Aux armes, et cetera!
©Ici Beyrouth

Six pages: c’est le document américain remis aux autorités libanaises. Et c’est la réponse officielle à ces six pages que l’émissaire spécial américain Tom Barrack vient chercher lors de sa nouvelle visite, prévue lundi.

Pour le Liban officiel, il va falloir «sortir du bois» et prendre des mesures claires et datées. Parce qu’on l’a bien vu un peu partout, la patience n’est pas la qualité principale de Donald Trump. Le président américain commence à se lasser de la «danse du ventre» des dirigeants libanais.

Ce texte pose pourtant une équation simple, presque évidente: désarmement du Hezbollah d’ici novembre, en échange d’un retrait israélien concomitant des cinq collines au Liban-Sud occupées depuis la «brillante victoire» de l’automne dernier, qui a vu la déroute de la milice pro-iranienne.

En théorie, il n’y a rien de plus conforme à la souveraineté nationale. Le discours d’investiture du président de la République et la déclaration ministérielle du gouvernement libanais sont sans équivoque: seul l’État a le droit de détenir les armes. Et pourtant, sur le terrain, la réalité est tout autre: une milice, enracinée dans un appareil transnational, continue de prétendre décider seule de la guerre et de la paix.

Le Hezbollah souffle le chaud et le froid. Il réclame une «stratégie de défense nationale», tout en s’arrogeant un droit unilatéral à la confrontation. Il participe aux institutions, tout en les vidant de leur substance par la détention illégitime de ce qui reste de son arsenal.

Le double langage ne tient plus. Après les revers successifs de l’Iran dans sa guerre contre Israël et la chute du régime Assad, le Hezbollah a perdu ses parrains, ses voies d’approvisionnement et… ses financements. Malgré l’impasse stratégique dans laquelle il se trouve, il continue de cultiver le mythe de la «résistance», qui ne repose plus que sur la rhétorique. Selon le secrétaire général de la milice, «les armes ont défendu le pays»! Ah bon. On n’a pas dû vivre le même conflit.

Les faits, eux, sont têtus: le Hezbollah n’est plus un rempart, il est devenu un fardeau, une force de provocation. D’autant plus qu’en un an et demi, le visage géopolitique du Moyen-Orient a été totalement transformé.

En Syrie, M. Al-Chareh semble pressé de signer la paix avec Israël. L’Iran, de son côté, se tourne, en fronçant les sourcils, vers son intérieur, stupéfait de la facilité avec laquelle Benjamin Netanyahou a gagné la guerre des douze jours. Désormais, ce qui reste de la force armée des mollahs bunkerisés est consacré à réprimer et museler un peuple privé de liberté au nom de Dieu.

La feuille de route américaine pour le Liban représente peut-être la dernière chance d’une sortie par le haut. Elle n’impose pas ouvertement une reddition, mais propose un retour à la normalité républicaine. Elle offre une transaction équilibrée: désarmement en échange de retrait. Fin d’un conflit gelé qui coûte chaque jour un peu plus au Liban, en vies, en économie, en souveraineté. Et surtout: feu vert à la reconstruction, en sursis. Sans armes parallèles. Sans agendas étrangers. Et sans fausses excuses.

Il est temps de trancher. Soit le Hezbollah s’inscrit dans le cadre légal, celui où l’armée libanaise seule détient la légitimité de l’usage de la force, soit il persiste dans une logique d’État dans l’État, auquel cas il portera la responsabilité historique de la désintégration finale du pays qu’il expose, fragilise et confisque.

Le Liban n’a plus les moyens de tolérer cette contradiction structurelle. Et l’Histoire, elle, ne tolérera pas l’ambiguïté éternelle. Sinon, il ne faudra pas longtemps avant que le Liban tout entier ne se résume, lui aussi, à six pages. Celles d’un pays perdu par entêtement et aveuglement.

Évitons d’en arriver «aux larmes, citoyens».

Commentaires
  • Aucun commentaire