Le Centre de coordination militaro-civile (CCMC) installé à Kiryat Gat, en Israël, est devenu le symbole le plus visible de l’implication internationale dans la phase post-guerre de Gaza.
Inauguré mi-octobre 2025, il a été mis sur pied par les États-Unis dans le cadre du plan de paix parrainé par Washington pour superviser l’aide humanitaire, la reconstruction et le respect du cessez-le-feu.
Selon le communiqué officiel du Commandement central des États-Unis (CENTCOM), publié le 21 octobre, «le CCMC est conçu pour soutenir les efforts de stabilisation. Le personnel militaire américain ne sera pas déployé à Gaza mais facilitera le flux d’assistance humanitaire, logistique et sécuritaire vers la bande».
Environ 200 soldats américains spécialisés en transport, planification et ingénierie ont établi le centre sous la direction du lieutenant-général Patrick Frank.
Une mission internationale sous commandement américain
D’après le quotidien israélien Yedioth Ahronoth, la base est supervisée par le lieutenant-général américain Patrick Frank, avec l’ancien ambassadeur des États-Unis au Yémen, Steve Fagin, chargé de la coordination civilo-militaire pour le Département d’État.
Le secrétaire d’État Marco Rubio, qui était en visite sur les lieux aux côtés du général israélien Yaki Dolf vendredi dernier, a qualifié le travail mené de «mission historique», soulignant que «l’aide doit être livrée sans détournement et la force de stabilisation mise en place avant toute reconstruction substantielle».
Le centre abrite, aux côtés des militaires israéliens, des contingents venus de France, d’Espagne, d’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Australie, de Grèce, de Jordanie et des Émirats arabes unis, ainsi que des représentants du CICR et d’organisations humanitaires.
Toujours selon Yedioth Ahronoth, deux affiches géantes présentant le plan de 20 points de Donald Trump pour Gaza ornent la salle d’opérations, où des écrans affichent en continu des images de convois et des rapports sur les besoins en nourriture, eau et médicaments.
Une présence américaine qui transforme Kiryat Gat
Dans les rues de Kiryat Gat, cette nouvelle réalité ne passe pas inaperçue. Le Jerusalem Post décrit les soldats américains «en tenue de camouflage, défilant entre les stands de shawarma et les magasins de sport», devenus partie intégrante du décor. Cafés et restaurants «travaillent jour et nuit» pour nourrir les nouveaux arrivants.
Le maire, Kfir Swisa, a déclaré que la ville accueillait «à bras ouverts» ce personnel étranger, voyant dans cette installation un «atout sécuritaire et économique». Mais plusieurs habitants craignent que la présence du CCMC ne transforme Kiryat Gat en cible stratégique pour le Hamas, l’Iran ou les Houthis. Le Jerusalem Post révèle que sur les réseaux sociaux, certains évoquent même un «nouvel ordre mondial», reflet des inquiétudes sur le rôle américain grandissant.
Un mandat encore flou et des critiques israéliennes
Pour les autorités israéliennes, l’arrivée du CCMC est un tournant ambivalent : un outil de coordination utile, mais aussi une source potentielle de contraintes. Le quotidien Israel Hayom souligne que «le centre reste complètement flou quant à la manière dont il aidera Israël à atteindre ses objectifs fondamentaux à Gaza», en particulier la démilitarisation du Hamas et la lutte contre la contrebande d’armes.
Mais il y a des craintes que le mécanisme international n’entrave la liberté d’action de l’armée israélienne et ne pousse Israël à privilégier la concertation diplomatique au détriment d’opérations militaires préventives. Amit Halevi, un député du Likoud, a ainsi demandé que la Knesset établisse un contrôle parlementaire spécifique pour éviter que le secret entourant le CCMC ne serve de «paravent» à des activités contraires à la sécurité nationale.
Le dilemme de la reconstruction et du désarmement
Pendant que la structure internationale prend forme, le Hamas consolide son pouvoir à Gaza. Le dirigeant Khalil al-Hayya a confirmé que son mouvement ne renoncerait pas à ses armes tant que «l’occupation perdurera».
Cette position, répétée publiquement, fragilise la perspective d’une réelle démilitarisation, pourtant au cœur du plan américain.
Le CCMC, censé veiller au respect du cessez-le-feu et à l’acheminement de l’aide, risque donc de devenir un instrument de gestion plutôt que de transformation : un mécanisme d’observation sans véritable levier coercitif sur le terrain.
Un symbole des limites de l’ingérence internationale
Le CCMC incarne la nouvelle internationalisation du dossier gazaoui. Comme le note Yedioth Ahronoth, «le commandement américain conduit, les alliés suivent et Israël héberge».
S’il peut fluidifier la logistique humanitaire et garantir la transparence de l’aide, son efficacité dépendra de la clarté de son mandat et de la capacité des puissances impliquées à concilier sécurité, gouvernance et reconstruction.
Tant que ces équilibres resteront précaires, le hangar de Kiryat Gat demeurera moins un instrument de paix qu’un laboratoire des tensions entre souveraineté israélienne et gestion multilatérale du conflit.




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