Perturbations massives du GPS en Iran : les civils pris au piège d’un brouillage militaire
Des Iraniens utilisent des parapluies pour se protéger du soleil alors qu'ils marchent dans une rue pendant une vague de chaleur dans la capitale Téhéran, le 9 août 2025. ©Atta Kenare / AFP

Le chauffeur iranien Farshad Fooladi peine à s'orienter dans la capitale Téhéran, où les services de navigation demeurent encore fortement perturbés plusieurs semaines après la fin de la guerre entre l’Iran et Israël.

«Je n’ai pas pu travailler pendant des semaines», explique l’homme de 35 ans, conducteur chez Snapp, un équivalent iranien d’Uber.

Pour se déplacer, dit-il, «il faut soit avoir une bonne mémoire des itinéraires, soit bien connaître la ville», mégalopole de quelque neuf millions d’habitants.

Depuis l’attaque surprise d’Israël en juin, qui a déclenché une guerre meurtrière de 12 jours, le système de positionnement global par satellite (GPS, américain) et d’autres services de navigation locaux connaissent des perturbations inédites en Iran.

Les autorités les ont brouillés, invoquant des «raisons sécuritaires et militaires», sans plus de détails.

Les applications de taxi en ligne, les plateformes de livraison et même les services de cartographie de base comme Google Maps sont depuis paralysés.

Dans de nombreuses régions, notamment autour de Téhéran, des Iraniens constatent que leur position indiquée sur le GPS se trouve en fait à des centaines de kilomètres de leur localisation réelle.

M. Fooladi explique qu’il ne peut plus prendre que des clients qui connaissent leur trajet, et que ses revenus ont ainsi fondu par rapport à avant la guerre.

L’Iran utilise depuis longtemps le brouillage des GPS, employés notamment par les drones, autour de ses sites militaires sensibles, mais les perturbations récentes se distinguent par leur ampleur et leur durée inédites.

«À double tranchant»

Difficile de dire combien de temps vont durer ces mesures et quelles conséquences elles vont avoir sur l’économie, déjà en berne en raison notamment de décennies de sanctions.

En attendant, un responsable de l’application iranienne de navigation Neshan a d’ores et déjà signalé une baisse de 15 % des utilisateurs actifs quotidiens et de 20 % de l’activité de navigation.

Le média local Khabar Online a qualifié ces perturbations d’« arme à double tranchant », avertissant qu’elles nuisent à l’économie numérique et compromettent la sécurité publique, notamment pour les interventions d’urgence.

De son côté, le journal réformateur Ham Mihan, citant l’ancien ministre des Communications, Mohammad Javad Azari Jahromi, estime aussi que la panne des services de navigation est «coûteuse».

Le vice-ministre des Communications, Ehsan Chitsaz, a également reconnu que ces perturbations avaient nui aux entreprises et suscité par ailleurs «méfiance et désespoir» au sein de la société.

Et ce alors que les autorités iraniennes filtrent déjà depuis des années Internet, et avaient même imposé de dures restrictions pendant la guerre avec Israël, de nombreux sites internet et applications devenant partiellement voire totalement inaccessibles.

Compte tenu de l’impact important des mesures de brouillage sur la vie des citoyens, M. Chitsaz a suggéré que l’Iran adopte des alternatives au GPS.

Dans une déclaration en juillet au quotidien Ham Mihan, il a suggéré notamment le système satellitaire chinois BeiDou qui s’impose comme un concurrent mondial du GPS.

Selon lui, l’Iran prépare un programme pour que certains services de localisation, dans les transports, l’agriculture et l’Internet des objets, migrent progressivement du GPS vers BeiDou.

«Avenir incertain»

Toutefois, les experts soulignent que le remplacement du GPS sera complexe.

«Cela exigerait des infrastructures importantes et coûteuses», a déclaré Amir Rashidi, du groupe américain Miaan, rappelant que l’Iran reste actuellement « extrêmement vulnérable dans le cyberespace ».

Les experts en cybersécurité doutent en outre que le brouillage des services GPS ait des effets défensifs efficaces.

Affirmant que l’Iran était sur le point de se doter de la bombe atomique, Israël, allié des États-Unis, l’a attaqué le 13 juin, bombardant des centaines de sites militaires et nucléaires et tuant les plus hauts gradés du pays ainsi que des scientifiques du nucléaire.

L’Iran, qui dément vouloir fabriquer l’arme atomique mais défend son droit à un programme nucléaire civil, avait riposté avec des tirs de missiles et de drones vers Israël.

Alors que les autorités israéliennes n’ont pas exclu de mener d’autres frappes sur l’Iran, des Iraniens ne cachent pas leur inquiétude.

«Nous ne savons pas si la guerre éclatera à nouveau ni ce qui se passera ensuite (…) l’avenir est incertain», a déclaré Mohammad Hossein Ghanbari, chauffeur Snapp de 32 ans.

Ramin Khanizadeh / AFP

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