
Le cessez-le-feu qui a mis fin à 12 jours de guerre entre l'Iran et Israël semble tenir un mois après son entrée en vigueur, mais nombre d'Iraniens peinent à rester sereins et craignent une reprise des hostilités.
« Je ne pense pas que le cessez-le-feu tiendra », résume Peyman, un habitant de Chiraz (sud), l'une des nombreuses villes visées en juin par des frappes israéliennes sur des sites militaires stratégiques.
Cet habitant de 57 ans, comme d'autres personnes interrogées par l'AFP, préfère taire son nom par crainte de représailles.
Israël a lancé par surprise le 13 juin une campagne de bombardements sans précédent contre l'Iran, tuant de hauts gradés, des scientifiques liés au programme nucléaire iranien ainsi que des centaines de civils.
Selon les autorités, ces attaques visant plusieurs villes ont provoqué la mort de plus d'un millier de personnes en Iran, tandis que la riposte iranienne, menée à l'aide de missiles et de drones, a fait au moins 28 victimes en Israël.
Ces affrontements sont les plus violents jamais enregistrés entre deux ennemis de longue date.
Israël dit avoir agi contre le programme nucléaire iranien, perçu comme une menace existentielle, et ne pas écarter de nouvelles frappes si l'Iran tentait de reconstruire ses installations.
Téhéran insiste sur son droit au nucléaire civil mais réfute vouloir se doter de la bombe atomique.
« J'ai peur que la guerre reprenne car elle entraînera la mort de davantage d'innocents », déclare Hamid, un fonctionnaire de 54 ans.
« Effrayée »
Ces derniers jours, une série d'incendies, notamment sur un important site pétrolier, a ravivé les inquiétudes. Les autorités ont rapidement nié toute attaque ou acte de sabotage.
Pour ajouter à l'incertitude ambiante, les discussions avec les Etats-Unis, qui ont brièvement soutenu militairement leur allié israélien et frappé des sites nucléaires clés, sont au point mort.
« À ce stade, nous n'avons aucune intention de parler à l'Amérique », a déclaré lundi le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baghaï.
Durant la guerre, Israël n'a pas épargné Téhéran, où le quotidien a été rythmé par des explosions sur des sites militaires, dans des quartiers résidentiels mais aussi des bâtiments gouvernementaux, à l'image du siège de la télévision d'État ou de la prison d'Evine.
De nombreux habitants ont fui la capitale pour chercher refuge dans d'autres régions du pays, mais peu ont été épargnées par les frappes israéliennes et les nuages de fumée.
« Cette guerre m'a vraiment effrayée », confie Golandam Babaï, originaire de la province de Kermanshah, dans l'ouest de l'Iran.
Cette femme au foyer de 78 ans appartient à une génération plus âgée d'Iraniens ayant vécu la guerre Iran-Irak dans les années 1980, un conflit qui a duré huit ans.
La jeune génération, majoritaire en Iran, a elle grandi en paix et n'avait jamais connu la guerre avant le mois de juin.
« Je n'arrêtais pas de prier : mon Dieu, s'il vous plaît, faites que le passé ne se répète pas », déclare à l’AFP Mme Babaï.
« Tuer un enfant endormi »
La guerre Iran-Irak a fait environ 500.000 morts des deux côtés. Durant ce conflit, l'Iran avait subi attaques chimiques et bombardements prolongés le long de la ligne de front, laissant des traces profondes dans la mémoire collective d'une jeune République islamique, tout juste fondée en 1979.
Celle-ci était parvenue à maintenir les combats loin de ses frontières jusqu'à la courte guerre de juin. Le conflit avec Israël a ravivé un profond sentiment de vulnérabilité parmi de nombreux Iraniens.
« Nous n'avions nulle part où aller. Je ne pouvais pas fuir dans les montagnes comme par le passé », confie Mme Babaï.
Pour Ali Khanzadi, vétéran de 62 ans, le conflit avec Israël marque un tournant dans la manière dont l'Iran aborde la guerre depuis les années 1980.
« Pendant la guerre Iran-Irak, nos combattants n'avaient aucun équipement militaire avancé (...), rien de sophistiqué à l'époque », raconte M. Khanzadi, qui a été blessé au combat en 1983.
« Aujourd'hui, les guerres sont différentes (...), elles peuvent tuer un enfant endormi à des centaines de kilomètres grâce à un drone », relève-t-il pour l'AFP.
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a déclaré que l'offensive israélienne visait à renverser la République islamique. Face aux menaces, le pouvoir a imploré l'unité nationale.
Par Menna ZAKI et Ramin KHANIZADEH/AFP
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