Covid long: de nouvelles pistes pour réparer le cerveau
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Troubles de la mémoire, fatigue mentale, difficultés à se concentrer: le Covid long laisse souvent des traces sur le cerveau. Entre rééducation cognitive, stimulation cérébrale et réalités biologiques, la science démêle aujourd’hui pistes prometteuses, limites et certitudes.

Depuis l’apparition du Covid-19, un nombre croissant de patients témoignent de séquelles qui persistent bien après la disparition de l’infection aiguë. Parmi elles, les troubles neurologiques inquiètent : perte de mémoire, difficulté à trouver ses mots, sensation de brouillard cérébral, fatigue persistante. Selon les données publiées par Santé publique France, près de 30 % des personnes touchées par le Covid long rapportent au moins un symptôme d’ordre cognitif ou neurologique plusieurs mois après l’infection initiale.

Mais d’où viennent ces troubles? La recherche progresse vite et les études s’accordent désormais sur un point: ces symptômes ne sont ni imaginaires ni simplement psychologiques. Plusieurs travaux récents, notamment ceux de l’Institut Pasteur, montrent que le virus peut provoquer des modifications de l’activité des neurones, notamment dans le tronc cérébral. Parfois, des traces du virus ou de ses effets persistent longtemps dans le système nerveux, ce qui pourrait expliquer la durée des symptômes. D’autres études, publiées dans la revue scientifique Brain, montrent que l’on retrouve chez certains patients des marqueurs d’inflammation cérébrale, voire des perturbations du métabolisme neuronale proches de celles observées dans certaines maladies neurodégénératives.

Ces découvertes légitiment la recherche de traitements et de prises en charge adaptés. Depuis 2023, de nouvelles pistes sont testées en France, en Europe et aux États-Unis pour réparer ou améliorer les capacités cognitives après un Covid long. Parmi elles, l’entraînement cognitif intensif fait beaucoup parler de lui. Cette méthode, inspirée de la rééducation motrice post-AVC, propose des exercices réguliers et personnalisés visant à stimuler la mémoire, l’attention et les fonctions exécutives. Une étude pilote publiée en 2025 dans le Journal of Neurorehabilitation a ainsi montré que certains patients observaient une amélioration significative de leur concentration et de leur rapidité mentale après six semaines d’entraînement adapté.

Stimulations spécifiques

D’autres équipes vont plus loin et explorent la stimulation cérébrale non invasive. Il s’agit ici d’utiliser des impulsions électriques ou des ultrasons doux pour activer, de façon ciblée, certaines régions du cerveau. Une étude menée sur des patients souffrant de «brain fog» a par exemple identifié un déficit particulier au niveau de l’insula droite, une zone impliquée dans la perception et la conscience de soi. En appliquant des stimulations spécifiques sur cette région, les chercheurs ont observé, chez certains patients, une amélioration des capacités perceptives et cognitives. Ces résultats, publiés sur la plateforme arXiv en 2025, ouvrent de nouvelles perspectives: il pourrait, à terme, être possible de proposer des traitements personnalisés en fonction du profil cérébral des patients.

Parmi les approches plus originales, la stimulation par vibrations ou par sons dans la gamme gamma est aussi testée. Un essai pilote publié dans Frontiers in Cognition rapporte des améliorations sur la fatigue et la mémoire, mais l’échantillon reste très réduit. Enfin, la rééducation classique, basée sur l’accompagnement psychologique, la gestion du stress, l’activité physique et la reprise progressive des activités intellectuelles, demeure une base indispensable.

Mais la prudence reste de mise. Un grand essai américain, le programme Recover-Neuro, a comparé trois approches différentes chez plus de 300 patients: entraînement cognitif en ligne, rééducation structurée, et stimulation cérébrale non invasive. Après dix semaines, aucune de ces méthodes n’a montré de bénéfice net par rapport au simple accompagnement classique. Les chercheurs insistent : beaucoup d’études restent de petite taille, à court terme, ou manquent de groupe témoin. Le Covid long se manifeste aussi de façon très variable d’un patient à l’autre, ce qui complique la mise au point d’un traitement universel.

Malgré ces limites, la recherche avance. Les approches testées aujourd’hui permettront de mieux cibler demain les causes exactes des troubles cognitifs, et d’affiner les traitements. Déjà, l’idée d’une rééducation cérébrale globale, combinant exercices, stimulation ciblée, soutien psychologique et suivi au long cours, s’impose comme une priorité dans la prise en charge du Covid long. Pour de nombreux spécialistes, la clé réside dans une approche multidisciplinaire, alliant neurologie, psychologie, médecine physique et implication active des patients.

Rien n’est encore acquis, mais chaque avancée, chaque découverte, rapproche un peu plus les patients d’une vie normale. Pour beaucoup, il s’agit moins de «réparer» le cerveau que de lui offrir de nouvelles stratégies pour compenser, contourner ou apaiser les séquelles laissées par le virus.

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