Huile d’olive: une récolte 2025 qui laisse un goût amer
Olives en berne au Liban : récolte 2025 catastrophique, prix de l’huile en hausse. ©Al-Markazia

L’huile d’olive, pilier de la cuisine libanaise et symbole de convivialité, traverse une période critique. La saison 2025 s’annonce désastreuse, avec une production en chute libre qui risque de bouleverser les habitudes alimentaires et de fragiliser encore davantage les cultivateurs déjà éprouvés.

Au Liban, difficile d’imaginer un repas sans un filet d’huile d’olive: elle accompagne le man’ouché du matin, sublime les salades et s’invite dans chaque mezzé. Mais cette année, cet ingrédient essentiel de la table libanaise pourrait bien devenir un produit de luxe. La saison des olives s’annonce exceptionnellement mauvaise, et les répercussions risquent d’être lourdes, tant pour les producteurs que pour les consommateurs.

Une tradition mise à mal

Dans le sud, cœur battant des oliveraies libanaises, la déception est immense. «L’année dernière, nous aurions dû produire entre 500 et 600 bidons d’huile, mais à cause de la guerre, personne n’a pu récolter. Les olives sont tombées et ont pourri. Nous n’avons produit que 60 ou 70 bidons», raconte un grand producteur qui a préféré garder l’anonymat. Cette année, le coup est encore plus dur: «La production prévue ne représentera que 20 à 25% de celle de 2024, déjà historiquement faible du fait des bombardements», poursuit-il.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette crise. D’abord le climat, indique le producteur. L’année a été marquée par un déficit de pluies, empêchant les olives de grossir et de se gorger de jus. Résultat: de petits fruits secs et peu productifs. Deuxièmement, la cyclicité des oliveraies: contrairement à l’Europe, où les récoltes sont plus régulières, le Liban connaît une alternance naturelle entre années d’abondance et années de disette. Malheureusement, 2025 tombe du mauvais côté du cycle. Enfin, les séquelles de 2024: la guerre a privé les cultivateurs de la possibilité de récolter une saison pourtant excellente. Des tonnes d’olives ont été perdues, aggravant les difficultés financières des producteurs.

Une flambée des prix à prévoir

Avec une offre si réduite, les prix de l’huile d’olive devraient grimper en flèche. «L’année dernière, le bidon se vendait à 150 dollars; cette année, il pourrait grimper jusqu’à 200 dollars», affirme le producteur. Or, l’huile d’olive n’est pas un produit de luxe au Liban: c’est un ingrédient de base présent dans presque tous les plats, consommé au quotidien et lors des grandes occasions, profondément ancré dans les habitudes culinaires du pays. Pour de nombreuses familles déjà fragilisées par la crise économique, l’augmentation du prix de l’«or vert» pèsera lourdement sur le budget.

Des cultivateurs à bout de souffle

Cette double peine – pertes massives en 2024 et récolte quasi inexistante en 2025 – met en péril des milliers de familles rurales. Beaucoup vivent exclusivement de la culture de l’olivier, héritée de génération en génération. Sans soutien, certains pourraient abandonner leurs terres, mettant en danger un pan entier du patrimoine agricole et culinaire libanais.

Au-delà de la crise conjoncturelle, c’est l’avenir même de l’huile d’olive libanaise qui se joue. Faute de stratégies d’irrigation modernes, de soutien gouvernemental et de filets de sécurité pour les cultivateurs, le secteur reste à la merci des aléas climatiques et géopolitiques.

Pourtant, l’huile d’olive du Liban, réputée pour sa qualité et son goût fruité, pourrait être une carte maîtresse à l’exportation. Mais il faudra d’abord sauver la filière de l’effondrement.

L’huile d’olive n’aura jamais été aussi précieuse ni aussi menacée. Si rien n’est fait, ce symbole de l’identité libanaise risquera de quitter les tables populaires pour ne subsister que chez une minorité privilégiée. Un scénario qui sonnerait comme une trahison pour un pays dont l’histoire s’écrit depuis des siècles à l’ombre des oliviers.

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