Les banques et les déposants sont dans le même camp et tous deux sont détenteurs de droits, puisqu’ils sont les créanciers de l’État et de la Banque du Liban. Il est impossible de les écarter dans l’élaboration de solutions, ni de les tenir pour responsables d’une crise provoquée par l’État à travers ses politiques financières et ses dépenses anarchiques. L’État est le principal bénéficiaire de la crise.
Alors que l’effondrement financier se poursuit et que les pertes continuent de s’aggraver sans qu’un mécanisme clair de répartition ne soit encore fixé, l’attention se tourne de nouveau vers les négociations toujours en suspens entre le gouvernement libanais et le Fonds monétaire international (FMI), dans un contexte de divergences officielles quant à la manière d’aborder la crise et de restructurer le secteur bancaire.
Le FMI ne tient pas compte de la spécificité complexe de la situation libanaise, fondamentalement différente des expériences d’autres pays, et l’application stricte de ses recommandations pourrait conduire à détruire ce qui reste du secteur financier. Dans ce contexte, la question du futur des banques libanaises revient avec force, de même que les projets de leur restructuration ou de leur remplacement par de nouvelles institutions, ce qui inquiète les déposants et les employés du secteur et soulève des interrogations sur le réalisme de ces propositions et leur capacité à restaurer la confiance.
À ce sujet, l’ancien ministre de l’Économie, Raed Khoury, explique dans un entretien avec « Houna Lubnan » que « l’approche du FMI à l’égard de la crise libanaise, qui consiste à faire supporter la majeure partie des pertes au secteur bancaire et à faire disparaître les capitaux, les banques et les dépôts pour préparer la création de nouvelles banques, demeure une proposition théorique éloignée de la réalité libanaise ». Khoury affirme que « le FMI cherche effectivement à faire porter au secteur bancaire l’essentiel des pertes, mais cela ne signifie en aucun cas que le Liban suivra aveuglément ses propositions. Chaque pays a sa propre spécificité, et il est impossible de transposer des solutions externes sur une réalité fondamentalement différente comme celle du Liban.
Il ajoute : « La priorité aujourd’hui est l’unification de la position libanaise entre le ministère des Finances, le ministère de l’Économie, la Banque du Liban, l’Association des banques et la présidence du Conseil des ministres. Le FMI traite avec un seul État, pas avec des parties en conflit. Plus la position interne est cohérente et unifiée, plus les négociations sont solides et fructueuses. L’expérience a démontré que le FMI a modifié plusieurs fois ses positions lorsque la partie libanaise l’a confronté avec des arguments logiques et une vision claire servant l’intérêt de l’économie nationale. »
Khoury souligne que le FMI « n’est pas une autorité pouvant imposer ses décisions, mais une partie prenante à une négociation fondée sur le dialogue », insistant sur le fait que « le Fonds lui-même reconnaît que la crise libanaise est sans précédent dans l’histoire financière contemporaine : jamais le monde n’a connu un effondrement simultané de l’État, de la banque centrale et du secteur bancaire comme au Liban ».
Il poursuit : « Ainsi, le FMI ne peut appliquer au Liban des formules préconçues qu’il a adoptées dans d’autres pays comme l’Argentine ou la Grèce, car les contextes sont complètement différents. En Argentine, par exemple, la banque centrale n’a pas fait faillite et n’a pas fait défaut, tandis qu’au Liban la situation est bien plus complexe et imbriquée. »
Concernant les conséquences d’une éventuelle liquidation des banques existantes ou de leur substitution par de nouvelles institutions, Khoury estime que « cette proposition est catastrophique et destructrice, car elle entraînerait une rupture des relations avec les banques correspondantes à l’étranger et la fermeture des comptes internationaux, ce qui paralyserait entièrement l’activité financière et économique du pays. De plus, la création de nouvelles banques ne serait pas une solution magique, car rétablir la confiance et les relations internationales prend des années. » Il souligne que « les banques libanaises ne sont pas de simples institutions financières : elles constituent un pilier fondamental de l’économie nationale, rassemblent environ 15 000 familles d’employés et disposent d’une expertise accumulée depuis des décennies. Une telle structure ne peut être effacée d’un trait de plume ou par un projet improvisé. »
Concernant la loi de restructuration des banques, Khoury précise que « la loi a été adoptée par le Parlement après qu’un recours partiel a été accepté, ce qui l’a rendue exécutoire. En pratique, elle est liée à l’adoption de la loi sur le gap financier, encore en discussion entre le gouvernement et le FMI. » Il ajoute : « La modification du projet en Conseil des ministres puis son renvoi au Parlement révèlent un dysfonctionnement dans le respect du processus institutionnel. »
Khoury critique vivement l’exclusion des représentants du secteur bancaire et des déposants des discussions relatives à l’avenir du secteur, déclarant : « Les banques et les déposants sont dans le même camp et tous deux sont détenteurs de droits, puisqu’ils sont les créanciers de l’État et de la Banque du Liban. On ne peut les contourner dans l’élaboration de solutions, ni les rendre responsables d’une crise provoquée par l’État et ses politiques financières et dépenses anarchiques. » Il ajoute : « L’État est le principal bénéficiaire de la crise, puisqu’il a réduit sa dette en dollars (eurobonds de 33 milliards de dollars) et en livres libanaises de plusieurs milliards supplémentaires, en plus de la baisse des salaires du secteur public, alors que ce sont les déposants et les banques qui ont payé le véritable prix. »
Khoury conclut en affirmant que « toute approche sérieuse de la crise doit se fonder sur le dialogue et le partenariat avec les détenteurs de droits, à savoir les déposants et les banques. Adopter des lois sans les associer revient à les mépriser et à bafouer la justice. Des solutions unilatérales ne rétabliront pas la confiance ; elles approfondiront l’effondrement et maintiendront le Liban dans une spirale de perte de crédibilité. »



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