
Cette saison, la frontière entre mode et cinéma s’efface un peu plus. Hommages, inspirations, shows mis en scène comme de vrais films. Les podiums deviennent des plateaux et les collections racontent des histoires dignes du grand écran.
La mode et le cinéma cultivent depuis toujours une fascination réciproque. Lors de la Fashion Week de Milan, en septembre 2025, ce dialogue a pris une ampleur nouvelle. Gucci a choisi de dévoiler sa collection «La Famiglia» non pas par un défilé traditionnel, mais à travers un court-métrage, The Tiger, réalisé par Spike Jonze et Halina Reijn, avec Demi Moore, Julia Garner et Daisy Edgar-Jones. Présenté comme une véritable avant-première cinématographique, le film a transformé chaque silhouette en costume de fiction, chaque mannequin en personnage, invitant le public à regarder la collection comme une histoire.
Ce brouillage des frontières n’est pas inédit, mais il gagne en visibilité et en légitimité. Depuis plusieurs saisons, des maisons expérimentent des formes hybrides, combinant narration cinématographique et dramaturgie du défilé. Pendant la pandémie, la vidéo et le court-métrage s’étaient déjà imposés comme outils de substitution. Mais Gucci franchit ici un cap symbolique: le vêtement n’est plus seulement montré, il est raconté, mis en scène par des cinéastes.
L’inspiration cinématographique ne se limite pas aux dispositifs de diffusion. Elle imprègne aussi l’esthétique même des collections et leur mise en scène. Un exemple devenu emblématique reste celui d’Alexander McQueen et de sa collection «The Overlook», pour l’automne-hiver 1999, dont le nom faisait référence à l’hôtel de The Shining de Stanley Kubrick. La neige artificielle qui tombait sur le podium et l’ambiance inquiétante du décor conféraient au défilé une dimension quasi filmique.
Moments inoubliables
Autre moment inoubliable, en 2006, lors du défilé «Widows of Culloden», McQueen fit apparaître une projection spectaculaire de Kate Moss en robe vaporeuse, surgissant comme une apparition fantomatique au cœur du show. Cette séquence, saluée comme l’une des plus poétiques de la mode contemporaine, empruntait directement au langage du cinéma fantastique.
Nombreux sont les créateurs qui aiment jouer avec ce vocabulaire. Certains défilés se construisent comme de véritables scénarios, avec actes, climax et tension dramatique. Les éclairages, la musique, les rythmes de passage transforment le podium en plateau de tournage. Si toutes les maisons ne suivent pas cette voie, il est devenu courant de voir la mode s’emparer du langage du septième art pour se raconter autrement.
La relation fonctionne d’ailleurs dans l’autre sens. Le cinéma ne cesse de s’inspirer du monde de la mode: films biographiques sur les couturiers, documentaires, ou encore fictions comme Prêt-à-Porter de Robert Altman, tourné pendant la Fashion Week de Paris en 1994, qui faisait du défilé un décor à part entière.
Aujourd’hui, cette convergence s’affirme. Des maisons comme Gucci n’hésitent plus à choisir le film comme médium principal, brouillant les frontières entre l’événement mode et l’expérience cinématographique. Cette hybridation enrichit les deux univers: la mode gagne en intensité narrative et s’ouvre à de nouveaux publics, tandis que le cinéma trouve dans l’audace des créateurs une source visuelle renouvelée.
Sur le catwalk comme à l’écran, l’ambition reste la même: toucher l’imaginaire, provoquer le rêve et inviter chacun à se projeter dans un monde où tout semble possible, le temps d’un défilé ou d’un film.
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