Le Conseil des ministres, qui s’est tenu vendredi au palais présidentiel de Baabda, a approuvé le plan de l’armée pour le rétablissement du monopole étatique des armes, après avoir pris connaissance de ses différentes phases, présentées par le commandant en chef des forces régulières, le général Rodolphe Haykal.

Le gouvernement, qui a tenu sa réunion sous la présidence du chef de l’État, Joseph Aoun, a donné son feu vert au plan d’action des forces régulières en l’absence des cinq ministres chiites qui se sont retirés de la salle «pour rester en phase avec leur position» hostile au désarmement du Hezbollah et favorable à une nébuleuse stratégie nationale de défense. Cette stratégie est mise en avant par un Hezbollah affaibli qui cherche essentiellement à gagner du temps en enfermant les autorités dans un débat byzantin, lui permettant surtout de préserver, voire de reconstituer son arsenal et de conserver le contrôle sur le pouvoir décisionnel de l’État.

Le ministre de l’Information, Paul Morcos, a beau user d’une formulation édulcorée pour annoncer la mise en branle du processus de désarmement qui fait grincer les dents à ce groupe, cela ne change en rien à l’essentiel: l’armée ira jusqu’au bout des démarches qui doivent permettre enfin à l’État d’assumer pleinement ses responsabilités, notamment sur le plan militaire. Mais «en fonction de ses capacités logistiques, humaines et financières», a nuancé le ministre. M. Morcos a ainsi repris une partie des explications du général Haykal, en faisant état «de contraintes pratiques» dans l’application du plan.

On peut cependant souligner, sans grand risque de se tromper, que celles-ci devraient être abordées au cours des entretiens de l’émissaire américaine, Morgan Ortagus, attendue sous peu à Beyrouth, en compagnie du commandant du US Centcom, l’amiral Brad Cooper, arrivé vendredi dans la capitale libanaise.

La sémantique à laquelle Paul Morcos a eu recours a ainsi mis en relief l’effort fourni pour ne pas heurter le tandem Amal-Hezbollah. Sans plus. Parce que s’il a affirmé que «le Liban ne fera pas de concessions à Israël», il a aussi insisté sur le fait que le plan de l’armée ne fera pas non plus l’objet de concessions.

Le communiqué dont il a donné lecture au terme de la réunion a certes repris certains arguments que le tandem avance pour dénigrer le projet de désarmement, comme la poursuite des raids israéliens sur le Liban. Cependant, ceux-ci ont été présentés par l’armée «comme un possible obstacle, qui risque par moments de retarder l’application du plan», mais pas au point de le compromettre.

Le gouvernement a apparemment réussi son exercice d’équilibriste, puisque le président de la Chambre, Nabih Berry, cité par des médias locaux, aurait «salué la formule gouvernementale et le plan de l’armée dans la mesure où celui-ci ne fixe aucun délai pour la mise en œuvre de l’exclusivité des armes et subordonne son exécution à l’acceptation du plan par Israël».

Un plan en cinq étapes

Au cours de sa conférence de presse, M. Morcos a affirmé que le Cabinet «a favorablement accueilli le plan de l’armée», évitant, en dépit de l’insistance des journalistes, à employer des mots tels que «approuver» ou «entériner».

Le plan, a-t-il expliqué, sera appliqué sur base «du cadre décidé durant la réunion gouvernementale du 5 août», au cours de laquelle les phases de sa mise en vigueur, supposée se terminer à la fin de l’année, avaient été entérinées.

S’il a décidé de «garder secrètes» les étapes d’exécution envisagées par l’armée ou les délibérations autour du document, le gouvernement a demandé au général Haykal de lui soumettre un rapport sur l’état d’avancement du processus de désarmement. Selon les informations relayées par l’agence Al-Markaziya, la priorité sera donnée à la démilitarisation de la zone située au sud du Litani, comme prévu dans l’accord de cessez-le-feu de novembre avec Israël. La deuxième phase concerne également le Sud, mais le secteur qui s’étend du sud du Litani jusqu’au fleuve Awali. Une fois ces zones démilitarisées, l’armée se tournera vers Beyrouth et sa banlieue sud, puis vers la Békaa. La phase finale portera sur le reste du pays, en fonction des modalités décidées par la Troupe.

Dans le même temps, «le gouvernement libanais s’engage à élaborer «une stratégie de sécurité (et non pas de défense) nationale, dans le cadre de la mise en œuvre du principe de l’autorité exclusive de l’État sur l’ensemble de son territoire et du monopole des armes aux mains des forces légales», a poursuivi Paul Morcos. Un engagement censé également rassurer le tandem, sans pour autant adopter sa terminologie.

Paul Morcos a longuement évoqué la feuille de route pour le Liban soumise par l’émissaire américain, Tom Barrack, estimant que «tout avancement au niveau de son application, reste tributaire des mesures (réciproques) qu’Israël est censé appliquer à son tour».

Dans ce contexte, il a indiqué que le chef de l’État a dénoncé, en début de séance, les raids israéliens contre le Liban.

De son côté, le Premier ministre, Nawaf Salam, a expliqué que «nul ne se sentira en sécurité au Liban et que les investissements ne viendront qu'à condition que le monopole des armes soit instauré». «Pour réussir, toutes les réformes menées doivent être réalisées à l’ombre de ce monopole», a-t-il insisté.

La loi sur la justice judiciaire

Sur un autre plan, le président Aoun a informé les ministres de sa décision de renvoyer au Parlement la loi relative à l’organisation de la justice judiciaire, conformément aux prérogatives que lui confère l’article 57 de la Constitution. Il a expliqué sa décision par «des erreurs de forme, de fond et de procédure, qui rendraient certaines de ses dispositions inapplicables». De plus, il a dit avoir constaté que la loi en question est en contradiction avec certains «principes fondamentaux et normes internationales» qui seront détaillés dans le document qui sera envoyé au Parlement.

Le Conseil a aussi vite fait d’approuver, en début de séance, les quatre points qui avaient été ajoutés à l’ordre du jour de la séance: le paiement de la prime financière aux militaires pour le mois d’août, un exposé de la ministre de l’Environnement sur l’arrêt du processus d’exportation des substances chimiques depuis les installations pétrolières de Tripoli et de Zahrani, une demande du ministère de l’Énergie et de l’Eau d’approuver le contrat de gré à gré signé avec la Kuwait Petroleum Corporation for Trading et un projet de décret, présenté par le ministère des Finances, pour la conclusion d’un accord de prêt avec la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), portant sur un projet d’énergie renouvelable, d’un montant de 250 millions de dollars.

 

 

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