Assurance santé: le grand déséquilibre que personne ne veut assumer
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Alors que les compagnies d’assurance tentent de ramener leurs primes-santé aux niveaux d’avant octobre 2019, date du déclenchement de la crise multidimensionnelle, le secteur fait face à une équation de plus en plus difficile: l’explosion continue des coûts d’hospitalisation et la lenteur de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) à restaurer sa capacité de couverture d’avant la crise.

La branche maladie demeure la plus fragile du marché. Beaucoup d’assureurs la jugent structurellement déficitaire. Pourtant, aucune offre — qu’elle s’adresse aux entreprises ou aux particuliers — ne peut se passer d’une assurance santé. Pour les assureurs comme pour les assurés, elle est devenue incontournable.

Des tarifs d’avant la crise

«Oui, les tarifs tendent à revenir à peu près à ceux pratiqués avant la crise», confie un professionnel du secteur à Ici Beyrouth. «En 2020, toutes les compagnies ont baissé leurs primes de 30 à 40 %. Une erreur. Depuis, nous accumulons les pertes, entre l’augmentation des tarifs hospitaliers, des honoraires des médecins et l’absence de soutien de l’État pour les médicaments, notamment contre le cancer et les consommables médicaux. Tout cela alourdit la facture de santé.»

Pour contenir cette flambée, les assureurs négocient sans cesse les nouveaux tarifs imposés par les hôpitaux, augmentent les remises sur volume, multiplient les évaluations de dossiers afin d’éviter les examens ou hospitalisations inutiles. Ils élaborent également des projections actuarielles fondées sur les données de sinistres, le vieillissement de la population et les avantages liés à la «Réglementation de référence du secteur de l’assurance (General Regulation – GR)», qui influent sur les primes futures.

La CNSS progresse, mais lentement

La CNSS a, elle aussi, progressivement amélioré sa part de prise en charge, sans toutefois retrouver les conditions de 2019, souligne une autre source du secteur de l’assurance. Les raisons sont multiples: tarifs spécifiques pour les maladies chroniques, barème bien inférieur à celui des hôpitaux, et suppression des subventions publiques. Résultat: la part restant à la charge des assureurs pour les affiliés CNSS demeure largement supérieure à celle d’avant 2020.

Une légère amélioration s’est tout de même dessinée en 2025. Plusieurs compagnies recommencent à demander des devis de contrats médicaux incluant la CNSS, dans l’espoir de contenir les coûts et de freiner la hausse des primes, alors que le ratio de sinistralité et les tarifs médicaux continuent de grimper.

Avant la crise, la réduction accordée aux assurés choisissant une formule co-CNSS (avec CNSS) était importante, grâce à la part substantielle assumée par la caisse dans la facture hospitalière. Aujourd’hui, malgré un léger mieux, cette réduction ne dépasse pas 10 à 12 % en moyenne, loin des 22,5 à 25 % d’autrefois.

Une couverture encore très éloignée des besoins réels

Malgré les ajustements annoncés, la couverture de la CNSS reste largement inférieure aux tarifs du marché, notamment pour :

  • les médicaments, dont une grande partie n’est pas prise en charge, avec des remboursements dérisoires ;
  • les prothèses, valves et dispositifs chirurgicaux, encore très mal remboursés ;
  • de nombreux actes chirurgicaux, dont la couverture ne dépasse pas 10 % dans les hôpitaux universitaires et atteint à peine 10 à 15 % dans certaines structures privées ;
  • les traitements avancés de chimiothérapie et radiothérapie, encore loin des tarifs réels.

Dans un marché où les prix augmentent plus vite que les capacités de couverture, assureurs et assurés naviguent dans un équilibre toujours précaire. Le redressement du secteur dépendra, plus que jamais, de la capacité de la CNSS à combler l’écart qui la sépare encore des besoins réels des patients.

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