Après la guerre à Gaza, l'Arabie saoudite face au dilemme de reconnaître Israël
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Au moment où la guerre entre Israël et le Hamas semble toucher à sa fin et où Donald Trump s'apprête à retrouver la Maison Blanche lundi, le prince héritier et dirigeant de facto saoudien, Mohammed ben Salmane, est confronté au dilemme de reconnaître Israël.

L'Arabie saoudite avait entamé en 2020 des négociations en vue d'un rapprochement avec Israël en échange notamment d'un pacte de défense avec Washington et d'une assistance américaine pour un programme nucléaire civil.

Première économie du monde arabe et gardienne des deux sites les plus saints de l'islam, l'Arabie saoudite avait toutefois suspendu les pourparlers après le début de la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée par l'attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023.

Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump avait multiplié les gestes en faveur d'Israël, notamment en transférant l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, mais aussi contribué à la normalisation des relations avec Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et le Soudan, via les accords d'Abraham.

Auparavant, l'Égypte et la Jordanie étaient les seuls pays parmi les 22 de la Ligue arabe à entretenir des relations formelles avec Israël.

Si l'Arabie saoudite a salué l'accord de trêve entre Israël et le Hamas, qui doit entrer en vigueur dimanche, elle a insisté sur la nécessité d'un retrait israélien "total" de Gaza et des autres territoires palestiniens.

Car désormais, pour l'Arabie saoudite, "la condition minimale de toute normalisation avec Israël demeure l'établissement d'un processus crédible, non réversible et assorti d'échéances claires pour la création d'un État palestinien", assure à l'AFP Firas Maksad, chercheur au Middle East Institute de Washington.

"Les Saoudiens ont clairement indiqué qu'ils avaient besoin de cette alliance et de ce traité avec les États-Unis", indique le chercheur saoudien Aziz Alghashian.

Mais le plus difficile pour Ryad sera de tourner la page de la guerre à Gaza, d'autant plus qu'au sein de la population saoudienne, largement solidaire de la cause palestinienne, "la guerre dévastatrice à Gaza, avec près de 50.000 morts palestiniens, a renforcé le rejet de toute proximité avec Israël", affirme Anna Jacobs, du Arab Gulf Institute.

En septembre, le prince héritier avait affirmé que son pays ne nouerait pas de relations diplomatiques avec Israël avant la "création d’un État palestinien", en fustigeant "les crimes" des forces israéliennes sur le territoire palestinien. Il avait ainsi durci sa position, qui exigeait auparavant une voie "irrévocable" vers la création d’un État palestinien.

"Prudence et lenteur"

Dans le même temps, "le président (élu) Trump est extrêmement déterminé à conclure ce qu'il appelle l'accord du siècle, à savoir la normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël, et plus généralement le monde arabe", résume M. Maskad.

D'autant qu'il cultive des liens étroits avec Mohammed ben Salmane. Après l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en Turquie en 2018, qui avait provoqué un tollé international, M. Trump avait été une des rares voix à défendre le prince héritier saoudien, estimant que sa responsabilité n'était pas établie.

"Donald Trump et le lobby pro-normalisation aux États-Unis vont concentrer leurs efforts" pour convaincre Mohammed ben Salmane de reconnaître Israël, affirme M. Alghashian.

Mais Ryad, "après avoir pris une position publique aussi claire sur cette question, devra avancer avec prudence et lenteur", affirme Mme Jacobs.

Sans compter qu'après des années de tensions régionales, l'Arabie saoudite s'est rapprochée de l'Iran, un revers pour Israël et les États-Unis.

"Paix froide"

Et si Israël semble très intéressé par une normalisation avec Ryad, son gouvernement est toutefois hostile à la solution à deux États, voulue par une grande partie de la communauté internationale.

Côté américain, avec le retour de M. Trump au pouvoir, un pacte de défense avec Ryad pourrait s'avérer compliqué pour l'administration, désormais républicaine, qui devra compter sur des voix démocrates pour le faire ratifier au Sénat, souligne M. Maksad.

Certains analystes estiment néanmoins qu'une certaine normalisation reste possible, sous une forme restreinte. Elle pourrait "se limiter à une reconnaissance diplomatique et une paix froide, plutôt que de permettre des échanges commerciaux, culturels et interpersonnels, contrairement aux accords d'Abraham", affirme M. Maksad.

"Il ne s'agit pas seulement de la fin de la guerre à Gaza, mais de ce qui vient ensuite (...). Sans une feuille de route claire pour la solution à deux États", la normalisation restera hors de portée, estime Mme Jacobs.

 

Avec AFP

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