«And Just Like That…» s’éteint: quand la nostalgie ne suffit plus
«And Just Like That… » s’arrête. La nostalgie suffit-elle à rallumer la magie de Sex and the City? ©Ici Beyrouth

Après trois saisons, And Just Like That… tire sa révérence. Reboot attendu de Sex and the City, la série n’a jamais retrouvé la magie d’antan. Entre hommage bancal et modernité forcée, retour sur un semi-échec au charme paradoxal.

And Just Like That…, c’est fini. Le 14 août 2025, HBO diffusera le dernier épisode d’une série qui n’aura cessé de marcher sur un fil, celui de la mémoire. Mémoire d’un quatuor devenu culte à la fin des années 90, mémoire d’un New York fantasmé, fait de cosmos, de talons et de confidences crues, mémoire surtout d’une série qui avait donné voix et corps à une génération de femmes trop souvent réduites au silence ou à la caricature. Mais voilà, la nostalgie, parfois, pèse plus qu’elle ne soulage. Et le pari de la réinvention s’est mué peu à peu en désenchantement, même s’il est doux-amer.


L’iconique quatuor de Sex and the City. © Ici Beyrouth

Dès sa première saison, And Just Like That… avait choisi son camp. Pas question de répéter Sex and the City à l’identique. Le temps a passé, et les personnages aussi. Il aura suffi d’un premier épisode pour se débarrasser de Big – mais une vie entière ne suffira pas à l’oublier. Tandis que l’iconique Carrie Bradshaw tentait de survivre à l’absence, nous apprenions, nous aussi, à faire sans lui. Et déjà, une question planait: à quoi pouvait bien rimer la suite sans lui? Carrie affronte le deuil, Miranda vacille dans son couple et explore sa sexualité, Charlotte tente de rester à la hauteur de sa famille parfaite. Les corps ont changé, les visages aussi. Et avec eux, les thématiques: vieillissement, inclusivité, diversité des sexualités, parentalité tardive, nouvelles technologies, cancel culture. Un cahier des charges ambitieux. Trop ambitieux?

Car très vite, les critiques se sont multipliées. Non pas contre l’idée d’évoluer – au contraire, la série aurait pu devenir un modèle de transition générationnelle – mais contre la manière. Trop démonstrative. Trop consciente d’elle-même. Trop «woke» pour certains, pas assez subtile pour d’autres. Le personnage de Che Diaz, humoriste non-binaire censé incarner la fluidité moderne, en est devenu malgré lui le symbole clivant. Sur les réseaux, les internautes dénoncent un personnage «agressif», «mal écrit», «inutilement provocateur». Ce qui devait être un miroir de notre époque est devenu un repoussoir. Pire: un malentendu.

Quand la nostalgie dérape en malaise générationnel

Le contraste est d’autant plus frappant si l’on pense à Samantha. Incarnation flamboyante d’une liberté sexuelle décomplexée, elle reste dans les mémoires comme le cœur battant de Sex and the City: drôle, directe, provocante, mais jamais caricaturale. À l’inverse, Che ne semble devoir son existence qu’au politiquement correct. Là où Samantha séduisait par son naturel, Che agace parfois par son discours. Pas étonnant que l’absence de Kim Cattrall ait laissé un vide que ce nouveau personnage, malgré toute sa sincérité, n’a jamais pu combler. Il ne s’agissait pas de remplacer, mais de réinventer, et c’est là que la série a trébuché.


Les stars de And Just Like That… © Ici Beyrouth

Pourtant, tout n’est pas à jeter. And Just Like That… a aussi su, par moments, capter quelque chose de juste et de touchant. L’errance de Carrie après la mort de Big, le désarroi de Miranda face à ses propres contradictions, ou encore les scènes de tendresse maladroite entre anciennes et nouvelles générations de femmes… autant d’instants sincères, parfois bouleversants. Mais à vouloir tout dire, tout montrer, tout inclure, la série s’est éparpillée. Et surtout, elle a oublié ce qui faisait la force de son aînée: la légèreté, l’humour et l’insolence. Ces dialogues acérés où quatre femmes pouvaient refaire le monde autour d’un brunch.

Le showrunner Michael Patrick King a confirmé que cette fin n’était pas une annulation, mais un choix créatif. Une manière élégante de clore un chapitre qui ne trouvait plus vraiment sa voix. Sarah Jessica Parker, Cynthia Nixon et Kristin Davis ont salué ce parcours avec émotion. Mais dans leurs propos transparaît aussi une forme de lassitude. Comme si elles-mêmes avaient fini par se rendre à l’évidence: on ne ressuscite pas impunément les fantômes du passé.

