Le Hezbollah menace Israël, mais peut-il encore frapper?
©Ici Beyrouth

Alors que les tensions persistent au Liban-Sud, où Israël mène régulièrement des frappes ciblées, le Hezbollah maintient un ton ferme contre Tel Aviv. Il multiplie les menaces, sans jamais passer à l’acte. Son secrétaire général, Naïm Qassem, prévient que la patience de la formation pro-iranienne touche à ses limites. Mais au-delà de ce discours, une question cruciale demeure: le Hezbollah a-t-il encore les moyens de donner suite à ses menaces?

Un arsenal décimé

Le centre de recherche israélien Alma, qui se focalise sur les menaces sécuritaires au nord de l’État hébreu, estime qu’avant septembre 2024, la formation pro-iranienne disposait d’un arsenal de plus de 225.000 charges explosives, réparties entre roquettes de courte, moyenne et longue portée.

Ce stock comprenait notamment 65.000 roquettes pouvant atteindre jusqu’à 80 kilomètres, environ 5.000 missiles de moyenne portée, autant de longue portée, ainsi que quelque 2.500 drones armés, toujours selon Alma.

Depuis, cet arsenal s’est drastiquement réduit, sous les coups de boutoirs israéliens. Des dizaines de milliers de projectiles et de caches d’armes ont été détruits lors des frappes aériennes israéliennes. Plus tard, après l’accord de cessez-le-feu du 27 novembre 2024, plusieurs dépôts ont été saisis dans des zones civiles ou forestières, y compris des lanceurs mobiles prêts à tirer sur le nord d’Israël.

Selon Alma, le stock de roquettes de courte portée serait tombé en dessous de 10.000, et les missiles de moyenne portée ne dépasseraient plus le millier. Quant aux missiles de précision, autrefois considérés comme une carte maîtresse du Hezbollah, ils ne compteraient plus aujourd’hui que quelques dizaines d’unités.

Des lignes coupées

Mais au-delà de l’arsenal lui-même, c’est toute l’infrastructure logistique du groupe qui s’est effondrée. Comme l’explique Riad Kahwaji, analyste en sécurité et défense au Moyen-Orient, «les lignes de transport et de soutien logistique avec l’Iran ont été coupées avec l’effondrement du régime syrien».

Le Hezbollah, coupé de son couloir stratégique avec Téhéran, entre Damas et Beyrouth, se retrouve incapable de reconstituer ses stocks ou de maintenir un flux régulier de réapprovisionnement militaire. Comment interpréter alors la rhétorique belliqueuse du Hezbollah, malgré l’érosion massive de ses capacités?

Selon M. Kahwaji, cette posture ne reflète pas la réalité du terrain, mais vise seulement à maintenir une image de puissance: «Le Hezbollah essaie encore de faire bonne figure, en parlant de capacités et de préparation à la guerre, mais tous les signaux pointent dans la direction opposée», affirme-t-il. Il souligne que ni l’organisation ni sa base populaire, épuisée par la guerre, ne sont actuellement prêtes pour un nouveau conflit avec Israël.

Le Hezbollah, analyse le général Kahwaji, cherche actuellement à préserver son statut d’acteur politique dominant. À moins d’un an des élections législatives, prévues en mai 2026, la formation pro-iranienne doit continuer à projeter l’image d’un mouvement «de résistance» capable de défendre le Liban. Un slogan qu’elle répète à l’envi, bien qu’il soit loin de coller à la réalité, comme l’a démontré la récente guerre. Mais pour le Hezbollah, une perte de crédibilité militaire risquerait de se traduire en perte d’influence politique. C’est la raison pour laquelle, selon M. Kahwaji, la rhétorique belliqueuse vise surtout à maintenir le moral de la base populaire et à préserver un capital symbolique auprès de l’électorat chiite.

Un désarmement impossible sans renoncer à l’identité

Dans le même ordre d’idées, la question du désarmement reste pour le Hezbollah une ligne rouge. Abandonner les armes signifierait, selon M. Kahwaji, une perte identitaire irrémédiable. «Sans les armes, le Hezbollah ne serait plus perçu comme un mouvement de résistance, mais comme un simple parti politique similaire aux autres», affirme-t-il. C’est pourquoi, malgré les pressions extérieures, notamment celles de Washington et de Tel Aviv, ainsi que les appels internes au désarmement, le groupe pro-iranien refuse catégoriquement toute reddition de son arsenal.

Pourtant, sur le terrain, la réalité est implacable. Israël continue de frapper quotidiennement ses infrastructures, éliminant un à deux combattants ou cadres presque chaque jour. Selon M. Kahwaji, les frappes ciblées s’inscrivent dans une stratégie d’attrition progressive, à laquelle le Hezbollah se garde de réagir militairement. Ce silence tactique constitue la preuve la plus évidente de son affaiblissement.

Un pari risqué sur l’avenir

Faute de pouvoir frapper, le Hezbollah joue la montre. Il mise sur une dégradation régionale, notamment en Syrie, qui lui permettrait, en cas de chaos, de rétablir ses lignes logistiques et de reconstruire son arsenal. Mais ce pari semble de plus en plus illusoire. Comme le souligne M. Kahwaji, la nouvelle administration syrienne consolide son pouvoir, et rien n’indique un effondrement prochain de l’État syrien.

En attendant, le Hezbollah conserve une capacité résiduelle: quelques drones, des armes légères, des missiles antichars. De quoi mener des frappes ponctuelles et, surtout, négocier politiquement. Mais certainement pas de quoi ouvrir un nouveau front contre Israël – ce qu’il n’oserait pas d’ailleurs entreprendre, dans le contexte actuel, au risque de se voir anéantir.

Plus que jamais, l’écart entre le discours et la réalité se creuse. Et avec lui, le doute quant à la capacité du Hezbollah à redevenir ce qu’il était.

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