La productivité est un concept que beaucoup de gens connaissent mais ont du mal à définir. La plupart des économistes la définissent comme étant le fait de créer plus de richesses en utilisant moins de ressources. Comme par exemple le fait qu’une même équipe produise 10 chemises par jour au lieu de 5 auparavant, grâce à de nouvelles machines ou à une meilleure organisation du travail.
Pour compliquer un peu plus l’histoire, on va en rajouter une couche en disant qu’il y a plusieurs types de productivité, que ce soit celle du travail ou celle du capital, entre autres.
Le calcul de la productivité est aussi lui-même assez difficile. Les économistes le font en divisant la production totale, respectivement, par le montant du capital investi ou par le nombre d’employés. Pour clarifier, Apple a produit environ 200 millions d’iPhones en 2020 avec une main d’œuvre de 100.000 employés, soit 2.000 iPhones par travailleur. Si on suppose que Samsung a produit 300 millions de smartphones cette année-là avec 290.000 travailleurs, alors Apple serait dans ce cas plus productive que Samsung, qui ne produit que 1034 smartphones par travailleur.
Au-delà de cette description, pour améliorer la productivité, il y a plusieurs axes d’actions. Au niveau supérieur, qui dépasse l’entreprise individuelle, la productivité s’accroit dans un environnement compétitif, une forte mobilité des capitaux et des règlementations peu encombrantes.
D’abord, la concurrence favorise la productivité, car elle pousse les entreprises à innover, réduire les coûts, et améliorer la qualité. C’est pour cela que les monopoles publics, et même les administrations dans la plupart des pays, sont si médiocres. Ils ne sont pas incités à améliorer leur productivité.
Second facteur qui entre en scène: le volume de capitaux investis. Une augmentation de capitaux plus rapide que celle des effectifs augmente la productivité de ces derniers. Cela a été le cas au Japon dans les années 1960 et 1970. L’archipel a connu une forte croissance économique en raison de l’augmentation significative du capital investi dans l’industrie manufacturière.
Viennent enfin s’ajouter les facteurs immatériels, comme le management ou la manière dont l’entreprise est gérée, ce qui affecte largement sa productivité.
Le carburant du bien-être
Il va sans dire que l’augmentation de la productivité est bénéfique pour tous, que ce soit pour les investisseurs, les travailleurs ou les consommateurs. Les premiers feront des affaires florissantes, les travailleurs seront mieux rémunérés, et les consommateurs bénéficieront de tarifs plus bas.
Si on revient un peu en arrière, on constate que la productivité a connu plusieurs pics historiques. Une étude réalisée par Paul Bouscasse de l’université de Cambridge et d’autres montre que la productivité n’augmentait que de 3% par décennie au XVIIe siècle en Angleterre. Le taux est monté jusqu’à 6% par décennie au XVIIIe siècle. Un développement significatif s’est produit avec la révolution industrielle du XIXème siècle.
Mais c’est au XXème siècle que la productivité a connu des pics, surtout depuis les années 1960 avec l’essor de l’informatique, puis encore avec l’automatisation et la mondialisation durant les années 1980. Le FMI estime que la productivité mondiale du travail a augmenté au cours des dernières décennies entre 2% et 3% par an. L’intelligence artificielle apporte depuis peu sa pierre à l’édifice. Mais cette fois avec des gains phénoménaux de productivité dans plusieurs domaines, et on en est encore au tout début de cette nouvelle ère.
Des disparités importantes
Évidemment, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Il y des disparités criantes entre les pays, avec des champions de productivité tels que, par ordre, le Luxembourg, l’Irlande, la Norvège, la Belgique et les États-Unis. Des pays qui jouissent d’investissements massifs alors que les gens y travaillent moins que dans d’autres pays.
De l’autre côté du monde, la Chine totalitaire était pendant des décennies un paysage de misère ravagé par le communisme. Jusqu’au tournant décisif avec Deng Xiaoping qui a appliqué des politiques libérales et modernisé l’économie chinoise, ce qui a dopé la productivité. Ces politiques ont porté leurs fruits avec un rendement agricole augmentant de près de 8% par an et une croissance générale de même ordre, plaçant le pays en deuxième position en PIB après les États-Unis.
La productivité varie également selon les secteurs. Les secteurs les plus règlementés ont tendance à être moins productifs, puisque les règlementations imposent des barrières à l’entrée, limitant ainsi la concurrence et par suite la course vers une plus grande productivité.
Quid du Liban ?
La productivité est-elle manquante au Liban? Est-elle au moins calculée? Contacté par Ici Beyrouth, l’économiste Patrick Mardini répond par un constat négatif, soulignant en particulier la fuite des cerveaux: «Il y a une pénurie de productivité au Liban, puisque nous avons une main d’œuvre qualifiée qui fuit le pays».
Mais comment contrecarrer ce problème et stimuler la productivité? Selon M. Mardini, il faudrait encourager la concurrence pour avoir une chance de doper la productivité, en donnant l’exemple clair du secteur des télécommunications, monopolisé par l’entreprise publique Ogero et deux sociétés d’État pour les réseaux mobiles. «Afin de stimuler la productivité du travail dans ce secteur, il faudrait d’abord qu’il soit ouvert à la concurrence. Cela permettrait à d’autres entreprises de produire et de vendre leurs services à la population. C’est le même problème avec le secteur de l’électricité et des autres services».
De plus, certaines entreprises ont du mal à atteindre leur potentiel maximal au Liban. On entend souvent des industriels dire que leur entreprise fonctionne à 50% ou 60% de leur capacité. Contactés par Ici Beyrouth, certains révèlent avoir des difficultés à importer de nouvelles machines. «Les règlementations douanières sont complètement absurdes», affirme l’un d’eux. Une autre difficulté est liée à l’absence de crédit bancaire sur lesquels les industriels comptaient par le passé pour renouveler leur équipement. C’est l’une des raisons d’ailleurs de la stagnation des chiffres de l’export alors qu’une devise dévaluée devait normalement doper les exportations.
mario.chartouni@icibeyrouth.com
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