«Al-Qard al-Hassan» ou «Joud»: le nom change, la prédation demeure. Derrière ce rebranding juridique, le Hezbollah continue d’exploiter sa pompe à liquidités, prenant en otage une économie libanaise déjà à bout de souffle.
Dans un Liban ravagé par l’économie souterraine — dont la milice pro-iranienne est le fer de lance — les manœuvres du Hezbollah prolongent l’asphyxie financière et sapent toute perspective de redressement. Aujourd’hui, avec «Joud», le proxy iranien au Liban s’intéresse à l’or comme subterfuge pour contourner les contraintes financières, face à une communauté internationale décidée à combattre plus que jamais le secteur narcotique.
Le Hezbollah a abandonné le modèle des microcrédits exempts d’intérêts - dits «honnêtes» - et des guichets électroniques, qui constituait le cœur de l’activité passée d’al-Qard al-Hassan (AQAH). Ce tournant s’inscrit dans une reconnaissance implicite du durcissement des pressions américaines, visant à démanteler les réseaux de financement du terrorisme international et de blanchiment d’argent opérant en dehors de toute surveillance et du circuit bancaire officiel.
Le Hezbollah et la course contre la montre
Sur le terrain, le Hezbollah mène une véritable course contre la montre, utilisant toutes les manœuvres possibles pour se repositionner «légalement» sur le marché. L’objectif: ne pas perdre le contrôle de ses «gens» — expression désignant sa base populaire — tout en contournant les sanctions internationales. Les États-Unis, soutenus par la communauté internationale, ont fixé la fin de l’année comme dernier délai pour assécher les sources de financement du groupe chiite armé. À défaut, le Liban tout entier pourrait en payer le prix fort, à la fois sur les plans économique et sécuritaire.
Pour calmer les inquiétudes de sa base, AQAH a été contrainte de publier mercredi un communiqué, affirmant que «l’association à but social présumée» continue d’opérer dans toutes ses branches, estimées à une trentaine.
Le Hezbollah et «ses gens»
Pour justifier le maintien de structures parallèles à celles de l’État – véritables piliers d’une économie criminelle organisée – le Hezbollah invoque la protection sociale de «ses gens», dont les dépôts bancaires sont gelés. Un raisonnement fallacieux, puisque ces «gens» font partie du peuple libanais dans son ensemble. En s’appuyant sur cette justification, le mouvement entérine implicitement sa logique milicienne, fondée sur l’appartenance communautaire plutôt que sur la citoyenneté nationale. Avec sa façade financière, la société «Joud», le Hezbollah tente de duper à la fois les Libanais et la communauté internationale, tout en consolidant son contrôle sur l’économie parallèle et les liquidités du pays.
L’or, nouvel instrument de contournement
Le Hezbollah ne voit plus l’or comme une valeur refuge, mais comme un outil financier stratégique. Pour le proxy iranien au Liban, le métal jaune devient une monnaie parallèle, transformée en liquidités immédiatement mobilisables, hors du système bancaire et à l’abri du contrôle de la Banque du Liban. C’est dans cette logique qu’a été créée « Joud », société écran enregistrée comme entité commerciale, officiellement soumise au Code de commerce, mais conçue avant tout pour recycler et monétiser des actifs en dehors des circuits régulés. Spécialisée dans l’achat et la vente d’or à tempérament, elle succède de facto à AQAH, sommée de se conformer à la loi dans un délai de trois mois, tout en étant placée sous interdiction de toute relation avec des entités légales.
Un montage en deux temps
Le schéma de fond demeure, seule la façade change. Fin du nantissement direct contre les liquidités: place à un montage juridique en deux temps, soigneusement calibré. «Joud» achète l’or comptant, facture à l’appui, puis le revend à crédit, via des mensualités fixes étalées dans le temps, également formalisées par contrat. L’acheteur, lui, ne récupère l’or qu’à la toute fin du processus, quinze jours après le paiement de la dernière échéance, verrouillant ainsi l’opération.
Les factures jointes aux contrats indiquent que la vente à crédit n'est considérée comme définitive qu’après réception du paiement complet. En cas de non-paiement de deux mensualités, toutes les échéances deviennent immédiatement exigibles, et l’acheteur donne son autorisation pour le règlement en son nom. L’or doit être retiré dans les quinze jours suivant le dernier paiement, sinon des frais de stockage de 0,02 $ par gramme et par mois seront appliqués.
Une légalité juste dans la forme
Les factures émises arborent un numéro d’immatriculation au registre du commerce et un numéro fiscal, donnant l’illusion d’une conformité totale aux règles en vigueur. Autrement dit, «Joud» souhaite montrer que ses transactions sont soumises aux taxes, et à toutes les redevances stipulées par les lois libanaises. Tout y est: les formes, les documents, le vernis légal. Mais derrière cet habillage juridique, la finalité reste la même: maintenir des flux de liquidités opaques et préserver une économie parallèle qui continue de miner l’État libanais, contourner les sanctions.
Si les déclarations financières officielles du vendeur, lors de la première étape du montage, permettent d’identifier l’origine des fonds et le profil de l’opérateur, celles de l’acheteur demeurent floues et difficilement vérifiables. Les règles élémentaires de la due diligence, notamment le principe du Know Your Customer (KYC), ne sont ainsi pas respectées.
Des tentatives avortées
Selon plusieurs sources concordantes, trois scénarios ont été envisagés par le passé pour régulariser la situation d’AQAH, sans succès. Tous ont été fermement rejetés par les autorités américaines.
Le premier prévoyait la transformation de l’institution en mutuelle. Le deuxième proposait sa conversion en société financière agréée, une option également écartée par la Banque du Liban. Le troisième envisageait la création d’une coopérative financière, offrant des prêts à taux préférentiels, à l’image de structures similaires au Liban et à l’international, soumise au droit libanais et déclarant ses clients.
Le refus des Américains vient du fait que l’existence d’un bras financier du Hezbollah lui permettra de continuer à exister alors que les fonds resteront en dehors du secteur bancaire et continueront, à leurs yeux, à susciter des soupçons dans le contexte politique actuel.




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