Il reste les chiffres, implacables. Une chute de 59% d’audience entre les saisons 1 et 2. Puis encore 7% en moins pour la saison 3. Et un streaming qui peine à rattraper le désintérêt croissant. Le public a regardé – beaucoup – mais souvent pour critiquer. Par fidélité. Par curiosité, mais également par habitude et par passion.

Alors, pourquoi la magie n’a-t-elle pas repris? Parce que Sex and the City appartenait à un temps, à une culture et à un esprit, tous aujourd’hui dépassés. Malheureusement. Parce que ses dialogues irrévérencieux, ses failles assumées, ses outrances drôlissimes étaient ceux d’une époque qui ne cherchait pas tant à plaire qu’à exister. Parce qu’au fond, And Just Like That… a voulu nous prouver que «nous sommes encore là, malgré tout.»  Mais ce « tout » est précisément ce qui a rendu le retour si laborieux.

Et puis, pour les fans de la première heure, c’est plus qu’une série qui s’éteint. C’est une part de leur jeunesse qui tire définitivement sa révérence. Une époque où Carrie écrivait ses chroniques sur un Mac couleur bonbon, où l’amitié se conjuguait à talons hauts, où tout semblait possible dans les rues de Manhattan. Aujourd’hui, ce monde s’éloigne. Et accepter que ce qui fut ne sera plus, c’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile pour leurs fans.


Inoubliable incarnation de Carrie Bradshaw par Sarah Jessica Parker. © Ici Beyrouth

Il n’y aura donc pas de saison 4. Et peut-être est-ce mieux ainsi. L’histoire s’est refermée avec une certaine élégance. Comme une robe qu’on remet une dernière fois avant de la ranger pour de bon.

Et juste comme ça… on tourne la page. So long Carrie. Rabbit rabbit. Xxx.


 

Le message d’adieu de Sarah Jessica Parker 

«Elle a traversé des rues, des avenues, des Rubicons – semblait-il. Elle a brisé des cœurs, des talons, des habitudes. Elle a aimé, perdu, gagné, trébuché, sauté, échoué, atterri dans des flaques, vieilli, mûri.

Elle a pris les décisions les plus dures, les pires comme les meilleures. Elle a voyagé tout près ou très loin, pour du neuf, du vintage, pour l’amitié et pour l’amour.

Elle a changé de maison, de fuseau horaire, de petit ami, d’avis, de chaussures, de coiffure – mais jamais de passion ni de fidélité pour New York City.

Elle a eu des rendez-vous, des verres, des amants, un mari et de grands, vrais amours. Elle a hélé des taxis, couru en talons, dansé avec Stanford. Elle a dit la vérité et menti. Elle a tapé, douté, écrit, publié, pleuré, pardonné, s’est fait poser un lapin, s’est relevée, s’est affirmée.

Elle s’est vouée aux chapeaux, aux livres, aux chaussures, à ses amies et à la promesse d’un nouveau jour dans sa ville adorée. Elle a porté la honte, la fierté, l’honneur, l’optimisme et, littéralement, des centaines de robes, de jupes, de tutus. Elle a tenu des mains, des espoirs, le meilleur des gens.

Miranda, Samantha et Charlotte resteront les meilleures amies, et quelle chance pour Carrie d’avoir aimé aussi Seema et LTW, si divinement nouvelles et précieuses.

Carrie Bradshaw a habité mon cœur professionnel pendant 27 ans. Je crois que c’est elle que j’ai le plus aimée. Je sais que d’autres l’ont aimée comme moi: frustrés, agacés, bouleversés, mais toujours à ses côtés.

La symphonie de toutes ces émotions est devenue la bande-son la plus précieuse, la compagne la plus marquante. Alors merci – avec une gratitude immense, sentimentale, éternelle.

MPK et moi avons reconnu que ce chapitre était achevé. And Just Like That... fut une joie, une aventure, le plus beau des défis, partagé avec une équipe extraordinaire de 380 personnes, dont tous les brillants comédiens.

Je suis meilleure grâce à chaque jour passé avec vous. Il me faudra une éternité pour oublier.

Merci à vous tous. Je vous aime.

J’espère que vous aimerez ces deux derniers épisodes autant que nous.»

Rabbit rabbit. Xxx - SJ

Sarah Jessica Parker, Instagram, 1er août 2025



 

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