
Si l’information selon laquelle le ministre des Finances, Yassine Jaber, aurait signé le décret relatif aux nominations judiciaires est confirmée, cela pourrait constituer une étape importante vers le déblocage de l’enquête sur l’explosion survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020.
Ces nominations viseraient à pourvoir les postes vacants au sein des chambres de la Cour de cassation, permettant ainsi à l’assemblée plénière de siéger à nouveau. Elle pourrait alors examiner les multiples recours en dessaisissement déposés contre le juge d’instruction Tarek Bitar. Ce dernier pourrait, en l’absence d’obstacles administratifs, finaliser son acte d’accusation. Selon des sources judiciaires, ce document pourrait être soumis avant le 4 août prochain.
Depuis plusieurs années, l’instruction a été entravée par des recours répétitifs contre le juge Bitar. Faute de quorum au sein de la Cour de cassation, en raison de départs à la retraite non remplacés, aucune décision n’a pu être rendue.
Le projet de nominations, préparé par le Conseil supérieur de la magistrature, avait été bloqué par l’ancien ministre des Finances, Youssef Khalil, invoquant un déséquilibre et un manque de clarté dans le texte.
À ce jour, seules les signatures du Premier ministre, Nawaf Salam, et du président de la République, Joseph Aoun, sont attendues pour valider le décret. En attendant, le juge Bitar poursuit son travail depuis la formation du nouveau gouvernement, sans blocage administratif apparent.
Vendredi 25 avril, l’ancien Premier ministre Hassan Diab a comparu devant le juge d’instruction au Palais de justice. Cette audience marque une évolution, l’ancien chef du gouvernement ayant auparavant refusé de se présenter à plusieurs reprises.
D’autres hauts responsables ont également été entendus depuis février 2025, notamment l’ancien directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, et l’ancien directeur de la Sécurité de l’État, Tony Saliba, le 11 avril.
Cette reprise de l’activité judiciaire intervient après une décision du procureur général, Imad Hajjar, qui a annulé les instructions de son prédécesseur, Ghassan Oueidate. Ce dernier avait, en 2023, interdit la réception de tout acte ou document émanant du juge Bitar, estimant que celui-ci était dessaisi du dossier en raison des nombreux recours en cours. Ces recours n’ont toutefois jamais été tranchés, faute de quorum.
La levée de cette interdiction a permis au juge Bitar de notifier officiellement les parties concernées. Selon le professeur Najib Hage-Chahine, avocat au barreau de Beyrouth, cela marque une reprise concrète de la procédure judiciaire.
Clôturer l’enquête: quelles sont les étapes requises?
Depuis sa transmission, d’abord au juge Fadi Sawan, puis à Tarek Bitar, le dossier a donné lieu à de nombreuses convocations. Plusieurs personnalités politiques et sécuritaires ont été inculpées, notamment les anciens ministres Ali Hassan Khalil, Youssef Fenianos, Ghazi Zeaïter, Nouhad Machnouk et l’ancien Premier ministre Hassan Diab, pour des faits de négligence criminelle. Tous ont, jusqu’à présent, refusé d’être entendus.
D’autres responsables, notamment dans les douanes, les forces de sécurité et l’armée, figurent également parmi les personnes poursuivies. Parmi eux: Raymond Khoury, Adel Francis, Abbas Ibrahim, Tony Saliba, ainsi que plusieurs officiers et responsables portuaires.
Des employés du port ont aussi été mis en cause, en particulier ceux liés à l’entrepôt n°12 où était stocké le nitrate d’ammonium à l’origine de l’explosion.
Selon Me Hage-Chahine, pour que l’instruction soit clôturée, le juge doit notifier et interroger tous les mis en cause. Désormais, les convocations sont envoyées conformément aux règles de procédure. Si certaines personnes choisissent de ne pas répondre à ces convocations, la loi autorise le juge à conclure l’instruction en leur absence, tant que les droits de la défense sont respectés.
Le juge Bitar pourra alors transmettre l’acte d’accusation au procureur Hajjar, qui devra rendre un avis consultatif, non contraignant.
Alors que le Liban s’apprête à commémorer le cinquième anniversaire de la catastrophe, les regards restent tournés vers la justice. Certains médias étrangers évoquent l’existence de documents internationaux susceptibles de fournir de nouveaux éléments sur l’acheminement initial du nitrate d’ammonium, notamment en lien avec des réseaux opérant entre le Liban, la Syrie et d'autres pays. Ces informations, si elles sont confirmées, pourraient éclairer davantage les circonstances de l’explosion.
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