Une réunion empreinte de prudence a réuni le ministre des Finances, Yassine Jaber, et une délégation de l’Association des banques du Liban (ABL), consacrée à l’examen des points liés au projet de la Gap Law. Les discussions se sont concentrées sur la manière dont les banques, l’État libanais et la Banque du Liban pourraient couvrir cet écart, ainsi que sur la réévaluation de la situation des banques à partir des dispositions de la loi sur la restructuration bancaire et la détermination des pertes. Cette réunion faisait suite à l’« orageuse » rencontre tenue récemment au ministère des Finances, qui avait mis en évidence un désaccord manifeste entre l’ABL et le ministre Jaber. Celle de ce matin, décrite par des sources comme moins tendue sur la forme, n’a rien changé sur le fond : aucune convergence sur plusieurs points concernant la loi sur la Gap Law et la restructuration des banques.
À ce stade, rien ne laisse présager une issue positive concernant l’approche du gouvernement sur la Gap Law et la restructuration du secteur bancaire, tant celle-ci est alignée sur les exigences du Fonds monétaire international. Le gouvernement et son ministre des Finances persistent à revenir au point de départ dans la description de la crise actuelle, bien que Jaber ait informé les participants que l’exécutif reconnaît désormais que la crise que traverse le Liban diffère des précédentes : elle englobe l’ensemble du système bancaire, le gouverneur de la Banque du Liban s’étant retrouvé au cœur du problème. Cela en fait une crise systémique nécessitant des mesures et législations exceptionnelles, bien éloignées des crises bancaires classiques. Mais malgré cette reconnaissance « verbale » d’une crise « systémique », rien de tout cela ne se retrouve à ce jour dans un texte écrit, que ce soit la Gap Law ou celle sur la restructuration des banques, alors même que le gouverneur de la BDL, Karim Souhaid, avait déjà confirmé cette qualification dans l’une de ses principales analyses juridiques.
Le gouvernement s’obstine à éviter, dans le texte de la loi, toute mention du caractère systémique de la crise, conformément aux recommandations et exigences du FMI, afin de se dédouaner de ses responsabilités dans le coût de la crise et les dettes qui en découlent — lesquelles ne sont rien d’autre que les obligations de la BDL envers les banques, donc les dépôts des déposants.
Parmi les nouvelles « innovations » imposées par le FMI figure également la proposition avancée par le ministre des Finances lors de sa dernière réunion avec l’ABL : mener un audit juricomptable (forensic audit) rétroactif des comptes des banques, sans critères définis, en vue d’un « classement supplémentaire » des dépôts. L’objectif implicite : chercher des arguments non scientifiques et non juridiques pour reclassifier les dépôts et en annuler une partie. Le gouvernement, sous l’impulsion du FMI, cherche à réduire la Gap Law à tout prix — ce qui signifie, mécaniquement, effacer plus de dépôts. À ce stade, de nombreuses questions se posent sur le rôle passé de la Commission de contrôle des banques, dirigée à l’époque par Samer Hammoud, aujourd’hui conseiller du ministre des Finances et chef de file du « chantier d’audit » des banques. Où était donc cette commission ? Et ne devrait-elle pas être tenue pour responsable ?
Après les controverses suscitées par cette exigence du FMI dans le cadre de ses remarques préliminaires sur la Gap Law, le ministre Jaber a ajusté sa position : lors de la réunion d’aujourd’hui, il a proposé, devant l’ABL, non plus un audit juricomptable mais une évaluation des actifs bancaires — toujours sans critères ni mécanisme clair. Résultat : une approche opaque et confuse.
Quant à la position du FMI visant à éliminer les capitaux propres des banques, à leur faire supporter la totalité des pertes et à exonérer l’État de toute responsabilité — ce qui revient de facto à sacrifier les dépôts des épargnants —, elle reste inchangée. Les divergences entre Yassine Jaber et l’Association des banques demeurent manifestes, tant sur le projet de la Gap Law et la restitution des dépôts que sur les amendements relatifs à la loi de restructuration bancaire.



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