Téhéran-Washington: vers un dégel ou une impasse?
©Ici Beyrouth

L’Iran et les États-Unis ont tenu samedi, sous la médiation du sultanat d’Oman, des négociations indirectes à propos du nucléaire iranien. Des négociations qui font couler beaucoup d’encre, faute d’indications claires sur la teneur et l’évolution des discussions.

Un deuxième «round» à Rome

Selon le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Caspar Veldkamp, un deuxième cycle de négociations aura lieu ce samedi à Rome. Un changement de décor qui n'est pas anodin: le choix de la capitale italienne, proposé par Washington, marque la volonté américaine d'institutionnaliser ce dialogue. D’ailleurs, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, est attendu lundi à Moscou afin d’aborder avec ses interlocuteurs russes la question des pourparlers en cours entre Téhéran et Washington.

L'administration Trump s'est déclarée satisfaite du premier cycle de négociations à Oman, qui a permis d'atteindre l'objectif consistant à passer d'un format indirect (par le biais d'intermédiaires) à un format direct, avec des fonctionnaires représentant les deux parties.

Selon une source américaine citée par le site Axios, la conversation entre les deux puissances était «substantielle, sérieuse et excellente». De même source, on a rappelé qu’il s’agit du plus haut niveau de dialogue entre responsables américains et iraniens depuis huit ans.

Quelles revendications?

Il n’y a pas d’action sans bénéfices qui en découlent. Les Iraniens, quasiment isolés du monde et se contentant de forger des alliances avec les Russes et les Chinois, sont encombrés par une économie en lambeaux (rappelons que leur PIB par habitant ne dépasse pas les 4.500 dollars, tandis que celui du Liban en crise est d’environ 3.600 dollars) et une croissance en chute libre: le PIB iranien a baissé de 8% durant ces deux dernières années, selon le Fonds monétaire international.

La levée des sanctions contre l’Iran est donc une priorité pour Téhéran, qui espère retrouver l’accès aux marchés internationaux et débloquer ses avoirs gelés, estimés à plus de 100 milliards de dollars.

Les Américains et leurs alliés européens, eux, conditionnent toute concession à des garanties vérifiables sur le programme nucléaire, exigeant notamment que Téhéran cesse d’enrichir de l’uranium à 60%, un seuil proche du niveau militaire.

La méfiance historique persiste: les Iraniens rappellent le retrait américain de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, en 2018, et réclament des assurances contre un nouveau revirement, tandis que Washington suspecte Téhéran de chercher à gagner du temps pour parfaire ses capacités nucléaires.

Autour de la table des négociations, les acteurs régionaux suivent chaque mouvement avec inquiétude. Israël, farouchement opposé à tout compromis, multiplie les avertissements et poursuit ses frappes contre Gaza, fief du Hamas pro-iranien.

Quant à l’Agence internationale de l'énergie atomique, son directeur, Rafael Grossi, se rendra à Téhéran cette semaine pour évaluer la transparence des installations nucléaires, un passage obligé avant toute avancée significative.

Et Riyad dans tout ça?

L’Arabie saoudite, longtemps perçue comme l’un des plus fervents opposants à toute entente sur le nucléaire iranien, adopte aujourd’hui une posture plus mesurée. Ce changement d’attitude s’inscrit dans une dynamique de détente régionale amorcée depuis 2023, notamment sous l’impulsion de la Chine qui avait favorisé un rapprochement inédit entre Ryad et Téhéran.

Mais derrière cette ouverture diplomatique, le Royaume reste profondément méfiant. Les Saoudiens redoutent qu’un allègement des sanctions ne permette à l’Iran de renforcer son soutien aux groupes armés dans la région (notamment les Houthis au Yémen) et d’investir davantage dans ses capacités militaires.

Ils surveillent de près les négociations en cours, soucieux qu’un compromis n’ouvre la voie à une montée en puissance régionale de leur rival historique. Leur priorité est claire: toute avancée devra s’accompagner de garanties concrètes en matière de sécurité dans le Golfe.

À l’approche du deuxième cycle de négociations prévu à Rome, les lignes bougent, mais les méfiances restent ancrées. Chacun avance ses pions, calcule ses risques, jauge l’autre. Et si l’idée d’un compromis semble flotter dans l’air, elle reste suspendue à un fil: celui des garanties, des agendas électoraux et des ambitions régionales. Car entre Washington et Téhéran, rien n’est jamais vraiment acquis, tout est toujours à négocier.

 

 

Commentaires
  • Aucun commentaire