Pour le Vatican, Taëf est « une ligne rouge »
Les solutions suggérées pour réviser le système politique en place en vue de sortir le pays de la paralysie actuelle, les formules alternatives proposées, comme l’adoption de la décentralisation administrative et financière élargie, entre autres amendements de l’accord de Taëf, auraient suscité chez les puissances étrangères concernées par le Liban, une inquiétude pour l’avenir du pays du Cèdre, et sa dimension de pays-message mise en avant par le pape Jean-Paul II.

Des milieux diplomatiques occidentaux ont même vu dans l’évocation de la décentralisation par le président de la République, le prélude à une partition du pays et un changement de son identité. Dans ce contexte, des milieux politiques ont rapporté, en citant une personnalité religieuse, que le Nonce apostolique a été notifié des appréhensions du Vatican suscitées par les appels au changement de système, émanant surtout de forces politiques et d’autorités chrétiennes, en l’occurrence le chef de l’Etat, à la faveur de son alliance avec le Hezbollah. Le Nonce s’est tourné vers Bkerké pour transmettre une position claire du Vatican : « Taëf et l’équation politique qu’il établit, notamment la neutralité et l’identité du Liban, font partie des fondamentaux aux yeux du Vatican qui considère que Taëf est une ligne rouge ».

Pour rappel, ce sont le Vatican, Bkerké et l’Arabie Saoudite, avec les Etats-Unis et la France, sous un parrainage onusien, qui ont largement contribué à élaborer l’accord de Taëf pour mettre un terme à la guerre de 1975-1990. Aux yeux de ceux qui ont contribué à mettre au point Taëf, y renoncer risquerait de compromettre l’avenir même du Liban en tant que pays de dialogue des civilisations et des religions, et en tant que modèle de vivre-ensemble entre chrétiens et musulmans.Ceux


qui, surtout parmi les chrétiens, œuvrent pour un nouveau système et font la promotion d’un nouveau pacte national et d’un nouveau contrat social, servent, à leur insu, des agendas étrangers. A en croire un politique avisé, les cercles du Vatican seraient inquiets de l’amenuisement du rôle chrétien et l’absence de solidarité autour de Bkerké. Il y aurait des reproches contre les forces politiques chrétiennes qui se sont alignées sur des projets néfastes pour la région, renonçant à leur rôle national et s’éloignant de la neutralité telle que prévue dans la déclaration de Baabda.

Aucun changement du système au Liban n’est acceptable à ce stade, ni recevable selon la lecture des milieux politiques cités, à cause du déséquilibre dans les rapports de force et l’instabilité d’une région sans cesse menacée par un conflit communautaire latent et tributaire des négociations pour tenter de sauver l’accord sur le nucléaire iranien. Le dossier libanais n’est pas au menu des négociations de Vienne et n’est évoqué que subsidiairement, sous l’angle de l’arsenal iranien et du rôle du Hezbollah en tant que support de cet arsenal dans la région.

Or le Hezbollah, parti armé, prêtant allégeance à l’Iran ouvertement, ambitionne d’institutionnaliser son hégémonie sur l’Etat libanais, en s’accordant dans les textes un pouvoir décisionnel déterminant. S’il a tenté à plus d’une occasion de modifier les équilibres institutionnels instaurés par Taëf, le Hezbollah semble récemment se retenir de véhiculer directement son projet, préférant le faire par la voix de son allié chrétien. L’ambition actuelle du parti chiite serait la tenue d’une assemblée constituante, convaincu que le contexte lui est opportun et qu’il est toujours en mesure d’obtenir ce gain institutionnel.
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