L’attachement aux armes, «fonds de commerce» du Hezb
©ANWAR AMRO / AFP

Les autorités syriennes ont saisi récemment, à quelques jours d’intervalle, deux importantes cargaisons d’armes et de munitions qui devaient être acheminées clandestinement au Liban dans le cadre des efforts (iraniens) visant à reconstituer une partie de l’arsenal militaire du Hezbollah. D’autres tentatives similaires avaient également été déjouées, il y a quelques semaines, par les services de sécurité du pouvoir en place à Damas. 

La persistance de ce trafic d’armes – qui demeure limité – à destination du fidèle allié des Pasdaran concrétise, dans la pratique, les prises de position de nombre de responsables du parti pro-iranien. Ceux-ci ne cessent d’affirmer leur attachement à la «résistance», et donc leur refus de se départir de leur arsenal militaire, comme le stipule l’accord de cessez-le-feu conclu avec Israël en novembre dernier. Une telle posture reflète, certes, une attitude de déni intégral face aux bouleversements géopolitiques intervenus au Liban et dans la région au cours des derniers mois, mais elle signifie surtout que le courant guerrier au sein du régime des mollahs à Téhéran est loin d’avoir abandonné la partie.

Pour ces jusqu’au-boutistes et ces va-t-en-guerre, il est vital de préserver les deux principales cartes qu’ils détiennent encore dans le monde arabe: le Hezbollah et les Houthis du Yémen. Pour certains, cette ligne de conduite a pour seul but de faire monter les enchères et de renforcer, de ce fait, la position des négociateurs iraniens dans les pourparlers avec l’administration Trump. Mais dans le même temps, plusieurs indices – dont la contrebande d’armes et les déclarations belliqueuses – tendent à confirmer que nous assistons actuellement à une fuite en avant, à une radicalisation dans l’attitude du régime des mollahs et, par voie de conséquence, du directoire du Hezb.

Au lendemain de l’élection du président Joseph Aoun et de la formation du cabinet Salam, les dirigeants du parti chiite s’efforçaient de montrer patte blanche (de manière tout de même timorée) quant au dossier du désarmement et de l’application stricte des dispositions de l’accord de cessez-le-feu de novembre 2024. Depuis quelques jours, la formation pro-iranienne semble faire marche-arrière sur ce plan et affiche des positions intransigeantes au sujet du sort de son arsenal militaire, tout en lançant des campagnes politico-médiatiques contre le Premier ministre, Nawaf Salam, et le chef de la diplomatie, Joe Raggi. Les milieux proches de la formation pro-iranienne apportent leur touche à ce climat d’escalade en essayant, de manière assidue, de discréditer et de saper la décision prise par le pouvoir d’entamer le désarmement des camps palestiniens de Beyrouth à la mi-juin.

En toute vraisemblance, cette crispation au plan local refléterait une radicalisation iranienne dans le contexte des négociations sur le nucléaire avec Washington. Dans les faits, le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a dénoncé une récente «hausse considérable» et une accélération de la production d’uranium enrichi à 60% au cours des derniers mois, dépassant de 45 fois la limite autorisée par l’accord de 2015. Parallèlement, les hauts responsables iraniens multiplient les déclarations affirmant qu’une suspension de l’enrichissement de l’uranium (réclamée par les États-Unis) ne saurait être agréée et constitue une «ligne rouge».

Dans ce cadre, les dirigeants en poste à Téhéran auraient-ils interprété comme un signe de «faiblesse» ou d’une propension au compromis avec le régime iranien la ferme volonté US de parvenir à un accord sur le nucléaire? Les mollahs sont bien capables d’une telle interprétation! À cet égard, deux indices significatifs pourraient apporter des éléments de réponse aux interrogations portant sur les véritables intentions de Téhéran dans le contexte des négociations avec l’administration Trump: ce que le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, transmettra aux hauts responsables officiels libanais lors de sa visite à Beyrouth ce lundi 2 mai; et surtout la réponse du régime des mollahs à la proposition d’accord – qualifiée par la Maison Blanche de «détaillée et acceptable» – que l’envoyé US Steve Witkoff lui a transmis, via Oman, le samedi 31 mai.

Ces deux paramètres ne devraient pas tarder à être clarifiés, ce qui permettrait de mieux percevoir la voie qu’emprunteront sous peu Washington et Téhéran. Dans l’attente que les choix stratégiques se clarifient de part et d’autre, une certitude persiste: toute compromission concernant la dimension milicienne et l’arsenal militaire du Hezbollah et des Houthis permettra à terme au courant radical des mollahs de remonter la pente et de s’engager dans quelques années, par le biais de ses proxys, dans de nouvelles aventures guerrières stériles afin de relancer son projet idéologique anti-occidental, fondé essentiellement sur l’exportation de la révolution islamique. Car la situation de guerre permanente, l’attachement obsessionnel aux armes et l’instabilité chronique constituent pour les va-t-en-guerre iraniens et leurs acolytes leur véritable oxygène, leur raison d’être (suicidaire), leur «fonds de commerce» destiné à entretenir une légitimité depuis longtemps perdue et que les réalités objectives sur le terrain contredisent de jour en jour…    

 

    

 

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