Réunion décisive à Paris : l'armée libanaise réussira-t-elle son pari ?
©Ici Beyrouth

C’est à Paris que se jouera, jeudi, l’un des épisodes les plus sensibles de la séquence diplomatique actuelle autour du Liban. Une réunion restreinte, consacrée aux besoins de l’armée libanaise, doit rassembler le commandant en chef de la troupe, le général Rodolphe Haykal, l’envoyée spéciale des États-Unis Morgan Ortagus, l’émissaire saoudien Yazid ben Farhane, l'envoyé spécial du président français pour le Liban, Jean-Yves Le Drian et la conseillère d’Emmanuel Macron pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, Anne-Claire Legendre.

Une configuration qui, à elle seule, souligne l’importance accordée par les partenaires internationaux au dossier sécuritaire libanais.

Ce sur quoi portera la réunion

Présentée officiellement comme une rencontre technique et préparatoire, elle n’en revêt pas moins une portée politique et sécuritaire majeure, à l’heure où l’institution militaire est placée au centre de toutes les attentes et de toutes les pressions. Il ne s’agira toutefois pas, selon le journaliste et politologue, Ali Hamadé, interrogé par Ici Beyrouth, d’une réunion décisionnelle. Consistant en une sorte de récapitulatif des manœuvres entreprises par l’institution militaire, elle portera, précise M. Hamadé, sur l’ensemble de la période écoulée au cours des six derniers mois, depuis les 5 et 7 août, dates auxquelles le gouvernement libanais a officiellement décidé de confier à l’armée la mission de désarmer le Hezbollah.

Au cœur des discussions figurera donc le compte rendu que présentera le général Haykal sur les dernières actions menées par la troupe, en particulier au sud du Litani. Un exercice délicat, tant ce dossier demeure scruté par les capitales occidentales et régionales, qui jugent l’avancée du processus à l’aune de résultats concrets sur le terrain.

Toujours selon le politologue, l’armée pourrait profiter de cette réunion pour annoncer la clôture de ses opérations au sud du Litani. «L’institution militaire considère que la mission qui lui avait été confiée dans ce secteur est désormais accomplie», affirme-t-il, soulignant que cette annonce, si elle est faite, viserait à acter une étape avant d’en ouvrir une autre, plus vaste.

D’autant plus que le second volet de la réunion de Paris portera sur les besoins de l’armée pour la poursuite de sa mission à l’échelle nationale. «Nous devrions nous attendre à un exposé précis des différentes demandes de l’armée, indispensables pour couvrir l’ensemble du territoire libanais», indique Ali Hamadé. Ces besoins concernent à la fois le désarmement du Hezbollah dans les zones restantes et la sécurisation des frontières, notamment entre le Liban et la Syrie. Recrutement de nouveaux effectifs, financement durable, équipements, capacités logistiques: la liste est longue et dépasse largement les moyens actuels de l’institution.

Des besoins militaires appelés à s’élargir

C’est donc dans cette perspective que la réunion de jeudi s’inscrit dans une séquence plus large. Selon M. Hamadé, Paris doit servir de point de départ à la préparation d’un rendez-vous d’une toute autre ampleur. «L’objectif est de préparer l’organisation, début 2026, en janvier ou février, d’une grande conférence internationale de soutien à l’armée libanaise», explique-t-il. Cette conférence serait coprésidée par le Liban et la France, organisée par Paris et parrainée par les États-Unis et l’Arabie saoudite, avec pour finalité de lever des fonds et d’obtenir des aides de diverses natures.

À Beyrouth, le président Joseph Aoun a tenu à encadrer étroitement la participation libanaise. Mercredi matin, il a reçu le général Haykal au palais de Baabda afin de lui transmettre ses directives avant son déplacement à Paris. Le message présidentiel est clair: l’armée doit apparaître à la fois comme un acteur crédible sur le terrain et comme le seul levier capable de restaurer progressivement l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.

Sur le terrain, cette stratégie s’est traduite par une série d’initiatives destinées à appuyer le discours officiel. Lundi, l’armée a organisé une tournée au sud du Litani à l’intention d’ambassadeurs, de chargés d’affaires et d’attachés militaires, afin de leur permettre de constater les mesures prises dans le cadre de l’extension de l’autorité de l’État. Une démarche relayée, le lendemain, par l’ambassade des États-Unis, qui a confirmé la participation de l’ambassadeur Michel Issa à une visite similaire aux côtés du commandement militaire.

Si aucun engagement concret ne devrait être annoncé jeudi, l’évaluation qui en ressortira pèsera lourd sur les décisions à venir. «Officiellement, aucune décision exécutive ne devrait être prise à l’issue de la réunion de Paris. Chaque émissaire est appelé à rendre compte à son gouvernement respectif, et toute aide supplémentaire dépendra de l’évaluation des mesures mises en œuvre sur le terrain», note M. Hamadé.

La réunion de Paris apparaît ainsi comme un test, tant pour la diplomatie libanaise que pour l’armée elle-même. De sa capacité à convaincre dépendra, en partie, l’ampleur du soutien international à venir et, au-delà, la possibilité pour le Liban de contenir les risques d’une nouvelle déflagration sécuritaire.

 

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