Bataille autour du facteur “temps”
©Ici Beyrouth

Le calme (très relatif) avant la tempête? Angoissante question qui est vraisemblablement sur toutes les lèvres, plus particulièrement à la veille de la réunion cruciale que le président Donald Trump tiendra mardi 4 février, à Washington, avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.

De cette concertation, qui pourrait s’étaler sur deux séances de travail, dépendra dans une large mesure la suite des événements intervenus ces derniers mois. L’avenir du Moyen-Orient se joue actuellement en toute vraisemblance. La région s’est résolument engagée, certes, depuis un peu plus d’un an sur une nouvelle voie géopolitique, mais elle demeure encore dans une situation précaire, caractérisée par des équilibres instables. Les enjeux aujourd’hui sont de nature aussi bien sécuritaire que macroéconomique. Ils sont gigantesques. Ils nécessitent de trancher, rapidement, dans le vif, de prendre de grandes décisions pour sortir des ténèbres et permettre aux populations de dépasser les comportements chimériques afin de bénéficier d’une vie tout simplement normale, voire de profiter d’un bien-être amplement mérité, après des décennies de servitude et d’oppression.

Dans cette optique – pour ne citer à titre d’illustration qu’un seul exemple d’enjeu macroéconomique –, l’ambitieux projet de “Corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe” (IMEC, India-Middle East-Europe Economic Corridor, lancé officiellement en septembre 2023, à New Delhi, avec le concours actif des États-Unis) offre d’intéressantes perspectives de prospérité et de développement. Il nécessite toutefois, à l’évidence, un solide climat de stabilité durable, totalement incompatible avec les aventures obstructionnistes et, surtout, obscurantistes d’un autre âge.      

Plus d’un obstacle se dresse cependant sur cette nouvelle voie de coopération multilatérale prometteuse. L’un de ces obstacles majeurs, d’ordre sécuritaire, est le paramètre iranien… À en croire diverses sources concordantes, la République islamique a atteint le stade du sprint final pour l’acquisition d’un armement nucléaire. La communauté internationale peut-elle, à l’aune de la nouvelle donne régionale, courir le risque qu’un tel arsenal stratégique soit aux mains de l’aile radicale, déstabilisatrice et jusqu’au-boutiste du régime en place à Téhéran? La question se pose avec acuité à l’heure des grandes manœuvres en cours, ou en gestation, dans la région.

L’obstacle iranien est d’abord perceptible au niveau de la persistance d’un discours nettement belliqueux dans les rangs des maîtres de Téhéran, en dépit de tous les revers subis ces derniers mois par l’aile radicale du camp des mollahs. L’obstacle se manifeste en outre dans la politique obstructionniste tous azimuts que continue de pratiquer le principal instrument des Pasdaran dans la région, le Hezbollah. De l’élection du président de la République jusqu’aux tractations pour la formation du nouveau gouvernement, en passant par l’épisode des consultations parlementaires entreprises par le nouveau chef de l’État pour la désignation du Premier ministre, sans oublier l’affaire de la manipulation des habitants des villages frontaliers et les inqualifiables défilés provocateurs (à nette connotation sectaire) de mobylettes dans des quartiers et des villages sensibles: le parti pro-iranien ne rate aucune occasion d’entretenir un climat d’instabilité et de tension sur la scène locale, tout en se dérobant à ses obligations quant à l’application des résolutions internationales et des termes de l’accord de cessez-le-feu du 27 novembre, dans l’espoir de torpiller d’emblée le mandat du président Joseph Aoun.

Manifestement, le Hezbollah ainsi que son mentor iranien n’ont pas encore dépassé le stade du déni face au nouvel ordre qui se met en place au Moyen-Orient. Tout indique, pour l’heure, que le camp des mollahs, Hezbollah inclus, joue à fond la carte de la déstabilisation, voire de la discorde, en misant sur le paramètre de la “patience stratégique” (pour reprendre le terme de Ali Khamenei), dans l’espoir de résorber les grosses pertes stratégiques subies depuis un an et de tenter un redressement rapide, aussi bien sur le plan local qu’au niveau de la région. 

Un haut responsable du Hezbollah soulignait, lors d'un échange avec des journalistes, que son parti pouvait sans encombre jouer sur le facteur “temps” et attendre “plusieurs années” qu’une situation défavorable soit surmontée et que la tempête finisse par passer pour prendre un nouveau départ. Un corollaire s’impose à cet égard: le camp souverainiste ainsi que les promoteurs d’une coopération régionale multilatérale ne peuvent, eux, se permettre d’atermoyer, de rater des occasions historiques, de briser la dynamique de paix en cours, en manquant de courage politique et en adoptant des solutions médianes et des demi-mesures qui ne manqueraient pas d’être exploitées par le camp iranien pour noyer le poisson dans l’eau et gagner de ce fait la bataille du facteur “temps”!

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