En pleine reprise de son procès pour corruption, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, est éclaboussé par un autre scandale impliquant l'un de ses ex-conseillers, accusé de fuite présumée de documents couverts par le secret.
Eli Feldstein a été inculpé soupçonné d'avoir divulgué un document classifié concernant les négociations en vue de la libération des otages enlevés lors de l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël et retenus à Gaza, afin d'infléchir en faveur du Premier ministre une couverture médiatique critique à son égard.
Selon les détracteurs de M. Netanyahou, cette affaire met en lumière une corruption profondément enracinée au sein de son cabinet, ainsi que les relations troubles entre des militaires de haut rang et des hommes politiques de la coalition gouvernementale de droite.
Arrêté fin octobre et placé en détention provisoire avant d'être assigné à résidence la semaine dernière, M. Feldstein aurait reçu des informations classifiées d'un sous-officier de réserve, dont l'identité n'a pas été révélée.
Lors d'une conférence de presse lundi soir, à la veille de la reprise de son procès pour corruption dont il conteste avec véhémence les accusations, M. Netanyahou a été interrogé sur l'affaire visant M. Feldstein.
Il a déclaré que les accusations visant son ex-conseiller s'inscrivaient dans le cadre d'une attaque plus large contre lui et ses partisans. Quelques semaines plus tôt, M. Netanyahou avait qualifié l'arrestation et l'inculpation de M. Feldstein de chasse aux sorcières et d'abus du système judiciaire.
Document divulgué à Bild
M. Feldstein et le sous-officier ont été inculpés en novembre pour atteinte à la sécurité de l'État.
Le document que M. Feldstein est accusé d'avoir divulgué au quotidien populaire allemand Bild tendait à montrer que le chef du Hamas d'alors, Yahya Sinouar, était le principal obstacle à un accord pour la libération des otages, et que les manifestations en Israël pour leur retour étaient contre-productives.
L'armée a depuis rejeté les informations contenues dans le document, lesquelles allaient dans le sens de la ligne défendue par M. Netanyahou, opposé à un accord de cessez-le-feu avec le mouvement islamiste palestinien contre lequel Israël est en guerre dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023.
L'affaire est particulièrement grave, les charges retenues contre M. Feldstein et le sous-officier leur faisant encourir une peine allant jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité.
Le procureur général d'Israël a estimé que l'ex-conseiller de M. Netanyahou avait divulgué le document pour des motifs politiques en septembre, soit deux mois après l'avoir reçu, lorsque la pression de l'opinion publique contre le Premier ministre était extrêmement forte.
L'armée venait alors d'annoncer la découverte dans la bande de Gaza des corps de six otages, tués à bout portant par leurs ravisseurs quelques jours seulement auparavant, provoquant un choc en Israël.
Selon Barak Medina, professeur de droit à l'Université hébraïque de Jérusalem, "l'avocat de M. Feldstein a fait valoir que M. Netanyahou avait approuvé la remise de ce document à Bild", en vue de faire échouer les négociations sur la libération des otages.
Les critiques de M. Netanyahou l'accusent de vouloir poursuivre la guerre à Gaza au détriment des otages, afin de se maintenir au pouvoir pour échapper à ses affaires de corruption et à une commission d'enquête sur le fiasco sécuritaire et militaire du 7-Octobre.
Son procès pour corruption, qui a repris mardi, s'est ouvert en 2020 mais avait été interrompu par la guerre à Gaza, après plusieurs demandes de report de M. Netanyahou invoquant le confit armé.
L'affaire Feldstein suscite aussi selon M. Medina une certaine inquiétude sur le "manque de discipline au sein de l'armée".
Le porte-parole de l'armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, a été réprimandé par le chef de l'état-major, et a présenté ses excuses, après s'être prononcé contre un projet de loi, porté par deux députés du parti Likoud de Benjamin Netanyahou.
Le texte vise à empêcher que des soldats ou membres de l'establishment de la Défense soient poursuivis pour avoir transmis sans autorisation préalable des documents confidentiels au Premier ministre ou à des responsables de la Défense.
Ruth Eglash, avec AFP
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