DMLA: une puce sous-rétinienne rallume l’espoir
Un espoir pour les personnes atteintes de DMLA. ©Shutterstock

Privés de vision centrale, les patients atteints de DMLA voyaient le monde s’effacer. Une micropuce photovoltaïque implantée sous la rétine bouleverse la donne, rendant une partie de la lumière à ceux pour qui elle semblait à jamais perdue.

Perdre la vision centrale, c’est voir le cœur du monde devenir une tache floue, puis noire, jusqu’à ne plus distinguer le visage d’un proche ou les lignes d’un livre. Cette détresse silencieuse est le lot de plus de 200 millions de personnes à travers le monde: la Dégénérescence maculaire liée à l’âge, ou DMLA, est aujourd’hui la première cause de malvoyance chez les plus de 60 ans, un peu partout dans le monde. Cette pathologie ronge la macula, ce minuscule centre de la rétine où se loge la vision des détails. Pour la forme dite «atrophique», la plus fréquente et la moins accessible aux traitements, la science restait impuissante. Mais depuis l’automne 2025, un espoir parcourt la communauté médicale et les associations de patients. Une perspective technologique, longtemps reléguée à la science-fiction, fait irruption dans le réel et s’incarne dans une micropuce, une chirurgie de précision et la promesse de rendre à certains la lumière perdue.

Une révolution sous la rétine

Le dernier chapitre de cette aventure scientifique s’écrit en plusieurs langues et sur deux continents. L’essai clinique multicentrique publié dans le New England Journal of Medicine (Holz et al., 2025) rassemble des chercheurs et médecins de l’Institut de la vision (Inserm/CNRS/Sorbonne Université), de la Fondation Adolphe de Rothschild, de l’Hôpital national des Quinze-Vingts, de l’université Stanford et de la société américaine Science Corporation. Trente-huit patients, âgés en moyenne de 78,9 ans, ont été recrutés dans 17 centres répartis sur cinq pays européens, dont de grands centres français à Bordeaux, Créteil, Lyon, Marseille et Nantes. Cette étude s’inscrit dans la suite d’une première série ayant déjà inclus quatre patients: ce sont donc 42 personnes qui, à ce jour, ont reçu l’implant Prima.

Le dispositif Prima cristallise vingt ans de recherche fondamentale et appliquée. Conçue par Daniel Palanker à Stanford, la puce photovoltaïque se présente sous la forme d’un carré de silicium de deux millimètres de côté, épais de 30 microns, et portant 378 électrodes minuscules. L’implantation, réalisée sous anesthésie locale ou générale, ne dure qu’une à deux heures. Une fine incision permet de glisser la puce sous la rétine, dans la région maculaire. L’absence totale de fil ou de connectique externe distingue cette génération d’implants des précédentes: rien ne sort de l’œil, tout se joue dans l’invisible.

C’est dans la vie quotidienne que la révolution s’opère vraiment. Dès le réveil, le patient s’équipe d’une paire de lunettes de réalité augmentée, dotée d’une caméra miniature. Cette caméra filme en continu l’environnement. Les images, transmises à un petit ordinateur de poche, sont traitées par un algorithme qui améliore le contraste, adapte la luminosité et permet un grossissement optique jusqu’à douze fois. Le flux vidéo est ensuite converti en faisceaux infrarouges, qui sont projetés en temps réel sur la puce sous-rétinienne. La lumière infrarouge, captée par les 378 électrodes, déclenche la conversion photovoltaïque: la lumière devient électricité, qui va stimuler directement les neurones rétiniens survivants, court-circuitant les photorécepteurs morts. Le signal ainsi généré remonte ensuite le nerf optique vers le cerveau, où l’image est de nouveau interprétée.

Des résultats encourageants

Les résultats obtenus à ce jour confirment la rupture attendue. Un an après l’implantation, 81% des patients ont pu lire au moins dix lettres supplémentaires sur l’échelle d’acuité ophtalmologique standard, certains jusqu’à 59 lettres. La vision périphérique, précieuse pour le déplacement, demeure intacte. Pour la première fois, il est démontré qu’une vision centrale fonctionnelle, bien que stylisée et encore incomplète, peut être restaurée chez des personnes atteintes de DMLA atrophique avancée. L’amélioration n’est ni miraculeuse ni totale, mais elle bouleverse la trajectoire d’une maladie réputée sans espoir thérapeutique. Selon le professeur José-Alain Sahel, co-signataire de l’étude et pionnier de la recherche, il s’agit «d’un saut technologique et clinique majeur, ouvrant la voie à de futures innovations».

Le succès du Prima tient à la conjonction de plusieurs avancées scientifiques. La miniaturisation extrême a permis de rendre l’implant compatible avec la structure fragile de la rétine humaine. L’effet photovoltaïque garantit une alimentation de la puce sans fil ni batterie. L’intelligence algorithmique, embarquée dans l’ordinateur de poche, optimise le signal pour le rendre compréhensible au cerveau. Et la neurostimulation sélective permet d’activer, point par point, les cellules nerveuses aptes à transmettre l’information visuelle. C’est cette hybridation entre physique, électronique, informatique et biologie qui fait du Prima une première mondiale.

Mais la prouesse technique ne doit pas faire oublier les défis que pose cette innovation. La vision obtenue grâce à la puce reste stylisée, proche d’un contour ou d’une image schématique. Les patients doivent suivre une rééducation intensive, apprendre à exploiter ce nouveau flux sensoriel, à redéfinir leurs repères.

La frontière entre l’humain et la machine se redessine désormais à l’intérieur même de l’œil. Grâce à ce pont de silicium, la lumière – symbole d’autonomie et de dignité – revient sous une forme inédite à ceux qui l’avaient perdue.

Si l’aube d’une nouvelle ère s’annonce pour la DMLA atrophique, elle demande encore du temps, de la vigilance et du dialogue entre science, médecine et société. Mais pour la première fois, la nuit (annoncée) n’est plus une certitude.

Sources:

- Holz FG et al., The New England Journal of Medicine, 2025

- Sciences et Avenir, 20 octobre 2025

- Communiqué de l’Inserm, octobre 2025

 

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