
Une cascade de critiques et d’attaques frontales visent depuis de nombreuses années le Hezbollah. Il faut toutefois reconnaître à ce parti une prouesse, un paramètre de taille que l’on pourrait inscrire à son «actif» (pardonnez l’abus de langage…). La formation pro-iranienne est en effet passée maître dans l’art de la supercherie et de la manipulation des faits bien établis.
Le long parcours du Hezb s’illustre depuis des décennies par un interminable cortège de mensonges, de falsification des réalités du moment, d’interprétations farfelues des accords conclus et de non-respect éhonté des résolutions internationales et des engagements formels dûment signés par le parti lui-même. Cette fourberie chronique, érigée en stratégie d’action, a commencé à poindre à l’horizon avec l’accord de Taëf, lequel prévoit, explicitement, «la dissolution de toutes les milices libanaises et non libanaises, et la remise de leurs armes à l’État dans un délai de six mois»… Un délai qui devait expirer en 1990.
À l’époque, le Hezbollah avait imposé, grâce au soutien de l’Iran et du régime syrien sur ce plan, sa propre lecture de cette clause, affirmant que le parti ne saurait être perçu comme une milice car il assume, prétendument, une «résistance contre l’occupation israélienne» et, à ce titre, il n’était pas concerné par la décision de dissolution des milices. Première supercherie: l’histoire apportera la preuve, bien plus tard, que le véritable enjeu pour le parti pro-iranien était de doter les Pasdaran d’une carte maîtresse aux frontières avec Israël, le Hezb étant appelé à constituer une première ligne de défense iranienne en cas de conflit avec l’État hébreu. Cette première ligne de défense s’avèrera d’ailleurs, par la suite, totalement inopérante.
En l’an 2000, Israël retirait toutes ses troupes du Liban-Sud, abandonnait la bande frontalière qu’il avait instaurée dans la région méridionale et mettait un terme à la mission de sa milice supplétive, «l’armée du Liban-Sud». De ce fait, le Hezb perdait, en se basant sur sa propre logique, son statut de «résistance». Deuxième supercherie: affichant sa vision particulière de la situation nouvelle créée par le retrait israélien total, la formation chiite jouait la carte des fermes de Chebaa en poussant la falsification de la vérité jusqu’à prétendre que la zone de Chebaa est une parcelle du territoire libanais toujours occupée par Israël et que, par voie de conséquence, sa «résistance» était toujours de mise. Le Hezbollah occultait de la sorte un fait historique indéniable: la région des fermes de Chebaa a été occupée par Israël en… juin 1967, dans la foulée de l’occupation du Golan, alors qu’elle était administrée par la Syrie. Elle relève donc de la résolution 497 du Conseil de Sécurité relative au Golan.
La région en question est, depuis des lustres, au centre d’un litige frontalier entre le Liban et la Syrie, certaines parties, dont notamment Walid Joumblatt, affirmant que les fermes de Chebaa sont bel et bien syriennes. Sur le plan du droit international, l’ONU considère que cette zone continuera de relever du contentieux israélo-syrien, en suspens depuis 1967, tant que Damas n’aura pas reconnu officiellement qu’il s’agit là d’un territoire libanais. Le régime Assad a constamment refusé d’effectuer cette démarche afin de maintenir la supercherie de la prétendue «résistance», permettant ainsi aux Pasdaran de conserver jalousement la carte du Sud et à la milice pro-iranienne de justifier son refus de remettre ses armes à l’État.
Mais c’est en 2006 que la supercherie a atteint son zénith: pour la première fois sans doute dans l’histoire des guerres contemporaines, une «résistance” contre une occupation a suscité délibérément un retour à… cette même occupation! Sans raison apparente – à part celle de servir les intérêts stratégiques du régime des mollahs –, le Hezbollah a ainsi déclenché, sous le commandement direct de Qassem Soleimani (chef emblématique des Pasdaran), la guerre du 12 juillet 2006 qui a entraîné le retour de l’armée israélienne au Sud. Ce conflit s’est soldé par un nouveau retrait israélien total sur base de la résolution 1701, avalisée par le Hezb. La milice chiite s’est toutefois empressée d’en violer les clauses en se lançant dans une opération de grignotage territorial progressif dans le but de se réimplanter militairement à la frontière avec Israël, en violation flagrante de cette même résolution onusienne qu’il avait pourtant appelée de ses vœux en août 2006 lorsqu’il faisait face au matraquage israélien qu’il avait lui-même provoqué le 12 juillet!
Cerise sur le gâteau: à l’instigation évidente du régime iranien – comme l’a relevé le président Emmanuel Macron –, le Hezbollah mettra fin le 8 octobre 2023, de manière unilatérale, à plus de dix-sept ans de calme total et d’absence israélienne au Sud, en réactivant le front méridional, entraînant ainsi pour la seconde fois un retour à l’occupation israélienne (!), parallèlement aux conséquences dévastatrices de cette nouvelle aventure guerrière sur le parti lui-même, sa communauté et le pays tout entier. Et pour tenter de justifier son obstination actuelle à refuser de remettre son arsenal militaire à l’État, conformément à l’accord international qu’il a lui-même avalisé en novembre dernier, le Hezb ajoute aujourd’hui à son long cortège de supercherie et de manipulation des faits un nouveau mensonge de taille: il affirme sans ambages que le choix de la «résistance» figure «au cœur de la Constitution de Taëf», alors qu’il n’en est nullement question dans le texte de la Loi fondamentale!
Depuis l’enclenchement du processus de Taëf, en 1989-1990, la ligne de conduite du parti pro-iranien est ainsi fondée sur une persistante manipulation outrancière des faits avec pour enjeu un diktat à la sauce iranienne à tous les échelons du pouvoir, le but ultime étant de préserver l’expansionnisme des Pasdaran au pays du Cèdre et dans la région. Il était donc grand temps dans un tel contexte que le nouveau régime au Liban et le gouvernement Salam mettent le holà à cette vaste mystification qui prend en otage les Libanais depuis plus de quarante ans, depuis l’implantation des Pasdaran dans la Békaa au milieu des années 1980.
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