Salam et la Constitution : une dérive destructrice !
©Ici Beyrouth

Le Parlement libanais se retrouve une fois de plus devant une épreuve décisive : céder à la tentation de consacrer une faille constitutionnelle et financière majeure, ou assumer pleinement son rôle de gardien de la Constitution et des droits des citoyens. Le choix est clair : rejeter un projet de loi vicié dès sa conception et rétablir la suprématie de l’État et du droit face à la volonté destructrice que Nawaf Salam s’acharne à imposer.

Nawaf Salam, entré dans le cercle des chefs de gouvernement auréolé de son parcours académique et judiciaire, s’était présenté comme l’incarnation du droit et de la rigueur institutionnelle. Mais l’épreuve de la gestion des dossiers financiers et économiques a rapidement révélé la vacuité de ses prétentions. Celui qui se drapait dans la Constitution fut le premier à la violer, substituant aux règles de l’État les diktats d’une volonté dévastatrice et de son agenda destructeur pour l’économie, au détriment de la rigueur institutionnelle pourtant requise de l’action gouvernementale. Cette infraction constitutionnelle a été dénoncée par le député Kabalan Kabalan et confirmée par l’expert constitutionnel Saïd Malek dans des déclarations accordées à Houna Loubnan.

Il n’est désormais plus un secret que le projet de loi sur la «Gap Law», dans sa mouture actuelle, consacre un plan suspect visant à anéantir les avoirs des déposants, des investisseurs et des syndicats des professions libérales au Liban. Salam et son équipe ont balayé d’un revers de main les remarques des opposants, s’empressant d’adopter un texte qui entérine une brèche juridique et constitutionnelle dans le parcours d’un juge pourtant présenté comme irréprochable. Tout se passe comme si Salam cherchait à honorer des engagements extérieurs douteux, au détriment des ayants droit, désormais livrés à une confrontation ouverte et incertaine pour tenter de récupérer leurs fonds.

Le soutien apporté au gouvernement de Nawaf Salam dans sa démarche de désarmement des milices et de l’instauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire libanais ne saurait constituer un blanc-seing lui permettant de faire passer des lois financières cruciales en violation flagrante des procédures constitutionnelles. Ce même soutien ne justifie en rien l’indulgence à l’égard d’un projet qui menace le peu de confiance qui reste dans l’économie et le système bancaire, et qui confisque les dépôts des Libanais sous couvert de slogans réformateurs trompeurs.

Sur le plan juridique, la problématique ne se limite pas au contenu du projet, mais commence dès son mode d’adoption. La Constitution libanaise est pourtant claire : l’article 18 définit le cheminement législatif des lois, tandis que l’article 65 précise les mécanismes de prise de décision au sein du Conseil des ministres. Le projet de loi sur la «Gap Law» ne peut en aucun cas être assimilé à une décision ordinaire. Il relève, de facto, des plans de développement globaux et de long terme, compte tenu de son impact direct sur l’économie dans son ensemble, les finances publiques et la stabilité sociale. À ce titre, il aurait dû être approuvé par les deux tiers des membres du gouvernement, et non adopté à la majorité simple, comme s’il s’agissait d’une formalité administrative sans conséquence.

Ce vice de procédure a été au cœur de la mise en garde lancée par l’expert constitutionnel et avocat Saïd Malek, qui a souligné auprès de Houna Loubnan qu’ignorer le quorum des deux tiers prive le projet de toute légitimité. Dans sa forme actuelle, le texte ne constitue pas un simple outil réglementaire, mais une véritable feuille de route financière redessinant les relations entre l’État, la Banque du Liban, les banques commerciales et les déposants. Une telle réforme impose le respect absolu de la Constitution. Rejoignant l’analyse du député Kabalan Kabalan, Malek aboutit à une conclusion sans équivoque : le Parlement doit refuser d’examiner un projet transmis en violation manifeste de la Constitution.

Le député Kabalan est allé plus loin encore, plaçant le gouvernement face à une interrogation fondamentale : le traitement de la «Gap Law» est-il une question secondaire ou essentielle ? S’il est secondaire, il s’agit d’un mépris inacceptable des droits de millions de Libanais. S’il est essentiel — ce qui est la réalité —, son adoption en dehors du quorum des deux tiers constitue une violation constitutionnelle flagrante. Il a également dénoncé l’absurdité consistant à exiger des majorités qualifiées pour de simples nominations administratives, tout en cherchant à faire adopter, avec une légèreté politique suspecte, une loi qui engage le destin de tout un peuple.

Sur les plans économique et politique, les orientations du gouvernement Nawaf Salam dépassent la seule dimension constitutionnelle et mettent en cause le fond même du projet. Le texte proposé ne fournit aucun chiffre clair quant à l’ampleur réelle de la faille financière, n’explique pas la méthodologie de son calcul et ne définit pas les responsabilités respectives de l’État, de la Banque centrale et des banques.

Plus grave encore, le texte instaure une discrimination flagrante entre les déposants et consacre une logique de «l’amnistie générale» à travers l’absence de tout mécanisme sérieux de reddition des comptes, indissociable de toute réforme authentique. Le projet se transforme ainsi en bouclier protecteur des «artisans de la crise» et en instrument d’effacement progressif des dépôts, plutôt qu’en véritable porte d’entrée vers une reprise financière réelle.

La précipitation dans l’adoption du projet, ainsi que le ton condescendant employé face à ses détracteurs, traduisent davantage une fébrilité politique qu’une vision réformatrice cohérente. Celle-ci s’inscrit dans un contexte de pressions internes, orchestrées par «Kulluna Irada», qualifiée de destructrice, et d’injonctions extérieures, illustrées par le soutien français à la légalisation de la faille constitutionnelle. En effet, Emmanuel Macron chercherait à remodeler le système bancaire pour servir ses intérêts et renforcer son influence au Liban et dans la région.

Face à ce tableau, Le Parlement libanais se retrouve une fois de plus devant une épreuve décisive : céder à la tentation de consacrer une faille constitutionnelle et financière majeure, ou assumer pleinement son rôle de gardien de la Constitution et des droits des citoyens. Le choix est clair : rejeter un projet de loi vicié dès sa conception et rétablir la suprématie de l’État et du droit face à la volonté destructrice que Nawaf Salam s’acharne à imposer.

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