Des conflits en suspens, jusqu’à quand?
©Ici Beyrouth

Les trêves négociées au Proche-Orient et en Iran sont en état d’hibernation, mais jusqu’à quand? Une trêve est par définition intérimaire et doit nécessairement déboucher soit sur des accords sécuritaires concluants ou des dynamiques de paix qui mettraient fin à des conflits dans la durée, comme c'est le cas dans cette aire géopolitique. La disparité des enjeux rend malaisée la recherche de solutions négociées alors que les conflits s’enveniment.

La situation en Iran est en état de suspens alors que les enjeux militaires sont loin d’être traités, la situation à Gaza est toujours à la merci de la politique croisée des otages dont se targue le Hamas pour le malheur des Israéliens après 17 mois de détention, et celle de la stratégie des boucliers humains que subit la population civile palestinienne. Le Liban est pris en otage par une politique de chantage qui a neutralisé les instances étatiques, bloqué la vie politique et renvoyé le pays aux enfermements des conflits régionaux. La Syrie, quant à elle, est sur le point d’amorcer une stratégie de décloisonnement après de longues décennies de réclusion imposée par un régime mafieux et criminel et ses succédanés terroristes. L'Irak est plus que jamais ballotté dans des dilemmes qui alternent entre les arrangements négociés et consentis et les tentatives de sabordage tentées par la politique iranienne. Le remorquage du Yémen se fera le jour où l’Iran pliera bagage et rentrera chez lui à la suite d’une défaite ou d’un accord de paix dûment signé entre Israël et les pays affranchis de la politique de puissance iranienne.

Le régime iranien tente de déjouer ses défaites consécutives en jouant de nouveau la carte du chaos généralisé, des guerres civiles et des négociations sans termes. Les USA et Israël ne peuvent avaliser aucune des stratégies de sabordage tentées par le régime iranien. La fermeté des endiguements sur le plan militaire et l'extension des maillages stratégiques et des alliances sont les ultimes remparts, si l'on veut, à la fin de ces dynamiques cyniques et corrosives. Les dystopies meurtrières sont à achever sans états d'âme.

Le dossier iranien est paradoxalement dans les limbes, et on est là à se demander où en est cette trêve qui n’a pas donné lieu à un échange structuré entre les parties du conflit. Les Iraniens continuent à se comporter comme s’il n’y avait pas de césure, pas d’avant et pas d’après, alors que les centrales nucléaires sont non seulement détruites et sévèrement endommagées, mais sujettes au bombardement israélien et au pouvoir discrétionnaire de l’état-major de Tsahal. Comment ose-t-on avancer en terrain miné en l’absence de tout cadre régulateur? Au fond, que veut le pouvoir iranien et à quoi peut-il s’attendre en alternant les dénis?

C’est trop demander, si l’on enchaîne sur l’éventualité d’un lien entre la présumée trêve et les chances d’un traité de paix qui mettrait fin aux hostilités permanentes, quoique invraisemblables vu les pétitions idéologiques. L’incongruité de la position iranienne tient à la ténacité de ses scotomes qui s’interdisent toute réflexion sur la défaite qu’ils viennent de subir et croient pouvoir continuer comme si de rien n’était. La chaîne de commandement entièrement éradiquée, les commandes du pouvoir infiltrées à tous les niveaux, les infrastructures nucléaires détruites, alors que le pouvoir n’a d’autre souci que de poursuivre sa politique de répression à l’encontre d’une population civile saignée à blanc.

Cet état d’indétermination ne peut pas continuer, surtout que l’état d’effondrement généralisé avance et laissera peu de chances aux solutions négociées. Autrement, au nom de quoi le pouvoir iranien peut-il se prévaloir d’une exclusivité alors que sa capacité de répression est plus que jamais fragilisée? Autant de questions pour conclure au fait que l'état d’inachèvement ne peut déboucher sur aucune solution concrète. L’hypothèse du chaos ne pèsera plus dans la balance lorsque le degré de pourrissement atteindra un tel état de gravité.

