Les messages de Barrack entre lenteurs libanaises et évolutions rapides
©Ici Beyrouth

L’émissaire américain, Thomas Barrack, reviendra-t-il à Beyrouth pour la troisième fois le 28 juillet, porteur de la réponse américaine à la feuille de route libanaise et, comme il l’a laissé entendre, d’une «solution miracle»? Le président de la Chambre, Nabih Berry, aura-t-il entretemps finalisé le compromis politique avec le Hezbollah, sous forme de document détaillant les modalités d’exécution de la proposition libanaise? Ce document, considéré comme complémentaire à la feuille officielle, regroupe les suggestions et remarques d’Amal et du Hezbollah.

La position des autorités libanaises reste unifiée, avec une feuille de route commune transmise par le président Joseph Aoun à Barrack. Le tandem Amal-Hezbollah affiche également une position commune autour des propositions élaborées par Berry pour tenter de repêcher les restes du Hezbollah.

Malgré les déclarations chocs de Barrack, qui ont suscité une onde de stupeur au Liban, notamment son avertissement contre un danger existentiel ou l’éventualité d’un retour du Liban sous influence syro-régionale, l’émissaire a tenu à rectifier dans un tweet, affirmant: «Mon admiration pour les avancées en Syrie n’a rien d’une menace contre le Liban, mais reflète simplement la nouvelle réalité régionale.»    

De son côté, le président Joseph Aoun a fait part à ses visiteurs des positions fortes: «La décision du monopole des armes aux mains de l’État a été prise, elle est irréversible. Elle incarne la souveraineté nationale. Son application tiendra compte de la stabilité, de l’unité nationale et de l’intérêt de l’État. La coopération des différentes parties avec l’État est un facteur essentiel pour protéger le pays et le prémunir contre les complots.» Il a affirmé que le discours d’investiture a été rédigé pour être mis en œuvre, mais de manière progressive. Il a également tenu à faire la distinction entre paix et normalisation: «La paix est une situation de non-guerre, et c’est ce qui importe pour le Liban à l’heure actuelle. Quant à la question de la normalisation, elle n’est pas envisagée, pour le moment, dans la politique étrangère libanaise.»

Par ailleurs, Joseph Aoun a fixé la fin de l’année comme échéance pour clôturer le dossier des armes, sans en dévoiler les modalités mais en assurant que la décision est ferme. Il a également rassuré sur le fait qu’il «n’y aura ni guerre civile, ni confrontations. Je privilégierai un dialogue dans le calme».

Ces prises de position montrent l’alignement entre Aoun, Berry et Nawaf Salam sur un scénario de désarmement maîtrisé qui respecte la dignité de l’État sans porter atteinte au Hezbollah.

En réaction, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a fustigé les responsables de complicité, de laxisme et de ne pas agir en tant que véritables dirigeants conformément à l’accord de Taëf et aux résolutions internationales. Il a également appelé les autorités à assumer leurs responsabilités dans les plus brefs délais et à engager des mesures concrètes pour faire du Liban un véritable État, faute de quoi le pays restera une scène ouverte à toutes formes de mainmise.

Le Premier ministre Nawaf Salam a répliqué que la question des armes sera inscrite à l’ordre du jour du Conseil des ministres dès qu’elle sera mûre, soulignant que la position du gouvernement est désormais claire: le retrait israélien, notamment des hameaux de Chebaa, l’arrêt des hostilités, l’application de la résolution 1701 et le processus de désarmement.

Il a rappelé que la position du gouvernement repose sur les principes énoncés dans la déclaration ministérielle, à savoir le désarmement, la mise en œuvre de réformes économiques pour mettre fin à la crise financière et l’extension de l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire par ses propres moyens – un engagement que le Liban n’a jamais pleinement mis en œuvre depuis l’accord de Taëf.

Avant son départ, Barrack a évoqué une percée miraculeuse qui pourrait satisfaire toutes les parties et clore le dossier du désarmement. Il a affirmé: «Je suis convaincu que tout le monde est prêt à trouver une solution. Le gouvernement est prêt. L’armée est un pilier central, il faut la soutenir.» Mais il a également averti que «nul ne continuera à négocier avec le Liban au-delà de la fin de l’année». Et a résumé la position de Trump pour le Liban en trois mots: «Un pays. Un peuple. Une armée.»

Il a assuré ne pas s’immiscer dans les affaires internes libanaises ni employer un ton menaçant, tout en soulignant que le temps imparti à la paix dépendra de la patience du président Trump, qui n’est pas illimitée.

Sur un autre plan, la classe politique a confié à Nabih Berry la tâche de trouver un compromis honorable pour l’État et pour le Hezbollah. Il s’est donc lui-même engagé à obtenir l’accord du Hezbollah sur un plan détaillé, fondé sur une approche graduelle, selon lequel il renoncerait progressivement à ses missiles, à son arsenal balistique et à ses drones – autrement dit, aux armes lourdes et intermédiaires pouvant représenter une menace pour Israël – en contrepartie d’un retrait israélien du Liban, de la fin des violations territoriales et de la libération des prisonniers.

Selon des sources diplomatiques, la feuille libanaise sera soumise à Israël avant d’obtenir une réponse américaine. Israël, de son côté, rejette toute condition posée par le Hezbollah et l'appelle à s'engager sans réserve dans la mise en œuvre de l'accord de cessez-le-feu. Elle refuse la politique du pas à pas et exhorte le Hezb, désormais considéré comme vaincu, à remettre volontairement ses armes à l'État.

La grande question demeure donc: qui appliquera l’accord en premier?

Barrack aurait averti les responsables libanais qu’ils disposent d’une fenêtre étroite à saisir, sans quoi le train de la paix partira sans eux.

Selon certaines sources, le Liban attend la super entente irano-américaine, dans laquelle le dossier des armes du Hezbollah figurerait en bonne place. Par ailleurs, «l’obstination du Hezbollah met en péril non seulement le parti lui-même, mais le Liban tout entier, en l’exposant à une guerre dure et destructrice».

Le Hezbollah est ainsi sommé de revenir au cadre national, d’abandonner son agenda régional, de cesser de se battre au nom de l’Iran et de cesser d’ignorer ses partenaires libanais, qu’il tente aujourd’hui de rallier à sa cause malgré ses échecs.

Ses armes ont ruiné le pays et provoqué l’effondrement économique. Il est temps de revenir à l’accord de Taëf, seul capable de sortir le Liban de l’impasse.

 

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