Pouvoir d’achat en berne: l’équation impossible des ménages libanais
Les prix montent, les salaires stagnent, mais la résilience demeure. ©Ici Beyrouth

Avec une inflation annuelle dépassant 15% et une livre libanaise fragilisée, les Libanais jonglent entre hausse du coût de la vie et stagnation des revenus. Entre débrouille, solidarité et renoncements, la survie économique est devenue un art… et une nécessité.

De Beyrouth à Tripoli en passant par la Békaa, un même refrain résonne: «Tout a augmenté, cela devient impossible.» «Nous allons de privation en privation, soupire Mona, mère de trois enfants».

Selon la Direction centrale des statistiques, l’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 0,6% en septembre et de 15% sur un an, confirmant la persistance de l’inflation dans l’ensemble des secteurs économiques.

Le panier de la ménagère s’est envolé: les prix des produits alimentaires de base ont bondi de 25% en un an, les fruits et légumes de 30%, tandis que les viandes, désormais un luxe, disparaissent peu à peu des tables libanaises. Une famille de quatre personnes dépense aujourd’hui entre 350 et 450 dollars par mois pour se nourrir – presque le double du niveau de 2022.

L’éducation et la santé, deux fardeaux croissants

Les frais de scolarité constituent une autre plaie ouverte. Dans les écoles privées, les écolages ont augmenté de 40 à 60% pour l’année 2025-2026, parfois exigés intégralement en dollars, inaccessibles pour beaucoup de familles.

«J’ai dû transférer mes deux enfants dans une école publique», raconte Rami, employé dans une administration locale. «Ce n’est pas par choix, mais je ne pouvais plus suivre.» Résultat: un transfert massif vers les écoles du secteur public, où les infrastructures déjà fragiles peinent à absorber l’afflux d’élèves.

Quant aux universités, les coûts d’inscription atteignent des niveaux inédits, inaccessibles pour une grande partie des étudiants.

Même constat dans le domaine de la santé: les primes d’assurance privée ont grimpé de 30% en moyenne cette année, selon le syndicat des assureurs, alors que la couverture publique reste quasi inexistante. De nombreuses familles renoncent désormais aux soins non urgents, tandis que d’autres se tournent vers les ONG et les associations qui délivrent des soins gratuitement.

Une débrouille devenue mode de vie

Face à cette inflation généralisée, les Libanais font preuve d’une inventivité sans bornes: covoiturage, achats groupés, troc, plateformes d’occasion et solidarité communautaire rythment désormais le quotidien. Les marchés locaux se développent, et les systèmes d’échange remplacent les billets.

«Le Libanais est résilient, mais il ne peut pas tout supporter éternellement», souligne un économiste à Ici Beyrouth. Selon lui, cette adaptation permanente ne peut se substituer à une politique publique. «Tant qu’il n’y aura pas de plan macroéconomique clair, la consommation intérieure continuera de s’éroder», insiste-t-il.

En attendant les réformes, les ménages s’ajustent jour après jour, dans un pays où le salaire public moyen ne dépasse pas 350 dollars par mois. La survie a remplacé la prospérité, mais la détermination reste intacte, preuve que, même affaibli, le Liban refuse de plier.

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