
Le Liban et la Syrie mettent en place des comités bilatéraux pour traiter des dossiers sensibles: les Libanais portés disparus en Syrie, les prisonniers syriens détenus au Liban et la délimitation de leur frontière commune. Officiellement annoncée le 1ᵉʳ septembre 2025, cette initiative marque un tournant dans des relations longtemps marquées par des tensions.
Le Liban et la Syrie ont annoncé la création de deux comités conjoints chargés de traiter trois dossiers sensibles: les Libanais portés disparus en Syrie, les prisonniers syriens détenus au Liban et la délimitation de la frontière commune. L’annonce a été faite le 1ᵉʳ septembre 2025, lors de la visite à Beyrouth d’une délégation syrienne composée d’anciens ministres et du président de la Commission nationale syrienne pour les disparus.
Les Libanais disparus: un passé toujours présent
La question des Libanais disparus en Syrie reste une des blessures les plus profondes de l’histoire récente du pays. Depuis la guerre civile libanaise (1975-1990) et l’occupation syrienne (1976-2005), des milliers de Libanais ont été enlevés ou emprisonnés, souvent sans procès ni information sur leur sort. Selon l’ONG SOLIDE, environ 650 Libanais seraient encore portés disparus en Syrie. Les familles, réunies au sein d’associations comme le Comité des familles des personnes kidnappées et disparues au Liban, n’ont cessé de réclamer des réponses. Quelques libérations ont eu lieu ces dernières années, mais de nombreux cas demeurent sans solution.
La création du comité bilatéral constitue donc un espoir fragile, visant à enquêter sur les disparitions, examiner les archives des prisons syriennes, interroger d’anciens responsables et coordonner avec les familles. Des tests ADN sont également envisagés pour identifier les restes retrouvés.
Face aux critiques récurrentes des familles dénonçant un manque de transparence et de volonté politique, le gouvernement libanais affirme avoir placé cette question au cœur des discussions avec Damas. Beyrouth dit reconnaître la souffrance des familles et leur droit à la vérité, et assure que tous les efforts seront déployés pour obtenir le retour des disparus susceptibles d’être retrouvés vivants sur le territoire syrien, selon plusieurs sources.
L’autre côté de la situation
Du côté syrien, environ 2.000 ressortissants sont actuellement détenus au Liban, dont près de 800 pour des motifs liés à la sécurité. Le dossier a pris une nouvelle dimension avec la visite récente d’une délégation sécuritaire et judiciaire libanaise à Damas, qui a marqué une étape importante dans les discussions, selon des sources médiatiques locales. L’objectif de ces rencontres est double: traiter en priorité le sort des prisonniers islamistes arrêtés lors des événements de Dennieh (2000) et de Nahr el-Bared (2007) et clarifier le cadre juridique des extraditions à la lumière des accords bilatéraux existants.
La Syrie souhaite obtenir le rapatriement de prisonniers syriens considérés comme des opposants au régime précédent, tandis que le Liban refuse d’extrader ceux impliqués dans le meurtre de militaires libanais ou autres assassinats politiques. Selon les autorités libanaises, tous les grands crimes tels que les assassinats et les actes de terrorisme ne feront pas l’objet d’extradition. Seules d’autres catégories de crimes seront examinées au fur et à mesure du processus. Une liste officielle de prisonniers devrait être remise prochainement par la partie syrienne lors de la deuxième réunion des comités à Beyrouth.
La frontière commune
Quant au second comité, il aura pour mission de mener un travail technique de démarcation officielle de la frontière entre le Liban et la Syrie, qui n’est pas entièrement délimitée, une situation favorisant la contrebande, l’occupation informelle de certaines zones et les tensions locales. Il proposera également des mesures pour renforcer la sécurité le long de la frontière, tout en respectant les intérêts des populations locales.
La création de ces comités intervient dans un contexte politique inédit, marqué par la chute du régime de Bachar el-Assad et l’arrivée au pouvoir du président par intérim, Ahmad al-Chareh, qui a promis d’ouvrir une nouvelle page avec Beyrouth. Si ces instances bilatérales parviennent à des résultats concrets, elles pourraient représenter une étape majeure vers la normalisation des relations entre le Liban et la Syrie et constituer un modèle pour la résolution d’autres différends régionaux. Cependant, les défis restent nombreux, notamment la transparence, le respect des droits humains et l’application effective des décisions prises.
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