Les organismes économiques ont publié aujourd’hui un communiqué concernant le projet de loi sur l’assainissement financier et à la restitution des dépôts, dans lequel ils déclarent ce qui suit :
À la suite de l’adoption par le Conseil des ministres du projet de loi relatif au rétablissement de l’ordre financier et la restitution des dépôts, les organismes économiques saluent la volonté affichée du président du Conseil de tenter de sortir d’une impasse qui perdure depuis plusieurs années.
Ils expriment toutefois leur opposition à plusieurs dispositions fondamentales du texte dans sa version adoptée, en raison des risques majeurs qu’elles font peser sur la majorité des droits des déposants ainsi que sur ce qu’il reste du secteur bancaire.
Ces dispositions consacrent, en outre, le désengagement de l’État libanais de ses responsabilités morales, juridiques et financières.
Plus grave encore, ce projet compromet toute perspective réelle de relance de l’économie libanaise.
Les organismes économiques soulignent que le cœur du dysfonctionnement du projet réside dans l’insistance de l’État libanais à se soustraire à ses responsabilités, comme en témoigne l’absence de toute disposition reconnaissant explicitement la dette qui pèse sur lui, sous le prétexte de la « soutenabilité de la dette publique ». Il s’agit d’un précédent dangereux visant à décharger l’État de ses obligations et à les faire peser exclusivement sur les déposants et le secteur bancaire.
De plus, l’État ne respecte pas clairement ses obligations légales, en particulier celles prévues à l’article 113 du Code de la monnaie et du crédit, qui l’oblige sans ambiguïté à couvrir le déficit du budget de la Banque du Liban (BDL).
Les organismes économiques estiment qu'il est inacceptable, en principe, de donner la priorité à la soutenabilité de la dette publique au détriment de la viabilité de l'économie et de la société. L’État libanais n’est pas au service des créanciers ni des détenteurs étrangers d’eurobonds, mais au service de ses citoyens. Sa priorité doit être la protection des déposants, dont les fonds ont été gelés en raison de politiques publiques erronées, ainsi que l’épargne sociale représentée par les fonds de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
En conséquence, les organismes économiques affirment que la protection des déposants doit être une priorité absolue et immédiate, par le biais de décisions courageuses et de mesures concrètes, au premier rang desquelles figure la réalisation d’un audit sérieux de l’État libanais, de la BDL et des banques afin de clarifier et d’établir les responsabilités. L’État devra ensuite assumer ses dettes envers la BDL, couvrir le déficit de son budget et procéder à la monétisation partielle et encadrée de certains actifs de l’État et de la BDL, afin de les intégrer aux liquidités disponibles. Cela permettrait le remboursement effectif des dépôts inférieurs à cent mille dollars américains, représentant plus de 84 % des déposants, puis des autres dépôts.
Les organismes économiques dénoncent les campagnes de désinformation visant à présenter la contribution de l’État comme un gaspillage des fonds appartenant aux Libanais et aux générations futures. L’État et la BDL ne versent aucune subvention, mais s’acquittent de leurs obligations légales et contractuelles envers les banques, lesquelles restituent ces fonds à leurs propriétaires légitimes.
Parallèlement, les organismes économiques mettent en garde contre le fait que toute atteinte au secteur bancaire ou sa destruction entraînerait une paralysie totale de l’économie nationale, annihilerait tout espoir de relance et ouvrirait grand la porte à une économie du cash illégale, exposant le Liban au risque d’isolement financier et d’inscription sur les listes noires. Partant, toute réforme sérieuse doit se fonder sur la réhabilitation du secteur bancaire, et non sur sa liquidation.
Les organismes économiques s’opposent également à l’approche qui ferait supporter l’écart financier exclusivement aux banques, en plus du remboursement d’une partie des dépôts, alors même que l’État sait qu’elles en sont incapables. Une telle démarche compromettrait directement les droits des déposants. Ils mettent aussi en garde contre toute radiation totale ou partielle du capital des banques avant la finalisation de l’audit, l’assainissement des actifs irréguliers et la clarification du statut des dépôts des actionnaires, car cela priverait ces derniers de toute capacité à injecter de nouveaux fonds. On ne peut pas exiger le renflouement des banques tout en confisquant les fonds des actionnaires et en annulant tout incitatif à investir.
Avec de telles politiques, toute possibilité de financement de l’économie ou de pérennisation du secteur bancaire serait définitivement compromise.
Les organismes économiques appellent enfin le Parlement à assumer pleinement ses responsabilités, à réexaminer ce projet en profondeur et à le reformuler sur des bases justes et réalistes, reposant sur une répartition équitable des pertes, une reconnaissance claire des responsabilités de l’État, une protection effective des droits des déposants et la préservation du secteur bancaire comme pilier essentiel de l’économie nationale.
Ils rappellent à cet égard leur plan intégré d’assainissement financier et de restitution des dépôts, lequel vise à garantir une justice élargie et une restauration sécurisée des dépôts, et confirment leur disposition à participer aux discussions à venir.



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