
Longtemps considéré comme résistant à toute tempête, le secteur du luxe traverse cet été une zone de turbulences. Ralentissement des ventes, chute des bénéfices, baisse des achats touristiques... les géants du luxe commencent à comprendre que même les sacs à plusieurs milliers d’euros ne sont pas immunisés face à la conjoncture.
Le tourisme a toujours été l’oxygène du luxe, insufflant vitalité et flux de clients aux maisons les plus prestigieuses. Chaque été, Paris, Milan ou Tokyo se transforment en véritables terrains de chasse pour une clientèle internationale fortunée, prête à dénicher pièces uniques et éditions limitées. En 2024, la mécanique était bien huilée: un dollar fort dopait les achats des Américains en Europe, tandis qu’un yen faible ouvrait grand les portes du Japon aux acheteurs chinois. Mais en 2025, la partition a changé. Selon Travel and Tour World, le yen a regagné du terrain, le dollar a perdu de sa superbe, et avec eux, le pouvoir d’achat touristique s’est contracté. Résultat: les vitrines continuent d’illuminer les avenues, mais les tiroirs-caisses peinent à suivre le rythme.
Chez Kering, le verdict est brutal: -16% de chiffre d’affaires au premier semestre 2025, bénéfice net en chute de 46% à 474 millions d’euros (Vogue Business, Luxury Tribune). Gucci, pilier historique, voit ses ventes plonger de 25 à 26% selon les estimations de Vogue Business. Symbole de la fragilité ambiante, S&P Global a abaissé les perspectives de crédit du groupe à «négatives», tout en maintenant la note en catégorie investment grade, indique Reuters.
Cette tendance s’explique aussi par des facteurs structurels: la montée continue des prix qui pousse même les clients fortunés à la prudence, et une compétition accrue avec le commerce en ligne, qui gagne du terrain malgré les spécificités du luxe. Par ailleurs, les enjeux écologiques et éthiques deviennent des critères de plus en plus déterminants dans le choix des consommateurs, forçant les marques à repenser leurs stratégies.
Au Liban, haut lieu de la haute couture et de la joaillerie au Moyen-Orient, le luxe navigue aussi en eaux troubles. La crise économique, la volatilité monétaire et un tourisme intermittent forcent les enseignes à se réinventer. Les stratégies se resserrent autour d’une clientèle ultra-ciblée: expatriés de passage, résidents fortunés et amateurs fidèles. Les négociations, parfois dignes des souks, deviennent monnaie courante, tout comme les services personnalisés: rendez-vous privés, présentations sur mesure, livraison sécurisée à domicile. Ici, le luxe doit conjuguer créativité, patience et sens du contact pour maintenir son éclat.
Face à ces vents contraires, les géants ajustent leurs voiles. Kering, par exemple, remodèle son organigramme, Gucci mise sur un nouveau directeur artistique, et l’ensemble du secteur adopte une approche plus nuancée: moins de hausses mécaniques, plus de narration de marque, une expérience client immersive et ce petit supplément d’âme qui rappelle qu’au fond, le luxe n’est pas seulement une question de prix… mais aussi de rêve.
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