
Un cas d’école… Un fascinant exemple de supercherie et de criante mauvaise foi… C’est ainsi que l’on pourrait qualifier le discours prononcé à la fin de la semaine dernière par le secrétaire général du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, qui a appelé sans sourciller l’Arabie saoudite à «ouvrir une nouvelle page dans les rapports avec la résistance» (!). Et d’ajouter sur un ton innocent que «les armes de la résistance sont dirigées contre l’ennemi israélien et non pas contre le Liban ou toute autre partie dans le monde».
Le chef du parti pro-iranien a peut-être feint d’opérer une ouverture en direction du royaume saoudien parce qu’il aurait perçu des nuages (très) noirs qui s’amoncellent, pour lui, à l’horizon. Si tel est le cas, il s’est montré fort peu convaincant, et encore moins convaincu lui-même! Son discours contraste en effet avec le ton des médias de son parti qui, depuis quelque temps, s’emploient à déverser leur venin sur l’Arabie saoudite. Sa position serait-elle l’expression de divergences partisanes internes, elles-mêmes reflet d’un clivage profond au sein du régime iranien entre aile radicale et courant pragmatique?
La transparence n’étant pas le point fort – loin de là – du Hezbollah et de son tuteur régional, il est difficile de ne pas accueillir avec une bonne dose de scepticisme les propos du «numéro un» du parti pro-iranien. L’on ne peut s’empêcher de relever à cet égard que l’accord de «réconciliation» qui avait été conclu entre l’Arabie saoudite et l’Iran en 2023 sous l’égide de la Chine n’avait pas mis pour autant une sourdine aux attaques iraniennes contre Riyad.
Il est sans nul doute problématique de «tourner la page» aussi facilement, comme le suggère cheikh Kassem, lorsque l’on sait que le mensonge et les manœuvres sournoises ont été érigés en stratégie d’action par le Hezb et son mentor. Le passé et le présent de l’allié des Pasdaran sont particulièrement lourds sur ce plan et sèment le doute sur les prétendues attitudes de conciliation affichées au gré des circonstances…
Le secrétaire général du parti chiite affirme ainsi que «les armes de la résistance ne sont pas dirigées contre le Liban ou toute autre partie dans le monde»… Il a manifestement un trou de mémoire béant sur ce plan… N’est-ce pas lui qui déclarait il y a quelques jours qu’il «n’y aura pas de vie au Liban si le pouvoir s’en prend aux armes de la résistance»?
Pour remonter plus loin dans le passé, faut-il rappeler que c’est en faisant usage de ses armes que le Hezbollah a éliminé dans le sang la première résistance «nationale» de mouvance gauchiste et laïque, formée au lendemain de l’offensive israélienne de juin 1982, comme l’a si bien relevé le député de Saïda, Oussama Saad? Lequel a dénoncé par la même occasion le caractère «confessionnel et sectaire» que le Hezb a donné à sa prétendue «résistance»? Cheikh Naïm Kassem se souvient-il, par ailleurs, de la longue et sanglante guerre que son parti a menée dans les années 1980 contre le mouvement Amal?
Comment s’empêcher, en outre, de rappeler le funeste 7 mai 2008 ainsi que la série noire d’assassinats politiques, de Rafic Hariri à Lokman Slim, en passant par les nombreux ténors de la révolution du Cèdre tués dans des opérations attribuées au Hezb, sans compter les attentats manqués contre May Chidiac et Marwan Hamadé? Peut-on oublier parallèlement que la «résistance» s’est employée pendant des années à déconstruire l’État, à torpiller l’économie nationale en se livrant à la contrebande des produits subventionnés par l’État sur ordre du Hezb?
Sur le plan international, de quelle «résistance» les suppôts des Pasdaran parlent-ils alors qu’ils ont envoyé pendant plus de dix ans leurs jeunes miliciens combattre en Syrie pour sauver le régime tyrannique du clan Assad? L’envoi d’instructeurs au Yémen pour entraîner les Houthis à bombarder l’Arabie saoudite était-il un acte de résistance contre Israël? La mise sur pied de cellules subversives et terroristes au Bahreïn, au Koweït, à Chypre, en Bulgarie, en Allemagne, au Royaume Uni, en France, au Venezuela et en Argentine s’inscrivait-elle dans le cadre de la «résistance» à des milliers de kilomètres de l’État hébreu?
Si nous avons jugé utile de rappeler de tels faits, c’est en réaction, certes, au discours de cheikh Kassem, mais c’est aussi parce que les dirigeants de la formation pro-iranienne nous abreuvent quasi quotidiennement de déclarations mettant l’accent sur la nécessité de préserver la «résistance» dont ils louent les «bienfaits». Et ce, en dépit des conséquences dramatiques d’une telle attitude, comme l’illustrent les liquidations en chaîne de cadres du Hezbollah par l’aviation israélienne ainsi que les raids aériens, de plus en plus fréquents, contre les positions du parti chiite. Mais qu’importe: l’important n’est-il pas que la République islamique mène un combat jusqu’au dernier milicien hezbollahi dans le but de bénéficier d’une carte précieuse de négociation dans la perspective d’un éventuel marchandage géopolitique et économique avec les États-Unis?
Commentaires