Autoroute de Jounieh: quand le domaine public devient une terre d’appropriation
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L’élargissement de l’autoroute de Jounieh ne se fera pas du jour au lendemain: il nécessitera entre 36 et 40 mois. Mais, comme le dit l’adage, «un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas».

Le financement du projet est assuré, a affirmé le ministre des Travaux publics et des Transports, Ramzi Rasamny, dans une brève déclaration à la presse, sans fournir davantage de détails.

De sources proches du dossier, on indique que Rasamny aurait transféré au Conseil de développement et de reconstruction (CDR) la somme de 40 millions de dollars, prélevée sur le budget de son ministère. Cette somme concerne les travaux d’élargissement de l’autoroute, hors expropriations.

Le projet d’élargissement de l’autoroute de Jounieh concerne le tronçon s’étendant de Nahr el-Kalb à l’échangeur de Tabarja, d’une longueur d’environ 10,5 kilomètres. Il sera réalisé par étapes afin de préserver un minimum de fluidité sur la section parcourue quotidiennement par plus de cent mille véhicules.

Défis de saturation et d’urbanisme linéaire non maîtrisé

Construite dans les années 1970, l’autoroute de Jounieh, qui relie Beyrouth à Tripoli, est saturée depuis de nombreuses années. Chaque jour, elle concentre l’essentiel du trafic, sans aucun projet de contournement pour désengorger l’axe principal. Faute de transports publics structurés, les déplacements des habitants de la région et de ceux qui y transitent en provenance des localités du nord du Liban s’effectuent en voiture particulière, générant un trafic pendulaire marqué par de lourds embouteillages aux heures de pointe, le matin comme le soir.

À cela s’ajoute un urbanisme linéaire non maîtrisé: maisons, commerces et industries se sont multipliés sans planification le long de l’axe, compliquant la circulation et bloquant toute marge d’aménagement pour l’avenir.

Un bloc d’expropriations limité mais nécessaire

Le plan d’agrandissement de l’autoroute est prêt depuis 2006, mais les autorités n’ont jamais franchi le pas. Aujourd’hui, sa mise en œuvre implique l’expropriation complète de 5 propriétés et partielle de 29 autres. Les indemnités, calculées en 2018, avoisinent les 35 millions de dollars. Largement érodées par l’inflation et la dévaluation de la livre, elles sont actuellement réévaluées par le CDR.

En attendant, la première phase, lancée à la mi-août pour un mois, vise à dégager le domaine public de tous les empiètements privés – constructions bâties ou non, commerces, kiosques, tentes – le long de l’espace routier. La municipalité de Jounieh s’associe au ministère des Travaux publics pour remettre de l’ordre sur la voie et freiner un urbanisme non maîtrisé, tout en préparant le terrain pour la future autoroute.

Le domaine public grignoté de toutes parts

Sur instruction du procureur général près la Cour d’appel du Mont-Liban, Sami Sader, la municipalité de Jounieh a lancé une opération de régularisation des établissements commerciaux, bâtis ou non, en les sommant de présenter onze documents attestant de la légalité de leur situation. Un délai de quinze jours leur a été accordé, avant que leurs locaux ne soient fermés, puis, dans une phase ultérieure, évacués à l’aide d’un tracteur. Ainsi, soixante établissements ayant empiété sur le domaine public de la voie ouest ont été fermés, tandis que soixante-douze autres sur la voie est ont subi le même sort. Il convient de rappeler que la grande majorité des empiètements sur le domaine public relève de la juridiction de la municipalité de Jounieh.

Répondant à une question d’Ici Beyrouth, une source de la municipalité de Jounieh, ayant requis l’anonymat, a indiqué que les personnes en situation illégale n’ont droit à aucune indemnité ni compensation, puisqu’elles sont, par définition, en infraction avec la loi. Mais, chaque cas susceptible de régularisation sera étudié, a-t-on ajouté de même source.

Plan directeur et réorganisation

L’exécution du projet transformera profondément la morphologie et les caractéristiques de la route côtière. Le plan directeur prévoit l’aménagement de quatre voies par sens sur une chaussée bidirectionnelle, séparée par un terre-plein central: trois voies principales et une voie de service entièrement distincte, destinée à faciliter l’accès aux localités de Sarba, Adma, Haret Sakhr, Zouk Mikaël et Ghadir.

Sur le plan de la géométrie routière, des bretelles d’entrée et de sortie, judicieusement dimensionnées et espacées d’environ 500 mètres, viendront fluidifier la circulation. Le nivellement des chaussées à l’est et à l’ouest sera harmonisé, à l’exception du tronçon situé après le pont Fouad Chéhab, où un écart de 600 mètres subsistera pour des raisons techniques.

Côté ouvrages d’art, six structures existantes seront démantelées ou réaménagées, tandis que neuf nouvelles passerelles piétonnes seront construites.

Si le projet d’élargissement de cette autoroute venait à aboutir, il constituerait un exemple de référence en ingénierie routière, alliant capacité, sécurité, entretien et intégration urbaine.

 

 

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