Lina al-Khalil a quitté la banlieue sud de Beyrouth pour fuir les bombardements israéliens. Chaque jour, elle tente vaillamment d'y retourner, ne serait-ce que pour passer deux heures au comptoir de la pharmacie familiale.
"C'est plus important que ma maison", confie à l'AFP la quinquagénaire, ayant hérité de l'enseigne paternelle ouverte en 1956 à Haret Hreik.
Parfois, quand l'armée israélienne lance un appel à évacuer avant un bombardement sur le secteur, elle doit tout fermer et partir dans la précipitation.
L'essentiel de son stock, elle l'a déplacé vers sa résidence secondaire dans la montagne. Pour servir ses rares clients, elle monte récupérer les médicaments requis, et leur livre à domicile quand ils ne peuvent pas venir les chercher.
"Avec la baisse du nombre de clients, l'impact financier est très important", reconnaît la pharmacienne réfugiée à Beyrouth. Pour surmonter la crise, elle a dû diviser par deux le salaire de ses employés.
Comme elle, nombreux sont les commerçants de la banlieue sud qui font ce qu'ils peuvent pour maintenir à flot leurs affaires.
Leurs quartiers ont été dévastés d'intenses frappes aériennes depuis le 23 septembre, l'armée israélienne disant cibler les infrastructures du Hezbollah pro-iranien. Et l'immense majorité des habitants -- de 600.000 à 800.000 avant la guerre -- ont dû trouver refuge ailleurs.
"Chômage"
"On joue à cache-cache", lâche amèrement Mehdi Zeïtar, en allusion aux bombardements. Quand l'armée israélienne appelle à évacuer, il sort du quartier où il a été déplacé, dans la périphérie de la banlieue sud. "On part en voiture jusqu'à la fin des frappes puis on rentre", ajoute le quinquagénaire.
Pour l'heure, son échoppe où il vendait des légumes a survécu. Mais "tous les bâtiments alentours ont été endommagés, ma maison a été détruite."
Lui aussi vient deux ou trois heures par jour tenir son commerce, pour pouvoir "acheter du pain et de la nourriture" à la famille, dit-il. Ces heures, ils les passent surtout à attendre des clients qui ne viennent pas. "On est véritablement au chômage", lâche-t-il.
Dans un récent rapport, la Banque mondiale (BM) estimait à 1,7 milliard de dollars les pertes essuyées par le secteur commercial libanais, en douze mois de conflit.
Au Liban, environ 11% des établissements dans les zones de conflit ont été endommagés, selon la BM, citant notamment les régions de Tyr, Saïda, et Nabatiyé dans le sud, bastion du Hezbollah quotidiennement pilonné par l'armée israélienne.
Les pertes du secteur commercial, représentant avant la guerre un tiers du PIB, sont principalement dues au fait que le conflit a déplacé "employés et propriétaires d'entreprises", entraînant "un arrêt quasi complet de l'activité commerciale" et des "perturbations des chaînes d'approvisionnement", selon l'institution.
Elle évoque les "changements de comportement" des consommateurs, même dans les zones épargnées par la guerre: les foyers se limitent aux "dépenses essentielles".
Dans la banlieue sud, Abdel Rahmane Zahr El-Din avait inauguré il y a cinq ans son café. Un bombardement israélien l'a transformé en un amas de décombres et de ferraille.
"Il ne reste plus que des pierres", lâche-t-il amèrement en inspectant l'étage supérieur, ressortant avec à la main une petite table intacte mais couverte de poussière grise. Il vient de perdre son unique "gagne-pain".
Par Nadine CHALAK avec AFP
Commentaires