
Depuis janvier 2025, plus de 238.000 Syriens ont franchi la frontière libanaise, selon les chiffres actualisés de la Sûreté générale au 11 septembre dernier. Ce jour-là, environ 280 à 300 réfugiés ont quitté le Liban via le poste de Masnaa, à bord de dix bus et dix camions chargés de leurs effets personnels, en route vers Homs, Hama et Idleb, en Syrie. Cette démarche s’inscrit dans le cadre du deuxième convoi du programme pour les retours volontaires organisé sous l’égide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour la migration (OIM), en collaboration avec la Sûreté générale libanaise (SG).
Il faut dire aussi que ces convois symbolisent le début d’un lent retour: le Liban commence enfin à se délester progressivement de ceux qui, depuis le déclenchement de la guerre en Syrie en 2011, pèsent sur ses ressources et son quotidien.Cependant, si l’initiative marque une étape importante, le chemin vers un retour massif, sûr et durable reste encore long.
Pression démographique
Si leur présence n’a, jusque là, jamais été précisément quantifiée (les statistiques n’ayant apparemment pas droit de cité dans une nation qui laisse tout faire et se laisse faire), la Sûreté générale, interrogée par Ici Beyrouth (IB), évoque le nombre approximatif de 1.245.251 déplacés syriens inscrits auprès du HCR et qui, en date du 11 septembre 2025, se trouvaient toujours au Liban. Mais quid de ceux qui ne figurent pas sur les listes de l’instance onusienne? À cette question, ni la Sûreté générale, ni le HCR n’ont apporté de réponse claire.
D’autant plus que les chiffres auraient encore augmenté après l’arrivée au pouvoir d’Ahmad el-Chareh et les affrontements à la frontière syrienne, en décembre 2024, avec environ 199.204 nouveaux Syriens, non-inscrits auprès du HCR, entrés au Liban entre le 8 décembre 2024 et le 10 juin 2025. Selon un responsable de la Sûreté générale, rien que dans la Békaa et à Baalbeck-Hermel, on recense environ 70.000 nouveaux Syriens, contre 45.000 dans le Akkar et dans le nord du pays.
Dans ces régions, les municipalités ne cachent plus leur exaspération: loyers envolés, écoles saturées, dispensaires débordés, concurrence accrue sur un marché du travail déjà ravagé par la crise économique. La cohabitation touche à ses limites et le malaise se fait désormais ressentir jusque dans les milieux syriens au Liban.
Les chiffres le prouvent d’ailleurs: selon Theresa Fraiha, responsable de la communication au HCR, interrogée par Ici Beyrouth, plus de 114.000 déplacés inscrits auprès de l’instance onusienne ont déjà exprimé leur souhait de rejoindre le programme de retour volontaire. Leurs noms figurent actuellement sur une liste d’attente élaborée à cet effet. Reste à savoir quand et dans quelles conditions seront organisés les prochains convois.
Pour y répondre, un responsable de la SG explique à IB qu’«un calendrier de convois a été établi pour faciliter le retour volontaire des déplacés dans les prochaines semaines, depuis différentes régions du Liban vers plusieurs villes et villages de Syrie». Il ajoute: «Nous ne pouvons cependant préciser, à l’heure actuelle, ni le nombre exact de convois restants, ni la date de fin définitive du programme», avant de conclure que «tout dépend du bon respect des mesures fixées par le calendrier susmentionné».
De son côté, Mme Fraiha précise que «pour accompagner ceux qui choisissent de rentrer, le HCR et l’OIM ont renforcé leur assistance afin de garantir un processus sûr, digne et durable. Cela inclut la fourniture d’une aide en espèces, des conseils juridiques ainsi qu’un soutien au transport».
En quoi consiste le programme de retour volontaire?
Le 1er juillet 2025, le programme de retour volontaire, soutenu par le HCR et l’OIM, voit le jour. Il a pour objectif de soutenir les Syriens présents au Liban qui choisissent de leur plein gré de retourner en Syrie et sollicitent une assistance pour le transport. Dans le cadre de ce programme, chaque membre d’une même famille souhaitant rentrer reçoit une aide financière unique de 100 dollars et bénéficie d’un soutien pour le transport et le départ via les points de passage officiels, notamment Arida, Qaa et Masnaa.
