Carburants: retour au calme après une tempête fiscale
Taxe illégale: c'est le consommateur qui trinque. ©Mohd Rasfan/AFP

Après une phase de perturbation liée à la levée d'une redevance forfaitaire imposée sur le fuel et l’essence pour financer une hausse des salaires des militaires, le marché des produits pétroliers raffinés a retrouvé une relative stabilité. Ces deux produits énergétiques sont à présent disponibles en quantité suffisante, sans signe de pénurie.

Cette redevance, fixée à 100.000 livres libanaises et appliquée sur la consommation intérieure de l’essence et du mazout (sous le code 04H dans le système douanier), avait été instaurée par la décision n°49/2025 du Conseil des ministres, en date du 2 juin 2025.

Mais l’arrêt du Conseil d’État n°219/2024-2025, rendu le 15 juillet 2025, a tranché en faveur des requérants, annulant purement et simplement la décision gouvernementale.

Le Conseil d’État rappelle la règle du droit

En annulant cette redevance, le Conseil d’État a rappelé un principe fondamental: nul impôt ne peut être institué sans une loi adoptée par le Parlement. La Constitution est claire à ce sujet. Le pouvoir exécutif, à savoir le Conseil des ministres, n’a pas le droit d’imposer une taxe par simple décision administrative.

Si le ministre des Finances, Yassine Jaber, a certes pris l’engagement de ne valider aucune dépense sans couverture budgétaire, il a néanmoins contourné les règles constitutionnelles en imposant cette taxe sans base législative.

Une taxe injuste et économiquement néfaste

Au-delà de la forme, le fond pose également problème. Taxer de manière uniforme un produit de base, sans ciblage social, revient à pénaliser indistinctement toutes les couches de la population, des plus riches aux plus vulnérables. Une politique facile, mais aux conséquences économiques lourdes: elle freine la consommation, ralentit la croissance, fragilise le secteur privé et, in fine, réduit les recettes fiscales de l’État.

L’impact est encore plus grave lorsqu’il s’agit de carburants, un bien essentiel. La taxation de ces produits provoque un effet domino sur les prix à la consommation et alimente l’inflation. Une inflation qui agit comme une taxe déguisée, insidieuse et profondément inégalitaire.

Confusion administrative: la machine s’enraye

Dans les jours qui ont suivi l’arrêt du Conseil d’État, le marché des carburants a sombré dans le chaos, faute de coordination entre les administrations. Le ministre de l’Énergie, Joe Saddi, a appliqué la suspension de la taxe dès le 17 juillet, publiant une nouvelle grille tarifaire.

Mais les douanes, non encore officiellement informées, ont continué à percevoir la redevance. Résultat: incompréhension chez les distributeurs et suspension des livraisons dès le lundi suivant, en attendant des directives claires.

Ce n’est que le 21 juillet que le ministère des Finances a publié un communiqué confirmant l’entrée en vigueur de la décision du Conseil d’État et notifiant la direction des douanes. Sur cette base, le Conseil supérieur des douanes a enfin ordonné l’arrêt immédiat de la perception de la redevance.

Le consommateur, toujours perdant

Dans cette cacophonie administrative, le consommateur final reste le grand perdant. Dépourvu de protection, il subit la hausse des prix sans espoir de retour à la normale. Car, dans un marché sans régulation active, les hausses ont tendance à devenir permanentes. Les prix, une fois majorés, redescendent rarement.

Certains observateurs estiment que la confusion a entraîné une hausse de près de 20% à la consommation. Ce chiffre peut sembler exagéré, mais il reflète bien la perte de confiance et l’opacité d’un marché privé de garde-fous efficaces.

 

 

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