La situation à Gaza, de par les conditions humanitaires qui ont été cyniquement exploitées, ne peut plus se prolonger indéfiniment, alors qu’elle aurait pu se résorber en un rien de temps si ce n’étaient les dilemmes de la double séquestration, celle des otages israéliens et celle de la population civile à Gaza instrumentée par les terroristes du Hamas et leur commanditaire iranien. L’unique issue est celle d’une diplomatie d’urgence en vue de résoudre la question des otages, d’assurer le départ des combattants du Hamas et de mettre en place une structure de gouvernance intermédiaire afin de gérer les urgences sécuritaires et humanitaires et de préparer le terrain aux règlements d’ensemble. La couverture inter-arabe est de grande utilité dans la mesure où elle peut contribuer au désenclavement de la scène palestinienne et préparer sa réhabilitation en vue de regagner son autonomie morale et politique. Autrement, les Israéliens ne peuvent sous aucun rapport jeter du lest et compromettre leur sécurité nationale.

Le drame du Liban se situe à l’intersection entre les réalités d’un État délétère instrumentalisé par des oligarchies corrompues et adeptes de toutes les compromissions et celles de la politique de domination chiite pilotée par le régime iranien. Alors que le pays se décompose et que la société est renvoyée aux querelles sauvages d’intérêt et aux prédations en tout genre. Les fascismes chiites n’arrivent pas à se rendre à l’évidence de leur défaite, à se défaire des délires générés par quatre décennies de délinquance, de crime organisé et de terreur qui ont transformé toute une communauté religieuse en une secte criminelle sanctuarisée derrière une jurisprudence religieuse conçue pour entériner toutes sortes de délinquance (trafics en tous genres, assassinats, prédation sexuelle, activités économiques illicites, expropriations…).

Le malheur dans un contexte pareil tient à l’affaissement de toute sociabilité primaire, à la trivialisation de la dépravation et à l’absence de toute réciprocité morale. Nous sommes en face d’un contexte d’anomie généralisée qui fournit tous les ingrédients d’une guerre civile. Nous sommes face aux aléas d’un chaos délibérément recherché. Le Hezbollah et ses acolytes cherchent à se réinvestir dans une stratégie de sabotage de la concorde civile, du crime organisé et de la prolifération des incivilités qui doivent paver la voie à un redressement hypothétique des rapports de force.

Le nouveau pouvoir en Syrie amorce une politique de renouement avec la communauté internationale après des décennies de politiques de claustration qui répercutent les univers concentrationnaires institués par des idéologies pan-totalitaires. La gravité des délitements structurels dont pâtit la Syrie, la fragilité de ses assises géopolitiques et les incohérences multiples des politiques de remplacement sont contrebalancées par la gravité des enjeux créés par les migrations de masse et leurs incidences sur la sécurité européenne, et les équilibres de société dans les démocraties occidentales subverties par les transitions brutales et leurs effets de déculturation.

Le pragmatisme de l’ancien chef jihadiste, quoique tangible, nous renvoie à des zones d’ombre, insuffisamment élucidées quant à la portée stratégique de ce changement de vision. Autrement, le dissident islamiste est toujours sous l’influence de ses mouvances extrémistes et de leur caractère hétéroclite. Les pogroms anti-alaouites et les aléas sécuritaires que les Druzes et les chrétiens ont subis nous renseignent, à juste titre, sur les risques de cette transition aux contours imprécis. La politique de réhabilitation consentie par le tandem américano-saoudien fait face à des défis auxquels le nouveau pouvoir devrait répondre. Les énoncés et les pratiques doivent évoluer de manière symétrique.

L’Irak est de nouveau à l’épreuve parce que la politique de subversion iranienne mise considérablement sur la capacité de déstabilisation de la communauté chiite. Contrairement à une fausse impression de normalisation, la scène chiite irakienne est toujours sous la coupe des rivalités politico-religieuses instrumentalisées par le pouvoir iranien. Le contexte yéménite évolue dans une dynamique ectoplasmique propre dont se sert l’Iran à des fins multiples de sabotage et de déstabilisation.

La coalition américano-israélienne ne peut plus se cantonner dans un statu quo que les Iraniens et leurs mandataires cherchent à pérenniser. L’achèvement du travail militaire et le maillage politique sont complémentaires pour détruire une dynamique de subversion peu susceptible de conversion, et afin d’éviter l'émergence de nouveaux vides stratégiques et des friches sécuritaires.

 

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