Les familles des victimes du 4 août réclament justice lors du 5ᵉ anniversaire de l’explosion du port
Les familles des victimes de l'explosion du port de Beyrouth ont défilé jusqu'au site de l'explosion à l'occasion du cinquième anniversaire, réclamant vérité et justice. ©Al Markazia

À l’occasion du cinquième anniversaire de l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth, les familles des victimes ont mené, lundi soir, une marche solennelle pour réaffirmer leur appel à la vérité, à la justice et à la reddition de comptes. Deux cortèges sont partis de la place des Martyrs et de la caserne des pompiers à la Quarantaine, convergeant vers la statue de l’Émigré, près du site de la déflagration, brandissant des portraits de proches disparus et des banderoles dénonçant l’impunité.

À 18h07, heure exacte de l’explosion du 4 août 2020, qui avait fait plus de 200 morts et des milliers de blessés, une minute de silence a été observée. Un grand drapeau libanais signé par des centaines de personnes réclamant justice a été hissé en geste symbolique. Les noms des victimes ont été lus, transformant la statue en lieu de recueillement et de mémoire.

Douleur et colère des familles

William Noun, frère du pompier Joe Noun, tué dans l’explosion, a vivement critiqué le Hezbollah et rappelé les menaces contre le juge Tarek Bitar. «Nous ne pardonnerons pas au Hezbollah de nous avoir emprisonnés», a-t-il déclaré, exigeant des décisions judiciaires claires et l’exécution des mandats d’arrêt contre les anciens ministres Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil.

L’avocate Cécile Roukoz, sœur de Jean Roukoz, a dénoncé l’entrave politique persistante. «Le juge Bitar fait son travail. Tous se sont présentés aux auditions sauf Ghassan Oueidate et Ghazi Zeaiter. Ce sont des fugitifs», a-t-elle affirmé, rappelant que «justice retardée est justice refusée». Ella a également remercié les ministres de la Justice, de la Culture et de l’Information pour leur soutien.

Une forte présence ministérielle et politique

La marche a réuni plusieurs ministres, dont Adel Nassar (Justice), Ghassan Salamé (Culture), Hanine Sayed (Affaires sociales), Fayez Rasamny (Travaux publics), Laura Khazen Lahoud (Tourisme), Rakan Nasreddine (Santé) et d’autres.

Le ministre de l’Industrie, Joe Issa el-Khoury, a estimé que «les familles des victimes ne peuvent être appelées à oublier ou à pardonner sans connaître la vérité».

Le ministre de la Santé, Rakan Nassereddine, a insisté sur l’unité: «Les martyrs sont tombés de tous bords. Nous sommes aux côtés de la justice.»

Le ministre des Télécommunications, Charles Hage, a affirmé: «La décision de construire l’État est prise, et aucun État ne peut être bâti sans justice.»

Le ministre des Travaux publics, Fayez Rasamny, a reconnu la «mauvaise gestion» du port et promis d’y remédier cette année.

La ministre du Tourisme, Laura Khazen Lahoud, a rappelé que «le 4 août ne peut être oublié. Justice et responsabilité sont indispensables».

Le ministre de la Culture, Ghassan Salamé, a annoncé l’ouverture d’un dialogue permanent avec les familles, déclarant: «Pas de justice sans vérité, pas de vérité sans indépendance judiciaire.»

Réactions internationales et politiques

Plusieurs ambassades et acteurs internationaux ont réitéré leur soutien.

Le président français Emmanuel Macron a assuré, sur X, que la France «n’oublie ni les victimes, ni la souffrance» du peuple libanais. Il a réaffirmé l’engagement de Paris pour la reconstruction, la sécurité et la pleine souveraineté du Liban.

L’ambassade américaine a insisté sur la nécessité d’une justice impartiale, affirmant que le Liban «mérite justice pour les victimes, pas la protection des élites».

L’ambassade britannique a mis son drapeau en berne à 18h07, appelant à «une enquête transparente et rapide».

L’ambassade de France a souligné que «mettre fin à l’impunité est essentiel» pour la reconstruction du Liban.

La Finul a publié un communiqué rappelant ses efforts au lendemain de l’explosion aux côtés de l’armée libanaise et réaffirmant son soutien au pays.

La coordinatrice spéciale de l’ONU, Jeanine Hennis-Plasschaert, a estimé que «l’absence de justice ne fait qu’aggraver la tragédie», appelant à accélérer les procédures judiciaires et saluant l’adoption récente de la loi sur l’indépendance de la justice.

Parmi les responsables libanais, le député Michel Moawad a qualifié le 4 août de «cause nationale», voyant émerger un espoir avec la désignation de cette date comme journée nationale et les avancées dans l’enquête.

Le chef du PSP, Taymour Joumblatt, a, pour sa part, insisté sur la nécessité d’un État fort et souverain, garant de la justice.

Le député Nadim Gemayel a dénoncé cinq ans de «paralysie judiciaire» et réclamé la publication de l’acte d’accusation.

Le député des Forces libanaises, George Okais, a exhorté la justice à «aller au bout de sa mission».

Le ministre Joe Saddy a, quant à lui, qualifié l’entrave à l’enquête de «crime plus grave» que l’explosion elle-même.

Le ministre de l’Intérieur, Ahmad Hajjar, a déclaré en déposant une gerbe: «Pas d’État sans justice.»

Le chef du parti Kataëb, le député Sami Gemayel, a, de son côté, posté, sur X: «Nous n’oublierons pas… nous ne pardonnerons pas», en partageant une vidéo en hommage à quatre membres du parti.

Enfin, le député Neemat Frem a lancé: «Où en est l’enquête? Qui est responsable? 218 martyrs, 7.000 blessés, et chaque Libanais ayant une conscience attendent encore.»

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