
Dans son rapport mensuel intitulé «Entre la réforme du secteur et l’échéance du 31 août!», le secrétaire général de l’Association des banques du Liban, Fadi Khalaf, a mis en garde contre une mesure prise récemment par la direction des recettes du ministère des Finances, estimant qu’elle pourrait avoir de «graves répercussions» sur la pérennité du secteur bancaire.
«Alors que le Parlement cherche à adopter une loi de restructuration des banques et attendant qu’une loi soit votée pour combler le déficit financier, la direction des recettes a pris une décision aux conséquences potentiellement désastreuses», a déclaré M. Khalaf, avant d’en détailler les implications, comme repris ci-dessous.
Ce que demande la direction des recettes
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Le paiement par les banques d’une taxe de 17% sur les provisions constituées en application des décisions de la Commission de contrôle des banques de la Banque du Liban.
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Ces provisions ont été mises en place pour couvrir les pertes liées aux eurobonds que l’État a cessé de rembourser depuis mars 2020.
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La date limite de règlement de cette taxe est fixée au 31 août 2025.
Le statut actuel des eurobonds
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Ces titres sont négociés aujourd’hui à hauteur d’environ 18 cents pour un dollar sur les marchés internationaux.
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Cela revient à dire que l’État a lui-même acté une décote de 82% de leur valeur, somme qui devrait en théorie revenir aux déposants.
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Pourtant, l’État exige désormais une taxe supplémentaire de 17% sur ces pertes enregistrées.
Une contradiction flagrante
M. Khalaf a rappelé que la commission de contrôle avait exigé des banques qu’elles provisionnent 75% de la valeur des eurobonds après le défaut de paiement de l’État. Par ailleurs, l’article 7 du projet de loi sur la restructuration bancaire prévoit que ces obligations soient évaluées à leur valeur de marché, aujourd’hui autour de 18%.
Il y a donc, selon lui, une contradiction majeure dans la position du ministère des Finances: alors même qu’il est à l’origine du projet de loi sur la restructuration, il choisit de taxer des provisions comptables qui ne sont que le reflet des pertes subies sur des actifs dépréciés.
Les conséquences redoutées
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Le retrait de plusieurs centaines de millions de dollars, voire d’un milliard, des liquidités des banques, au détriment des dépôts des clients.
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Une pression accrue sur la capacité des banques à verser les paiements mensuels dus aux déposants, si leurs ressources sont asséchées par des impôts injustifiés.
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Un frein majeur à la mise en œuvre de toute future réforme structurelle du secteur bancaire.
Les questions posées par les banques
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Si l’État a suspendu le remboursement de ses dettes, pourquoi la direction des recettes refuse-t-elle de reconnaître la nécessité de provisions comptables sur ces obligations?
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Quel intérêt pour les banques à conserver des titres dont la valeur est encore amputée par l’impôt?
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Est-il raisonnable pour l’État de pousser les banques à vendre à perte leurs obligations, au risque de les transférer intégralement à des créanciers étrangers?
Le message des banques
L’Association des banques réaffirme sa volonté de parvenir à une solution équitable par le biais d’une législation globale, visant à la fois la restructuration du secteur et le traitement du déficit financier. Mais elle estime que taxer les pertes revient à vider tout processus de réforme de sa substance.
Deux voies sont envisagées
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Intégrer ces dispositions fiscales dans le cadre juridique de la loi sur la restructuration.
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Ou reporter la réclamation du paiement des taxes jusqu’à ce que le sort des eurobonds soit tranché, ce qui devrait se faire prochainement avec l’adoption de la loi sur la gestion des déficits.
En conclusion
«Imposer une taxe sur des pertes subies par ceux qui ne les ont pas causées relève d’un précédent digne d’un brevet international», ironise dans ce sens M. Khalaf.
Et d’avertir: si la question des eurobonds n’est pas abordée avec discernement, «les efforts du Parlement pour adopter une loi de restructuration risquent d’être inutiles, puisqu’il n’y aura bientôt plus de banques à restructurer».
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