a fermé le robinet, les États-Unis ont fermé la porte et seule la France reste, tournant en rond comme une nounou déboussolée tentant de discipliner un enfant pyromane.
Entre alors en scène le FMI: prêteur mondial en dernier ressort et premier prescripteur de détox nationale. Quand on est trop en faillite pour Goldman Sachs et trop délirant pour la Banque mondiale, c’est le FMI qui débarque, armé d’algorithmes, accro aux conditionnalités, avec la douceur d’un arracheur de dents.
Depuis 2020, l’équipe du FMI est devenue une habituée du Liban. Le casting change, mais le scénario reste figé. Au centre, on retrouve Ernesto Rigo, le chef de mission perpétuellement souriant, qui écoute patiemment, ne répond à rien, et récite l’évangile du FMI avec l’enthousiasme d’un recruteur de Scientologie: «soutenabilité de la dette», «consolidation budgétaire», «restructuration» – autant de mots savants pour parler de… démolition économique.
Puis vient Frederico Lima, représentant résident du FMI, qui a manifestement fait de réels progrès dans l’art d’apprécier le mezzé et les rooftops libanais – un peu moins dans la compréhension du système bancaire ou politique local. Et enfin, il y a Jaime, le nouvel «expert bancaire», dont le passe-temps favori semble être de liquider mentalement des banques avant le déjeuner, tout en leur expliquant à quel point elles ont de la chance d’assister à un de ses PowerPoint.
Ironiquement, les rares Libanais du FMI sont les seuls à avoir manifestement ouvert un livre d’histoire ou examiné un bilan comptable. Mais on ne les laisse véritablement agir que pour… remplir les tasses de café.
Alors, quel est le grand plan du FMI? Oh, c’est simple: sauver l’État, détruire la Banque centrale, anéantir les banques commerciales et vaporiser les déposants. Une économie façon Marie-Antoinette: au lieu de gâteau, on vous sert un défaut souverain et une ponction sur vos dépôts.
Selon les deux dogmes sacrés du FMI – un organisme pas toujours incompétent, mais qui touche ici les limites de ses recettes universelles – la soutenabilité de la dette et la hiérarchie des créanciers, le chemin vers la rédemption est une voie à sens unique, pavée des larmes des déposants et des fonds de pension disparus.
Soutenabilité de la dette, c’est offrir généreusement aux détenteurs d’obligations 20 centimes pour chaque dollar, sur quelques décennies (s’ils ont de la chance), et faire comme si les 16,5 milliards de dollars que l’État doit à la Banque centrale n’existaient pas. Parce que – voyons – quand un État doit de l’argent à sa propre Banque centrale, ce serait comme devoir de l’argent à sa main gauche. Ben voyons!
Hiérarchie des créanciers, c’est la partie fun: actionnaires des banques? Disparus. Détenteurs d’obligations? Désolé. Déposants? Voici une sucette… et une perte de 90%. Et qui paie pour ce désastre? La Banque centrale, bien sûr. Car dans l’esprit brillant des penseurs de l’assainissement, il n’est manifestement pas contradictoire de prétendre vouloir une politique monétaire saine tout en incendiant l’institution censée la mettre en œuvre.
Les réserves (10 milliards de dollars) et l’or (30 milliards) de la BDL semblent n’attendre qu’une chose: devenir la piñata du prochain round de «réformes».
Et le gouvernement, dans tout ça? Intouché. Pas de ponction, pas de vente d’actifs, pas de réforme sérieuse. Le même État qui a provoqué le désastre est censé désormais en gérer le nettoyage, avec une pseudo-précision chirurgicale et une autorité morale. C’est comme demander à un pyromane de diriger la caserne des pompiers.
Nous y voilà donc. Le FMI propose un plan aussi irréalisable qu’impopulaire. Il ne passera jamais – ni par ce Parlement, ni par le prochain – et aucun gouvernement libanais n’a le courage (ou l’envie) de le mettre en œuvre. La Banque centrale le sait, les banques le savent, les déposants le savent… et même Ernesto Rigo le soupçonne peut-être, quand personne ne regarde.
La vraie tragédie? Ce n’est pas un plan diabolique. C’est un plan paresseux. Un modèle générique, prêt-à-porter, plaqué sur une crise sur-mesure. Oui, le Liban a besoin de réformes. Mais l’austérité version FMI sous stéroïdes? Ce n’est pas une réforme. C’est une euthanasie. Sans consentement!
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