Le Liban attend les nominations judiciaires tant espérées
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Après avoir désigné un nouveau gouverneur de la Banque centrale et finalisé les nominations sécuritaires, le gouvernement libanais se concentre désormais sur le secteur judiciaire, dont les nominations sont en suspens depuis 2020.

Le ministre de la Justice, Adel Nassar, a annoncé que le système judiciaire entrait “dans une nouvelle phase” et a assuré que les nominations seraient bientôt finalisées. La priorité est donnée au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), paralysé depuis octobre 2023. En raison de l'absence de nominations et de mutations, ses dix membres ont pris leur retraite successivement au cours des cinq dernières années. Les cinq derniers sont partis en octobre 2023, tandis que son président, Souheil Abboud, restera en fonction jusqu'en 2027.

Il est à noter que huit des dix membres du CSM sont désignés par décret gouvernemental, sur proposition du ministre de la Justice. Ce décret doit être signé conjointement par le président de la République, le Premier ministre ainsi que les ministres de la Justice et des Finances.

La dernière tentative de nominations judiciaires remonte à juin 2020, lorsque le CSM a proposé une liste de mutations et de nominations concernant environ 330 juges sur 520, dans le but de renforcer l'indépendance judiciaire et de restaurer la confiance dans le système. L'ancien président de la République, Michel Aoun, a cependant rejeté cette liste, exigeant que le CSM y intègre des juges proches de lui pour occuper des postes clés. Face au refus du Conseil de céder, aucune nomination n'a eu lieu depuis, ce qui a plongé la justice libanaise dans une crise sans précédent.

Le processus de nominations judiciaires nécessite un large consensus politique et l'approbation des deux tiers des ministres du gouvernement. Aujourd'hui, un nouvel élan semble se profiler à la suite de la décision unanime du Conseil des ministres de la semaine dernière, qui a confirmé le juge Jamal Hajjar en tant que procureur général, nommé le juge Ayman Oueidate à la tête de l'Autorité d'inspection judiciaire et désigné le juge Youssef Gemayel à la présidence du Conseil d'État.

Cependant, d'importants obstacles persistent. L'une des principales questions est de savoir si le ministre de la Justice pourra nommer un procureur financier, un poste traditionnellement contrôlé par le chef du Parlement, Nabih Berry, qui a toujours joué un rôle déterminant dans la sélection du juge chiite pour cette fonction. M. Berry soutient la nomination du juge Zaher Hamadé, procureur général près la cour d'appel de Beyrouth, tandis que le ministre de la Justice semble privilégier le juge Habib Mezher, président de la cour civile d'appel de Beyrouth.

Un autre défi réside dans le fait que, si la nomination de M. Mezher est approuvée par le gouvernement, il reste à savoir si le président Joseph Aoun signera le décret, ce qui pourrait déclencher un affrontement politique avec M. Berry.

Dans un souci de renforcer l'indépendance de la justice, M. Nassar a mis en place un comité regroupant juges, avocats et experts juridiques, chargé de rédiger une loi garantissant cette autonomie. Ce comité dispose de trois jours pour finaliser sa proposition avant de la soumettre au Conseil des ministres, puis au Parlement pour approbation.

Sans des juges indépendants et dignes de confiance, la réforme judiciaire restera hors de portée. Finaliser les nominations au Conseil supérieur de la magistrature est essentiel pour redresser la justice libanaise. Si cette étape n'est pas accomplie, l’histoire risquera bien de se répéter.

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