De plus, le HCR fournit aux candidats au retour des conseils sur les procédures de sortie, les documents essentiels à présenter, ainsi que des recommandations pratiques pour la préparation au départ. L’OIM, pour sa part, gère le processus de transport, incluant la coordination avant le départ, le dépistage médical si nécessaire, ainsi que l’acheminement des effets personnels.
De son côté, et en vue de favoriser ce retour, la Sûreté générale a publié, le 1er juillet 2025, une circulaire énonçant plusieurs mesures facilitatrices. Il s’agit principalement de la suppression temporaire des amendes liées au séjour irrégulier, ainsi que la levée des interdictions de réentrée, pour une période allant du 1er juillet au 30 septembre 2025.
Selon Mme Fraiha, le programme comporte deux volets. Primo: le retour volontaire «auto-organisé» soutenu par le HCR. Dans ce cas-là, les déplacés connus du HCR et souhaitant rentrer en Syrie peuvent contacter l’organisation afin de recevoir des informations, des services et une aide financière au retour.
Secundo: le retour volontaire «organisé» soutenu conjointement par le HCR et l’OIM. Dans ce cas, les déplacés enregistrés auprès du HCR qui souhaitent rentrer en Syrie peuvent contacter le HCR pour sollicitger des informations, des services et une aide financière au retour, ainsi qu’un appui logistique au transport.
«Les réfugiés reçoivent une subvention en espèces fournie par le HCR et ont donc la possibilité soit d’organiser eux-mêmes leur transport vers la Syrie, soit de rejoindre les convois organisés par l’OIM et le HCR», précise Mme Fraiha, afin de distinguer clairement les deux formules.
Quelles procédures pour un Syrien souhaitant rentrer chez lui?
Interrogé par Ici Beyrouth, un responsable de la Sûreté générale explique que les démarches à suivre par les déplacés inscrits auprès du HCR sont accessibles à tous.
Tout candidat au retour doit d’abord manifester son intérêt en contactant le HCR via une ligne téléphonique dédiée. «Des évaluations individuelles sont organisées par le HCR et permettent d’identifier les besoins particuliers des réfugiés, puis de les orienter vers les services appropriés», explique Mme Fraiha.
Le déplacé est ensuite inscrit sur une liste préétablie servant à planifier les retours volontaires, et une date de départ lui est communiquée. Le jour J, les déplacés se rassemblent en un point central (à Beyrouth, par exemple). Des équipes du HCR et de l’OIM procèdent à de nouvelles évaluations, fournissent des informations pratiques, assurent un accompagnement et distribuent une aide en espèces ainsi que d’autres formes de soutien.
À chaque membre de famille une aide unique de 100 dollars est versée avant le départ, tandis qu’une assistance supplémentaire, pouvant atteindre 400 dollars en Syrie, peut être octroyée par le HCR pour la réintégration. Une fois ces démarches accomplies, les déplacés sont transportés en convois de bus et de camions, via un poste-frontière, jusqu’à leurs destinations finales en Syrie.
Or, malgré ces départs, le Liban reste saturé et sous pression. Plus d’un million de déplacés – rien que parmi ceux inscrits auprès du HCR – continuent de peser sur les infrastructures, les services publics et le marché du travail. Les prochains convois laissent entrevoir un retour progressif, mais encore partiel.
Le programme de retour volontaire offre une bouffée d’air, mais il rappelle surtout l’ampleur du défi: le Liban, déjà éprouvé par plus d’une décennie de crise, doit encore gérer les conséquences d’une présence massive, jamais pleinement encadrée ni quantifiée. Entre chiffres officiels et réalités du terrain, une question persiste: combien de Syriens resteront encore demain, et combien de temps le pays pourra-t-il continuer à supporter une telle pression démographique?
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