Brigitte Bardot a traversé le siècle comme un soleil, bousculant les règles du cinéma, de la mode et de la liberté au féminin. Icône planétaire, elle a redéfini le regard posé sur la femme, inspiré des générations et offert sa passion aux animaux. Sa lumière, aujourd’hui éteinte, s’est retirée sans éclat tapageur, fidèle à ce qu’elle était devenue: une figure majeure qui refusait les adieux spectaculaires.
Brigitte Bardot s’est éteinte à l’âge de 91 ans, a annoncé dimanche la Fondation Brigitte Bardot, qu’elle avait créée et présidée. Recluse depuis des décennies à Saint-Tropez, elle est morte dans le silence qu’elle avait choisi, loin des projecteurs et des mondanités. La fondation n’a pas précisé la date exacte ni les circonstances de son décès. Hospitalisée à l’automne, elle avait récemment démenti les rumeurs annonçant sa disparition, rappelant, une dernière fois, à quel point son nom continuait d’habiter l’imaginaire collectif.
— Tu les trouves jolies, mes fesses?
— Oui, très.
— Et mes seins? Tu les aimes, mes seins?
— Beaucoup, beaucoup.
— Et ma bouche… tu l’aimes, ma bouche?
Le dialogue du Mépris, murmuré sur la terrasse de la villa Malaparte, hantera longtemps le cinéma. Par ce jeu de questions naïves et sensuelles, Brigitte Bardot imposa à jamais une façon d’être à l’écran, à la fois dérangeante et lumineuse. Mais à jamais iconique.
Brigitte Bardot, initiales B.B., s’est éteinte à Saint-Tropez, la ville où s’était construite sa légende. Recluse depuis des décennies dans cette Madrague qu’elle a rendue presque aussi célèbre qu’elle, elle s’était peu à peu retirée du tumulte médiatique. C’est dans ce refuge varois, au bord de l’eau, que la muse de Vadim et de Gainsbourg aurait trouvé la paix, après une vie exposée à toutes les passions.
Née à Paris le 28 septembre 1934, issue d’une famille bourgeoise, elle s’impose très tôt par son indépendance, son tempérament et son regard singulier. L’enfance, studieuse et musicale, se déroule entre la danse classique et la rigueur familiale. L’adolescente rêveuse se métamorphose rapidement en jeune femme magnétique et sensuelle.
À quinze ans, Bardot pose en couverture du magazine Elle. C’est le début d’une ascension fulgurante. Sa silhouette gracile, son port de danseuse, son regard de chat font d’elle un visage familier du grand public. Le cinéma l’appelle. Elle débute sur les écrans en 1952. Deux ans plus tard, sa rencontre avec Roger Vadim, qu’elle épouse, la propulse sur le devant de la scène. En 1956, Et Dieu… créa la femme scandalise la France bien-pensante. Le film fait d’elle une star mondiale. Bardot incarne la jeunesse, la sensualité et surtout, l’émancipation. Elle explose les carcans de la féminité d’après-guerre.
Les années 1950 et 1960 furent celles de tous les excès, de toutes les gloires. La Vérité de Clouzot, Le Mépris de Godard, Viva Maria ! de Louis Malle : Bardot impose un jeu instinctif, souvent à fleur de peau, loin des conventions. Elle n’imite personne, refuse de se soumettre à un système. L’actrice suscite l’admiration des réalisateurs et la dévotion des photographes. Elle inspire des artistes majeurs, de Gainsbourg à Warhol. Bardot devient une référence visuelle et sonore. On lui doit la popularisation du bikini, du « décolleté Bardot », du chignon désordonné : trois signatures qui ont marqué l’histoire de la mode, en France et dans le monde. Elle crée la mode tout en l’ignorant.
Dans le sillage de sa célébrité, la presse traque sa vie privée. Bardot avance à découvert, exposée aux passions et aux jugements. Quatre mariages – Vadim, Charrier, Gunter Sachs, Bernard d’Ormale – et une multitude d’amours célèbres jalonnent un parcours sentimental complexe. La naissance de son fils, Nicolas, en 1960, se double de conflits médiatisés et d’une maternité souvent douloureuse, sur laquelle elle s’exprimera plus tard sans détours.
La retraite à 39 ans
La rançon de la gloire se paie cher. Bardot affronte le revers de la lumière : tentatives de suicide, dépression, périodes de retrait. Sa relation avec la notoriété oscille entre fascination et rejet. À 39 ans, elle prend une décision radicale : quitter le cinéma, se retirer du monde du spectacle, alors que sa popularité demeure intacte. La France, l’Europe, l’Amérique regrettent déjà son absence. Bardot préfère le silence à la compromission.
L’après-cinéma révèle une autre facette de son caractère. Loin des projecteurs, B.B devient la voix des animaux. Elle vend ses biens pour financer la cause, lance en 1986 la Fondation Brigitte Bardot, qui s’imposera comme un acteur majeur de la défense animale en France et dans le monde. Inlassable, elle dénonce la corrida, la chasse à la baleine, la fourrure, l’expérimentation animale. Sa ténacité force le respect, même chez ses détracteurs.
La militante ne fait pas l’unanimité. Les prises de position publiques, souvent abruptes, provoquent de nombreux procès pour propos discriminatoires. B.B n’a jamais cultivé la prudence, ni recherché le consensus. Cette franchise, qui lui a valu autant d’alliés que d’adversaires, fait partie intégrante de sa légende.
Au fil des années, la star s’était effacée. Cette retraite anticipée, amorcée au sommet de sa carrière, s’est transformée en un retrait définitif : à la Madrague, dans ce refuge au bord de l’eau devenu aussi mythique que son prénom, elle a vécu loin des projecteurs, à l’abri des regards et du bruit.
Plus retirée, moins accaparée par les photographes et les curieux, elle partageait son quotidien avec son mari Bernard d’Ormale et une poignée d’amis fidèles. « La quiétude est ma façon de voir les choses, de m’intéresser à la nature en fuyant l’humanité. J’ai une solitude silencieuse qui me va très bien », confiait-elle à l’AFP. Isolée, Bardot se disait de plus en plus seule depuis les disparitions successives de ses compagnons d’itinéraire : Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Claudia Cardinale… « Mon esprit, de temps en temps, s’envole un peu pour prendre l’air. Je pense à des gens que j’aime, que j’ai aimés et qui ne sont plus là. »
Jusqu’au bout, Bardot est restée rare dans les médias. Nonagénaire, elle a encore publié en 2025 un BBcédaire (Fayard), carnet de bord écrit entre 2020 et début 2025, mais sa santé déclinante l’a empêchée d’en assurer la promotion. Sa récente hospitalisation, après une intervention lourde, avait suffi à émouvoir l’opinion, révélant à quel point Bardot, malgré l’effacement, restait une figure à part.
À l’heure de l’adieu, il ne subsiste que la trace : une vie menée à l’instinct, sans compromis, entre lumière et solitude. B.B a imposé sa liberté comme une nécessité vitale, refusant de plaire à tout prix, préférant la marge à la foule. L’actrice, la muse, la militante – toutes ces facettes se confondent en une seule figure, aussi sublime que controversée, dont l’influence sur la mode, le cinéma, l’émancipation des femmes et la cause animale perdurera à jamais.
Deux lettres pour un destin. Initiales B.B. Adieu.



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