
Ultrafondeur libano-français au cœur immense, Ali Samir Wehbi remet le dossard de l’impossible: 50 marathons en 50 jours, cap plein sud vers La Mecque. Un défi sportif, une prière en mouvement et un message d’espoir porté aux familles d’enfants autistes.
Il a traversé des déserts où le silence cogne, apprivoisé des nuits polaires où le gel mord, et s’est entraîné… dans des chambres froides de supermarché pour apprêter son corps à l’Arctique. Vingt-et-un ans qu’Ali Wehbi repousse les lignes blanches de l’endurance. L’«International Lebanese Desert Runner» a avalé plus de dix-huit mille kilomètres aux quatre coins du globe, flirté deux fois avec la mort – une fois dans le désert, une autre au pôle Nord –, signé un record Guinness sur la traversée la plus rapide du Liban, bouclé cinq tours complets du pays et longé tout le littoral libanais, deux cent quarante-cinq kilomètres avalés d’une traite en trente-neuf heures. Le palmarès force le respect; le personnage, lui, impose l’admiration.
Le sens avant la performance
Chez Ali Wehbi, la performance n’est jamais nue: chaque foulée porte une cause. Après la perte de sa mère emportée par un cancer, la course est devenue son langage contre le désespoir. Il a couru pour la sensibilisation au cancer, pour la paix, pour l’autisme. À Ici Beyrouth, il confie: «Je ne cours ni contre le chrono ni contre les autres. Je cours pour des visages, des histoires, des familles. Quand les jambes brûlent, ce sont ces prénoms qui me tirent vers l’avant.» «Je ne suis pas Superman, ajoute-t-il. Je suis un homme qui a mal, qui doute, mais qui avance. L’endurance, ce n’est pas la perfection: c’est la persévérance.»
Cinquante jours, cinquante enfants
Son prochain défi est le plus chargé de sens: relier Beyrouth à La Mecque en cinquante marathons sur cinquante jours consécutifs. Le coup d’envoi est prévu le 2 avril 2026: plus de deux mille cent kilomètres de bitume et de poussière, un ruban qui file du Liban vers la Syrie, traverse la Jordanie et s’enfonce en Arabie saoudite jusqu’aux Lieux saints. Chaque journée, chaque marathon portera le prénom d’un enfant autiste, pour dire aux familles: on vous voit, on vous entend, on est derrière vous. Autour de lui, une équipe aussi légère qu’essentielle – un kinésithérapeute pour réparer, un caméraman pour raconter, un chauffeur-assistant pour huiler la logistique – afin que le coureur garde le cap, le rythme, l’esprit clair. L’expédition, pensée sobre et responsable, prolonge sa mission de Green Runner: sensibiliser au respect des milieux traversés, rappeler que protéger la Terre et protéger les humains relèvent du même souffle. Le tout sera raconté jour après jour, porté à l’écran et sur les réseaux, pour que la trajectoire d’un homme devienne une onde collective.
Courir sous les drones, courir malgré tout
Au Liban, il a appris à composer avec le bruit des drones et le fracas des bombardements. Continuer quand tout invite à s’arrêter: c’est sa marque, cette désobéissance pacifique qui transforme la fatigue en message. Ali Wehbi incarne ce Liban qui refuse la résignation et troque la plainte contre l’action.
Le récit, la trace, la foi
De Beyrouth aux lieux saints, l’itinéraire vaut plus qu’une ligne sur une carte: c’est une marche d’espérance cousue de kilomètres, un enchaînement de départs à l’aube et d’arrivées au crépuscule, où la foi se conjugue à la discipline et à l’organisation. Cinquante marathons en cinquante jours; une distance totale à avaler d’une traite continentale; un final à La Mecque comme un point d’orgue; une cause – l’autisme – qui donne du sens à la souffrance; et une équipe soudée qui, de l’ombre, rend la lumière possible. «Si je peux continuer, alors tout le monde peut», répète-t-il, comme un mantra à partager.
Au bout du macadam, il n’y a pas qu’une Kaaba: il y a cinquante prénoms, cinquante visages, cinquante raisons de croire. Ali Wehbi ne court pas pour grossir un palmarès; il court pour agrandir le cœur. Et, quoi qu’en dise le chrono, c’est souvent la plus belle des victoires.
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