
Silicone, polymères, biostimulateurs… les injections «durables» promettent des miracles, mais exposent à de graves risques: inflammations, migration, nodules irréversibles. Interdites en France, tolérées au Liban, elles laissent parfois des séquelles à vie. Toute promesse de durée excessive doit alerter, comme le rappelle le Pr Roland Tomb, doyen honoraire de la Faculté de médecine de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, dermatologue et allergologue à l’Hôtel-Dieu de France.
Le rêve d’un visage parfait, sans retouche, pour des années – voire pour la vie. Depuis les années 1980, les produits injectables dits «permanents» ou «semi-permanents» ont été présentés comme la solution ultime contre le vieillissement ou les défauts du visage: silicone liquide, gels polymères, microbilles de polyméthacrylate de méthyle (PMMA), polyacrylamide, polyalkylimide… Leur promesse: une correction durable, un volume stable, une «jeunesse figée» sans retour en arrière. Les nouveaux venus dans la famille, dits biostimulateurs (acide polylactique, polycaprolactone, hydroxyapatite de calcium…), sont commercialisés comme «semi-résorbables», vantant un effet volumateur et un réveil du collagène pouvant durer jusqu’à deux ans.
Mais la réalité médicale est tout autre. Ces substances non résorbables ou à résorption très lente s’installent durablement dans les tissus. Contrairement à l’acide hyaluronique, qui disparaît naturellement, ces gels, microbilles ou particules restent présents, avec des conséquences potentiellement graves. La tentation d’une solution «définitive» masque un prix élevé à long terme.
Les complications, parfois dramatiques, sont bien documentées par la littérature médicale:
- Inflammations chroniques: avec le temps, le système immunitaire identifie ces substances comme des corps étrangers, provoquant rougeurs, gonflements, douleurs ou infections à répétition. Ces phénomènes peuvent survenir des années après l’injection initiale.
- Migration: les produits permanents se déplacent souvent dans les tissus, créant bosses, asymétries ou volumes imprévisibles, parfois à distance du site d’injection. Certaines personnes voient apparaître des boules sur la joue ou sous l’œil alors que l’injection avait été faite dans les lèvres.
- Nodules irréversibles (granulomes): véritables masses dures et inesthétiques, ces nodules, parfois douloureux ou inflammatoires, deviennent vite impossibles à traiter sans chirurgie lourde et mutilante. La médecine esthétique rencontre encore aujourd’hui des cas de granulomes apparus dix ou quinze ans après la pose.
- Complications systémiques ou auto-immunes: dans de rares cas, la dissémination des particules peut déclencher des réactions dans d’autres organes, voire des pathologies auto-immunes. Les complications psychologiques, parfois majeures (dépression, repli social), sont souvent sous-estimées.
La plus grande difficulté? Une fois injecté, il est quasiment impossible de retirer totalement un produit permanent sans endommager les tissus, au prix de cicatrices, d’irrégularités, voire de pertes de substance.
Mythe de la stabilité, réalité des dérives
Contrairement aux idées reçues, les produits dits «permanents» ne garantissent ni la stabilité du volume, ni la durabilité esthétique. Le visage évolue: la peau se relâche, la graisse fond, les muscles se modifient, alors que le produit injecté reste figé, ce qui finit par déformer les traits et accentuer les différences avec les zones naturelles. Ce décalage se creuse avec les années, transformant la «solution miracle» en véritable piège.
Les biostimulateurs, eux, ne sont pas sans danger. Acide polylactique, hydroxyapatite de calcium et autres particules «éveillent» le collagène, mais peuvent générer des nodules ou des réactions inflammatoires incontrôlables, notamment si le geste technique est imparfait ou si la surveillance médicale est insuffisante. Là encore, toute promesse de résultat supérieur à 6-9 mois doit alerter: au-delà de cette durée, le risque de séquelles ou d’imprévus augmente.
En France et dans la plupart des pays européens, l’injection de ces produits est formellement interdite. Les sociétés savantes de dermatologie, de chirurgie plastique et de médecine esthétique recommandent avec insistance de ne recourir qu’à des fillers résorbables dont la sécurité est prouvée et le suivi médical assuré.
Au Liban, un marché sans garde-fou
Au Liban, l’absence de réglementation stricte ouvre la porte à toutes les dérives: injections par des praticiens non-médecins, importation de produits non tracés, absence de traçabilité et suivi quasi inexistant. Les réseaux sociaux regorgent d’offres attractives pour des «corrections durables», à des prix défiant toute concurrence. Beaucoup de patients, attirés par la promesse du résultat «définitif», ignorent les risques encourus. Les témoignages de détresse après une migration ou la formation de nodules, parfois impossible à traiter, se multiplient, sans solution réparatrice simple.
Face à cette réalité, l’information et la prudence sont indispensables. Aucun visage ne mérite de porter à vie les stigmates d’un faux miracle esthétique. Seul le choix d’un produit résorbable, injecté par un médecin qualifié, garantit un résultat naturel, évolutif, et surtout réversible en cas d’imprévu.
«Durable» ne veut pas dire sans risque
La tentation d’une correction «définitive» séduit, mais les fillers permanents et semi-permanents exposent à des dangers spécifiques:
- Les substances non résorbables persistent à vie dans les tissus, et peuvent se déplacer, s’enflammer ou s’infecter à tout moment.
- Même les biostimulateurs à action prolongée (acide polylactique, hydroxyapatite de calcium…) ne sont pas sans risques: ils peuvent générer des nodules durs, douloureux et impossibles à dissoudre, surtout si le geste technique est imparfait.
- Aucun de ces produits n’évolue avec le visage: ce qui semble harmonieux à 35 ans peut devenir une anomalie dix ans plus tard.
FAQ – Injections permanentes: questions essentielles
Peut-on dissoudre un produit permanent en cas de problème?
Non. Contrairement à l’acide hyaluronique, les produits permanents ou semi-permanents ne peuvent pas être dissous. Leur retrait nécessite souvent une chirurgie invasive, aux conséquences imprévisibles.
Un résultat permanent est-il vraiment stable dans le temps?
Non. Le visage vieillit, la peau et les volumes bougent: un produit «figé» finit presque toujours par créer des déformations ou des asymétries.
Existe-t-il des produits injectables «sûrs» pour plusieurs années?
Non plus. Toute promesse de durée supérieure à neuf mois doit faire lever le drapeau rouge: cela signifie une résorption très lente, avec un risque accru de complications à long terme.
Pourquoi ces produits sont-ils encore utilisés dans certains pays?
Faute de réglementation et d’information, des marchés moins stricts continuent de proposer ces injections. L’attrait d’une solution définitive l’emporte souvent sur la prudence, au détriment de la sécurité.
Quelles sont les alternatives?
Les seuls fillers recommandés sont ceux à base d’acide hyaluronique, totalement résorbables, injectés par un médecin formé et capables d’être corrigés en cas d’imprévu.
Commentaires