Avec la chute de Bachar al-Assad en Syrie, c’est une nouvelle phase qui s’ouvre pour le pays, tant sur le plan politique qu’institutionnel, après 13 ans d’une guerre civile qui a profondément altéré la structure de l'État et la société. Aujourd’hui, la fin du régime pourrait offrir, selon les observateurs, une occasion de réorganiser la Syrie sur des bases nouvelles.
La transition politique: défis et perspectives
Si le sort de Bachar al-Assad demeure incertain à l’heure actuelle, la question principale est de savoir qui prendra le relais. Le pays étant profondément divisé, tant sur le plan ethnique que géopolitique, plusieurs acteurs extérieurs, comme les États-Unis, la Russie, l'Iran, mais aussi la Turquie, y déploieront leurs efforts en vue de satisfaire des intérêts divergents qui influencent les dynamiques internes syriennes.
“Les Syriens eux-mêmes devraient négocier la formation d'un gouvernement de transition, même si cela pourrait prendre la forme d'une lutte de pouvoir entre les différentes factions”, estime un expert interrogé par Ici Beyrouth (IB) sous couvert d’anonymat. D’après lui, les opposants au régime, notamment les groupes kurdes et les rebelles, “voudront probablement un modèle de gouvernement plus décentralisé, ce qui pourrait entrer en conflit avec des forces conservatrices cherchant à maintenir une forme de pouvoir centralisé”.
Il est donc possible, selon lui, que certaines régions du pays cherchent à revendiquer une plus grande indépendance, particulièrement les zones kurdes du nord et du nord-est, qui ont déjà établi une forme de gouvernance autonome. La décentralisation pourrait également répondre aux revendications d’autres groupes, notamment les sunnites et les minorités chrétiennes et alaouites qui souhaitent davantage de pouvoir local et de représentation. D'un autre côté, des mouvements plus nationalistes ou islamistes pourraient tenter de renforcer l'État central pour éviter que le pays ne se fragmente davantage.
La clé du succès résidera probablement dans un compromis qui permette une forme de décentralisation tout en maintenant une unité nationale. De fait, “la communauté internationale pourrait jouer un rôle clé en facilitant les négociations, mais il est probable que la question de l'avenir de la Syrie divise les puissances mondiales, rendant toute transition relativement complexe”, affirme-t-il, avant de poursuivre: “Un gouvernement de transition pourrait être formé sous l'égide de la communauté internationale, mais cela nécessiterait des compromis entre les acteurs locaux”. Les Nations unies, les puissances régionales et les grandes puissances mondiales (États-Unis, Russie, Union européenne, etc.) pourraient être inévitablement impliquées dans la facilitation de ce processus.
Réformes institutionnelles et réconciliation nationale
La transition et le passage d’un régime tyrannique – qui a pris fin dans la nuit du 7 au 8 décembre – à une nouvelle forme de gouvernance nécessiterait des réformes institutionnelles profondes. “Cela inclurait la mise en place d'une nouvelle constitution garantissant une séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice et une meilleure protection des droits de l'homme”, signale l’expert susmentionné.
Les acteurs politiques du pays, qu'ils soient de l’opposition ou des minorités, devront, d’après lui, discuter de la rédaction d’un texte qui garantisse les droits fondamentaux de tous les citoyens, notamment la liberté d'expression, l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs. La nouvelle constitution pourrait aussi aborder des questions sensibles, telles que le statut des minorités religieuses et ethniques, la laïcité de l'État et les relations avec les voisins régionaux. “Ce processus risque d’être lent et conflictuel, mais il serait essentiel pour garantir une paix durable”, souligne-t-il.
Outre la constitution, la nouvelle autorité devra se pencher sur le système judiciaire, les forces armées et les administrations publiques. Cela impliquerait un renouveau des mécanismes de gouvernance et la mise en place d’un processus de réconciliation nationale pour soigner les blessures du conflit. “C’est dans ce sens qu’un système de justice transitionnelle serait instauré pour traiter des violations des droits humains et des crimes de guerre commis durant le conflit”, indique l’expert interrogé.
Aujourd’hui face à elle-même, la Syrie devra désormais naviguer entre la reconstruction politique, la réconciliation nationale et la gestion de ses profondes divisions internes. Les solutions à adopter dépendront des négociations complexes entre les acteurs syriens et internationaux. Malgré les obstacles considérables qui risquent de se poser sur la voie de la stabilité, une transition vers un État plus démocratique et inclusif est envisageable, avec, évidemment, des compromis…
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